Et si, dans moins de dix
ans, on développait une centrale à fusion, une énergie
aussi fiable que le charbon, sans le dioxyde de carbone, aussi propre que
le vent et le Soleil, sans avoir à se demander si l'un va souffler
ou l'autre briller, et aussi puissante que le nucléaire, sans tous
les déchets?
C'est la question fascinante qui me taraude depuis que j'ai visité le tout nouveau National Ignition Facility, ou NIF, au Lawrence Livermore National Laboratory, à 80 kilomètres à l'est de San Francisco. Là, j'ai commencé par rencontrer Edward Moses, le directeur du NIF. Il tenait un minuscule réceptacle doré de la taille d'une petite pilule, contenant une microcapsule en plastique grosse comme un grain de poivre et destinée à être remplie d'hydrogène congelé. Le NIF fonctionne de la façon suivante: 192 lasers déversent leur énergie sur une chambre cible. Au centre de cette dernière sont placées la microcapsule dorée et sa boulette d'hydrogène congelé. Une fois chauffée et comprimée par les lasers, la boulette atteint des températures de plusieurs centaines de millions de degrés, "nettement supérieure à ce qui existe au centre de notre soleil", explique Moses. Mais, surtout, chaque boulette écrasée dégage une énergie qui peut alors être utilisée pour produire d'énormes quantités de vapeur, laquelle, à son tour, entraîne une turbine qui produit de l'électricité destinée à votre foyer – exactement comme le charbon aujourd'hui. Sauf que cette énergie-là est garantie sans CO2, qu'on la trouve partout, qu'elle est sûre et sans danger, et que l'on pourrait sans difficulté l'intégrer à notre réseau électrique actuel. |
Le 9 mars, à 3 heures du matin, les
192 lasers du NIF ont tous été déclenchés à
plein régime pour la première fois précisément
au même moment – un véritable exploit – dans la chambre cible,
encore vide pour l'instant. Une étape majeure a ainsi été
franchie sur la voie de "l'ignition" qui fera de la boulette d'hydrogène
un soleil miniature sur notre Terre. L'étape suivante pour le NIF,
qui devrait être franchie d'ici deux ou trois ans, consistera à
démontrer sa capacité de tirer en continu avec ses 192 lasers
sur plusieurs boulettes d'hydrogène, afin qu'elles produisent plus
d'énergie que n'en dégagent les lasers. Ce que l'on appelle
un "gain énergétique". "C'est ce que voulait dire Einstein
quand il a déclaré que E = mc2", lance Moses. "Avec des lasers,
nous sommes en mesure de libérer de formidables quantités
d'énergie à partir de masses infimes."
Une fois que le laboratoire aura prouvé que son processus à base de lasers permet un gain énergétique, l'étape suivante (si le NIF obtient des fonds à la fois publics et privés) passera par la construction d'un pilote de centrale à fusion par confinement inertiel par laser. L'idée est de démontrer que chaque installation locale pourrait disposer de son propre petit soleil, à une échelle commerciale. La centrale pilote coûterait environ 10 milliards de dollars, autant qu'une nouvelle centrale nucléaire. Je ne sais pas s'ils y arriveront. Dans la communauté scientifique, certains se montrent sceptiques. En revanche, voilà ce dont je suis sûr: les mesures de relance du président Obama ont donné un élan formidable aux énergies renouvelables. Or nous devons parier sur ces nouveaux atouts potentiels. Au rythme qui est le nôtre et avec les technologies en notre possession, si nous n'utilisons pas ces atouts, le changement climatique finira par avoir raison de nous. |