Le système Terre-Lune, photographié par la sonde Near
alors en route vers l'astéroïde Eros.
L'armée américaine avait l'intention
de faire exploser une charge nucléaire à la surface de la
Lune en démonstration de sa puissance durant la période de
la guerre froide, révèle un ancien scientifique aujourd'hui
à la retraite.
Le Dr Leonard Reifel exerçait comme
physicien pour le compte de l'Armour Research Foundation de Chicago, laquelle
fait aujourd'hui partie de l'Illinois Institute of Technology, au service
notamment de l'armée de l'air américaine à l'époque
de la guerre froide. Agé de 78 ans, il confirme certains faits jusqu'ici
considérés comme des rumeurs.
Reifel rapporte qu'après le choc subi
par les Américains suite au lancement par les Soviétiques
du premier satellite artificiel, l'armée de l'air était prête
à utiliser n'importe quel moyen pour regagner la confiance de la
population. Malheureusement la toute jeune Nasa n'arrivait pas à
égaler les exploits spatiaux du bloc de l'Est et enchaînait
échec sur échec, un grand nombre de ses fusées explosaient
au décollage ou s'écrasaient. Plus grave, l'opinion publique
américaine était persuadée que les Soviétiques
étaient capables de lancer une arme nucléaire vers le territoire
des Etats-Unis alors que ceux-ci ne possédaient pas la technologie
nécessaire pour riposter. |
Le chercheur et son équipe se sont
alors vu confier la mission de réaliser une charge nucléaire
suffisamment compacte pour être lancée vers la Lune et y exploser,
mais dont la puissance aurait rendu l'explosion aisément visible
à l'œil nu depuis la Terre. Elle devait produire un cratère
lunaire ainsi qu'un nuage de poussière qui, suite à l'absence
d'atmosphère, se serait répandu très rapidement dans
toutes les directions au lieu de former l'habituel nuage en forme de champignon.
De mai 1958 à janvier 1959, Reifel
a produit plusieurs rapports sur les effets du souffle ainsi que l'ensemble
des effets possibles, y compris l'impression visuelle depuis la Terre,
selon qu'elle se produise sur la partie éclairée ou non de
notre satellite. Parmi les différents projets, la bombe à
hydrogène a été retenue, car cette formule autorisait
la conception d'une charge à la fois peu volumineuse et légère.
Il était prévu que la bombe
soit emportée par un missile balistique intercontinental tel ceux
que les Etats-Unis ont commencé à déployer sur tout
leur territoire à partir de 1959.
Finalement, les fonctionnaires de l'armée
de l'air ont réalisé que les risques de l'opération
l'emportaient sur les avantages, notamment en cas d'échec au lancement
ou de retombée du missile sur une zone habitée, et ont abandonné
l'idée. Mais l'argument décisif fut qu'il n'était
absolument pas souhaitable, d'un point de vue scientifique, de ruiner l'environnement
naturel primitif de la Lune.
Après cette période, le Dr Reifel
a travaillé à l'Université de Chicago avec le physicien
Enrico Fermi, puis plus tard a été nommé directeur
adjoint de la Nasa durant le programme Apollo. Mais on peut affirmer que
la Lune l'a échappé belle!
Jean Etienne
|