CONTROVERSES NUCLEAIRES !

2008

novembre
CO2: les vices cachés du nucléaire
ADIT

     Une étude analyse tout le cycle de vie de l'atome. Elle indique que l'énergie nucléaire n'est pas aussi neutre pour le climat qu'on l'affirme.
     L'énergie nucléaire est présentée comme une «source de production d'électricité qui n'émet pas de CO2». Par l'industrie nucléaire et ses partisans, du moins.
     À l'opposé, ses pourfendeurs affirment que le nucléaire produit pas mal de CO2, si l'on tient compte de l'ensemble du cycle de vie de l'atome. C'est-à-dire depuis l'extraction de l'uranium jusqu'au démantèlement des centrales.
     Benjamin Sovacool, un chercheur de l'Université de Singapour, s'est penché sur les 103 recherches scientifiques publiées (dont 19 comparables) sur la question à ce jour.
     Ses conclusions? Si les centrales au charbon, au pétrole et au gaz émettent jusqu'à quinze fois plus de CO2 que les centrales nucléaires, le cycle de vie du combustible nucléaire, note-t-il, peut produire dans certains cas près de deux tiers des émissions du cycle de vie des centrales gaz-vapeur ultraperformantes. Voilà qui remet en question l'idée et l'image d'une filière d'électricité propre et neutre quant au CO2. Le chercheur met aussi en évidence le fait que les émissions de CO2 du cycle de vie des énergies renouvelables sont beaucoup moindres que dans la filière nucléaire.

Une revue des 103 études consacrées au cycle de vie de l'atome

Les émissions cachées du nucléaire
     L'énergie nucléaire n'est pas neutre pour le climat. Une étude estime que la filière émet en moyenne 66 grammes de CO2/kWh.
     «L'énergie nucléaire est une source de production d'électricité qui n'émet pas de CO2» Ce leitmotiv de l'industrie nucléaire et de ses défenseurs tente de conforter l'image, ces dernières années, d'une filière de production d'électricité propre et neutre au plan des émissions de CO2. Et donc favorable à la lutte contre le réchauffement climatique...
     De l'autre côté du fleuve, ses opposants ne cessent de clamer que le nucléaire produit beaucoup de CO2 si l'on tient compte de l'ensemble du cycle de vie de l'atome, de l'extraction de l'uranium au démantèlement des centrales. Ainsi, le groupe de recherche d'Oxford n'hésite pas à projeter que si elle se maintient dans une proportion similaire, la filière nucléaire émettra en 2050 autant de gaz à effet de serre que les centrales au gaz les plus performantes en raison de la difficulté croissante d'extraire de l'uranium...

suite:
     Face à ces arguments polarisés, Benjamin Sovacool, chercheur à l'université de Singapour, s'est penché sur les 103 études publiées sur la question à ce jour (1). Ne retenant que les publications versées dans le domaine public et récentes, Benjamin Sovacool a dû éliminer pas moins de 81% des recherches en raison de leur faiblesse méthodologique et de l'absence de critères reproductibles pour l'industrie.

Conclusions? Comme le détaille notre infographie, les 19 recherches consacrées au cycle de vie de l'industrie nucléaire laissent apparaître que le secteur émet en moyenne 66 grammes de CO2 par kWh en raison de l'usage d'énergies fossiles tout au long de la filière...

Le nucléaire plus polluant que les renouvelables
     «Les opérations d'extraction des minerais d'uranium, leur conditionnement et leur acheminement sont responsables de 38 % des émissions de CO2 du secteur, note Benjamin Sovacool. Viennent ensuite le démantèlement des centrales (18 %), l'activité des centrales (17 %), le stockage des déchets (15 %) et la construction des centrales (12 %)...»
     Pas de doute pour l'auteur, les centrales à charbon, au pétrole ou au gaz émettent jusqu'à 15 fois plus (de 443 à 1.050 g CO2/kWh) que les centrales nucléaires. Mais le cycle de vie du combustible nucléaire peut émettre dans certains cas jusqu'à 288 grammes de CO2/kWh. Soit, près de deux tiers des émissions du cycle de vie des centrales gaz vapeur ultraperformantes...
     De même, Benjamin Sovacool constate que les émissions du cycle de vie des énergies renouvelables, émettent beaucoup moins de CO2 que la filière nucléaire. Fort critiqué, le solaire photovoltaïque n'émet que de 29 à 35 g CO2/kWh, rapporte l'auteur, en mentionnant une étude de 2008 sur la question. Face à la multitude de paramètres entrant en ligne de compte (distance entre les centrales et les mines, qualité du combustible, retraitement du combustible, type de générateur utilisé…), Sovacool note enfin la difficulté de déterminer des valeurs générales pour des situations à chaque fois spécifiques. Parmi ces paramètres, la durée de vie des centrales est un moyen de réduire les émissions:
     «Storm van Leeuwen et consorts notaient en 2007 qu'une durée de vie de 30 ans pour un réacteur tend à produire 23,2 g CO2/kWh pour la construction, note Benjamin Sovacool. Si l'on porte le taux d'utilisation à 85% et on prolonge la durée de vie à 40 ans, les émissions chuteront de 25%, à 16,8 g CO2/kWh
     Quarante ans? Ce sera l'âge des trois premiers réacteurs appelés en fermer en Belgique en 2015.