lundi 24 janvier 2011 Ecole Polytechnique Federale de
Lausanne (EPFL)
Les conquêtes romaines, la peste noire
ou la conquête de l'Amérique, en modifiant les forêts,
ont eu un impact significatif sur le climat. Telle est la découverte
d'une équipe de l'EPFL, qui a retracé la longue histoire
de nos émissions de carbone.
«L'être humain n'a pas attendu
l'ère industrielle pour bouleverser l'environnement et le climat.
Il exerce une influence depuis au moins 8000 ans.» Jed Kaplan
propose une nouvelle interprétation de l'Histoire de l'homme et
de son environnement. Ce professeur de l'EPFL et sa collègue Kristen
Krumhardt ont mis au point un modèle expliquant les liens entre
accroissement de la population et déforestation. La méthode
permet d'estimer assez précisément les émissions de
carbone d'origine humaine avant l'industrialisation.
L'histoire de notre influence sur le climat
commence avec les premiers agriculteurs. A cette époque, les techniques
ne permettaient pas une utilisation optimale des sols. «Pour chaque
personne il fallait défricher une très importante surface
de forêts, explique Jed Kaplan. Au fil du temps, l'irrigation,
l'outillage, les semences ou les engrais gagnent en efficacité.
Un facteur capital, qui va contrebalancer en partie l'augmentation de la
population, et contenir la pression humaine sur les milieux naturels.»
L'agriculture, l'histoire d'une course au rendement
Le rapport entre population et surfaces agricoles
n'est donc pas simplement proportionnel, comme on le postulait auparavant.
Au moyen-âge, l'Europe comptait moins de forêts qu'aujourd'hui,
alors même qu'entre temps la population a plus que quintuplé.
«La grande nouveauté de notre travail, c'est précisément
de prendre en compte l'amélioration des techniques de l'agriculture.
Les modèles standards postulent simplement que plus la population
est importante, plus on rase de forêt. Or, cela ne correspond pas
à la réalité historique.»
Ignorant les progrès de l'agriculture,
les modèles précédents impliquent qu'une même
surface de terrain est nécessaire pour nourrir un européen
au Vème siècle et au XXème siècle. C'est pourquoi
les scientifiques peinaient à parvenir à estimer la quantité
de CO2 produite par l'homme avant l'ère industrielle.
Les travaux de l'équipe de Jed Kaplan permettent pour la première
fois de remonter le fil du temps.
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suite:
L'Empire romain ou la peste noire ont influencé le climat
Les résultats esquissent une histoire
très différente de ce qui était couramment admis jusqu'alors.
Ils montrent, par exemple, un premier boom des émissions de carbone
2000 ans avant notre ère déjà, correspondant à
l'expansion des civilisations en Chine et autour de la méditerranée.
Certains événements
historiques, presque invisibles dans les modèles précédents,
apparaissent de manière évidente sur la courbe des chercheurs.
Ainsi en est-il de la repousse des forêts consécutive à
la chute de l'Empire romain. La peste noire, qui a emporté dans
son sillage plus d'un tiers de la population européenne, se traduit
également par une chute des émissions.
Du génocide des indiens d'Amérique au petit âge
glaciaire
Enfin, une baisse considérable des
émissions s'amorce au 16ème siècle – celle-là
même qui allait donner lieu au fameux petit âge glaciaire.
Jed Kaplan ose une hypothèse pour expliquer le creux de la courbe.
«Grâce aux témoignages des premiers explorateurs,
nous savons que les forêts étaient alors moins abondantes
sur le continent américain. Puis les colons ont éliminé
les indiens.» Poussées au bord de l'extinction, les populations
indiennes auraient laissé la place aux forêts qui, en séquestrant
le carbone de l'atmosphère, auraient à leur tour provoqué
les frimas légendaires du 19ème siècle. «Il
ne s'agit bien sûr que d'une hypothèse, mais au vu des données
dont nous disposons elle me semble tout à fait raisonnable.»
Quoi qu'il en soit, le modèle de Jed
Kaplan ne contredit pas ses prédécesseurs sur un point capital:
l'explosion des émissions à partir de l'ère industrielle
et de l'utilisation massive des carburants fossiles. «Nous disons
juste que notre influence sur le climat a commencé bien plus tôt
que nous ne le pensions. En 6000 avant notre ère, nous cumulions
déjà une quantité significative de carbone dans l'atmosphère,
même si le phénomène était sans commune mesure
avec ce qui se passe aujourd'hui», précise le chercheur.
Un constat qui pourrait s'avérer capital pour mieux évaluer,
à l'avenir, l'influence décisive des forêts sur le
climat.
* Informations bibliographiques complètes
Holocene
carbon emissions as a result of anthropogenic land cover change The Holocene
0959683610386983, first published on December 30, 2010 |