Une étude analyse tout
le cycle de vie de l'atome. Elle indique que l'énergie nucléaire
n'est pas aussi neutre pour le climat qu'on l'affirme.
L'énergie nucléaire est présentée
comme une «source de production d'électricité
qui n'émet pas de CO2». Par l'industrie
nucléaire et ses partisans, du moins.
À l'opposé, ses pourfendeurs
affirment que le nucléaire produit pas mal de CO2, si
l'on tient compte de l'ensemble du cycle de vie de l'atome. C'est-à-dire
depuis l'extraction de l'uranium jusqu'au démantèlement des
centrales.
Benjamin Sovacool, un chercheur de l'Université
de Singapour, s'est penché sur les 103 recherches scientifiques
publiées (dont 19 comparables) sur la question à ce jour.
Ses conclusions? Si les centrales au
charbon, au pétrole et au gaz émettent jusqu'à quinze
fois plus de CO2 que les centrales nucléaires, le
cycle de vie du combustible nucléaire, note-t-il, peut produire
dans certains cas près de deux tiers des émissions du cycle
de vie des centrales gaz-vapeur ultraperformantes. Voilà qui
remet en question l'idée et l'image d'une filière d'électricité
propre et neutre quant au CO2. Le chercheur met aussi en évidence
le fait que les émissions de CO2 du cycle de vie des
énergies renouvelables sont beaucoup moindres que dans la filière
nucléaire.
Une revue des 103 études consacrées au
cycle de vie de l'atome
Les émissions cachées du nucléaire
L'énergie nucléaire n'est pas
neutre pour le climat. Une étude estime que la filière émet
en moyenne 66 grammes de CO2/kWh.
«L'énergie nucléaire
est une source de production d'électricité qui n'émet
pas de CO2» Ce leitmotiv
de l'industrie nucléaire et de ses défenseurs tente de conforter
l'image, ces dernières années, d'une filière de production
d'électricité propre et neutre au plan des émissions
de CO2. Et donc favorable à la lutte contre le réchauffement
climatique...
De l'autre côté du fleuve, ses
opposants ne cessent de clamer que le nucléaire produit beaucoup
de CO2 si l'on tient compte de l'ensemble du cycle de vie de
l'atome, de l'extraction de l'uranium au démantèlement des
centrales. Ainsi, le groupe de recherche d'Oxford n'hésite pas à
projeter que si elle se maintient dans une proportion similaire, la filière
nucléaire émettra en 2050 autant de gaz à effet de
serre que les centrales au gaz les plus performantes en raison de la difficulté
croissante d'extraire de l'uranium...
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Face à ces arguments polarisés,
Benjamin Sovacool, chercheur à l'université de Singapour,
s'est penché sur les 103 études publiées sur la question
à ce jour (1). Ne retenant que les publications versées
dans le domaine public et récentes, Benjamin Sovacool a dû
éliminer pas moins de 81% des recherches en raison de leur faiblesse
méthodologique et de l'absence de critères reproductibles
pour l'industrie.
Conclusions? Comme le détaille notre infographie, les
19 recherches consacrées au cycle de vie de l'industrie nucléaire
laissent apparaître que le secteur émet en moyenne 66 grammes
de CO2 par kWh en raison de l'usage d'énergies fossiles
tout au long de la filière...
Le nucléaire plus polluant que les renouvelables
«Les opérations d'extraction
des minerais d'uranium, leur conditionnement et leur acheminement sont
responsables de 38 % des émissions de CO2 du secteur,
note Benjamin Sovacool. Viennent ensuite le démantèlement
des centrales (18 %), l'activité des centrales (17 %), le stockage
des déchets (15 %) et la construction des centrales (12 %)...»
Pas de doute pour l'auteur, les centrales
à charbon, au pétrole ou au gaz émettent jusqu'à
15 fois plus (de 443 à 1.050 g CO2/kWh) que les centrales
nucléaires. Mais le cycle de vie du combustible nucléaire
peut émettre dans certains cas jusqu'à 288 grammes de CO2/kWh.
Soit, près de deux tiers des émissions du cycle de vie des
centrales gaz vapeur ultraperformantes...
De même, Benjamin Sovacool constate
que les émissions du cycle de vie des énergies
renouvelables, émettent beaucoup moins de CO2 que la
filière nucléaire. Fort critiqué, le solaire
photovoltaïque n'émet que de 29 à 35 g CO2/kWh,
rapporte l'auteur, en mentionnant une étude de 2008 sur la question.
Face à la multitude de paramètres entrant en ligne de compte
(distance entre les centrales et les mines, qualité du combustible,
retraitement du combustible, type de générateur utilisé…),
Sovacool note enfin la difficulté de déterminer des valeurs
générales pour des situations à chaque fois spécifiques.
Parmi ces paramètres, la durée de vie des centrales est un
moyen de réduire les émissions: «Storm van Leeuwen et consorts notaient
en 2007 qu'une durée de vie de 30 ans pour un réacteur tend
à produire 23,2 g CO2/kWh pour la construction, note
Benjamin Sovacool. Si l'on porte le taux d'utilisation à 85% et
on prolonge la durée de vie à 40 ans, les émissions
chuteront de 25%, à 16,8 g CO2/kWh.»
Quarante ans? Ce sera l'âge des trois
premiers réacteurs appelés en fermer en Belgique en 2015. |