Par BERNARD LAPONCHE Polytechnicien, docteur
ès Sciences en physique des réacteurs nucléaires,
expert en politiques de l'énergie et de maîtrise de l'énergie,
membre de l'association Global Chance
Les produits énergétiques que
nous consommons sont issus de sources d’énergie existant dans la
nature, ou énergies primaires, qui appartiennent à deux grandes
familles : les sources d’énergie de stock, extraites de la croûte
terrestre, et les sources d’énergies de flux, les énergies
renouvelables. En 2008, la consommation mondiale d’énergies primaires
était de 12,2 milliards de TEP (tonne équivalent pétrole),
se partageant en 87% d’énergies de stock (dont 33%
pétrole, 27% charbon, 21% gaz naturel,
6% uranium) et
13% d’énergies de flux
(10% biomasse, 3% hydraulique, éolien, solaire, géothermie).
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suite:
Depuis le début de la révolution industrielle, les systèmes énergétiques ont été conçus et développés suivant le principe d’une production d’énergie toujours croissante, soutien indispensable à la croissance économique. Le nouveau paradigme énergétique est fondé sur le fait que l’on peut, en agissant sur les facteurs de la consommation, obtenir la satisfaction des services énergétiques (confort, déplacement, production) avec des consommations d’énergie très inférieures. Les actions sur la demande deviennent alors au moins aussi importantes que les actions sur l’offre: construction bioclimatique, rénovation énergétique des bâtiments existants, développement des modes de déplacement doux, des transports collectifs et du train, appareils électroménagers et audiovisuels plus efficaces, moteurs électriques plus performants, etc. L’expérience acquise dans les pays européens occidentaux, les travaux pionniers des économistes de Grenoble (1), le scénario Noé (2), le scénario négaWatt (3) et son triptyque (sobriété énergétique, efficacité énergétique, énergies renouvelables) et de nombreux scénarios européens et mondiaux [Amory Lovins (4), José Goldemberg (5)], montrent qu’il est parfaitement possible de réduire considérablement la consommation d’énergie dans les pays industrialisés et de remplacer progressivement les énergies de stock par des énergies de flux qui devraient couvrir les besoins à l’horizon d’un demi-siècle. Les pays riches peuvent et doivent réduire rapidement leur consommation d’énergie par la sobriété et l’efficacité énergétiques, et l’assurer de façon croissante avec des énergies de flux renouvelables. Les pays émergents et les pays en développement pourront alors augmenter la leur sur la base de ce modèle plus sobre, plus efficace, dont le volet de l’offre sera également fondé sur une utilisation croissante des énergies de flux. Le nouveau paradigme de la transition énergétique ne porte pas seulement sur des aspects techniques et économiques, voire de comportement, mais plus profondément sur la conception même des systèmes énergétiques. Le système centralisé et pyramidal laisse la place à une économie énergétique où le local, à l’échelle des territoires, devient prépondérant puisque c’est absolument partout (pays riches et pays pauvres, villes et milieu rural) que l’on peut développer économies d’énergie et énergies renouvelables. Et c’est d’ailleurs dans cette application locale des deux démarches, imbriquées et complémentaires, que va se réaliser la véritable transition énergétique qui sera également sociale et politique. D’un système pyramidal du producteur au consommateur (qui n’a qu’à payer sa facture), on passera à un système bâti sur le citoyen responsable, consommateur-producteur, acteur majeur de la transition énergétique, substituant un réseau horizontal et interactif au réseau de haut en bas du paradigme traditionnel. (1) B. Château et B. Lapillonne, www.enerdata.net (2) B. Dessus, Energie, un défi planétaire, Ed. Belin et www.global-chance.org (3) T. Salomon et www.negawatt.org (4) A. Lovins, Stratégies énergétiques planétaires: les faits, les débats, les options, Ed. Bourgois etRocky Mountain Institute, www.rmi.org (5) J. Goldemberg, Energie pour un monde vivable, ministère de la Coopération, 1990 et World Energy Assessment (www.undp.org/energy/activities/wea). |