Maintenue dans l'ignorance, l'agglomération
de Gueugnon, basée en Saône-et-Loire, a fait une sombre découverte
suite à une enquête menée par la CRIIRAD (1)
sur ses terres. L'histoire débute en 1955, date à laquelle
une usine d'extraction d'uranium est construite en bordure Sud de la ville.
Initialement exploitée par le Commissariat à l'énergie
atomique (CEA), l'usine est finalement confiée à sa
filiale, la COGEMA, connue aujourd'hui sous le nom d'AREVA
NC. Au cours de ses 25 ans de fonctionnement, l'installation traitera 168.000
tonnes de minerai et produira 842 tonnes d'uranium. Ses activités
stoppent en 1980. A compter de cette date, les équipements sont
démantelés et le site est déclaré assaini.
Mais, à l'instar de toute exploitation nucléaire, la question est loin d'être réglée. Comme le relève la CRIIRAD, les traitements physico-chimiques destinés à extraire l'uranium ont généré plus de 128.000 tonnes de déchets. Indésirables, ces derniers sont stockés sur un site situé à proximité, au bord d'un affluent de la Loire, l'Arroux. Officiellement sous surveillance, ce dépôt est contrôlé par l'exploitant, lequel le déclare comme non toxique pour l'environnement en l'absence d'irradiation anormale. Ces conclusions seront successivement confirmées par un laboratoire indépendant et par l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), affilié à l'Etat. Rendue sur place, la CRIIRAD est pourtant loin de partager cet avis. A la suite de relevés radiamétriques, d'analyses en laboratoire et de recherches documentaires, il révèle une réalité pour le moins dérangeante. En effet, plusieurs zones irradiantes sont détectées en bordure de l'ancien site de l'usine. De l'autre côté de l'Arroux, un parking rattaché à un stade de football présente un niveau d'irradiation anormalement élevé, avec des pics enregistrés au pied des lampadaires. Selon toute vraisemblance, les travaux d'installation de l'éclairage ont permis aux déchets radioactifs enfouis de remonter vers la surface. Or, les radionucléides observés en laboratoire prouvent qu'il s'agit bien d'une pollution liée aux activités passées d'AREVA. |
A la lumière de ces révélations,
cette dernière aurait finalement confirmé la présence
dans le sol de près de 30.000 tonnes de déchets radioactifs,
simplement recouverts de 70 cm de terre.
Cumulant les déchets de démantèlement, de décontamination et les résidus d'extraction de l'uranium, la CRIIRAD estime à quelque 225.000 tonnes les déchets radioactifs accumulés à l'entrée de Gueugnon. Afin de réduire leurs coûts, les exploitants auraient déversé les déchets directement dans les excavations d'anciennes gravières, sans étanchéification préalable du fond et des parois. Une sombre perspective alors que la dangerosité de ces déchets devrait se maintenir pendant plus de 300.000 ans. Face aux résultats de l'enquête de la CRIIRAD, validés par l'Autorité de sûreté nucléaire, le directeur de la DRIRE (2) a demandé à AREVA de proposer des solutions d'assainissement. N'envisageant pas le retrait des déchets radioactifs, celle-ci a suggéré de recouvrir le parking d'une couche d'enrobé. Mais, dans l'hypothèse où la commune viendrait à refuser cette offre magnanime, la société envisage de procéder à la fermeture pure et simple du parking dont elle est la propriétaire. Et de clore ainsi le débat. Cécile Cassier
1. Commission de Recherche et d'Information Indépendantes
sur la Radioactivité.
2. Directions Régionales de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement. |