04/07/2008
L'analyse de Jacques-Olivier Martin, rédacteur en chef au service Économie du Figaro. C'était prévisible. Quelques minutes à peine après l'annonce par Nicolas Sarkozy du projet de construction d'une deuxième centrale nucléaire de nouvelle génération en France (EPR), les opposants sont montés au créneau. Greenpeace a jugé cette décision «aberrante» et «stupide», et dénoncé une faute en matière de politique énergétique. On connaît l'antienne. Il est pourtant probable que le sujet ne déclenche pas de grande mobilisation des Français. Le temps du nucléaire honteux est passé, dépassé même. Quatre raisons au moins à cela. Tout d'abord, en optant pour la construction d'un deuxième EPR, la France poursuit sa politique d'indépendance énergétique. Or, cette politique a fait ses preuves. Aujourd'hui, 78% de l'électricité de notre pays provient du nucléaire. Cette situation présente un double avantage: être moins prisonnier des décisions politiques des pays disposant de ressources en énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole), et surtout réduire la facture énergétique de la France. Un point crucial, alors que le prix du baril de pétrole vole de record en record. Cette facture est en passe de devenir intenable pour les pays les plus dépendants du gaz et du pétrole. L'annonce, il y a quelques semaines, du retour de l'Italie dans le nucléaire s'explique avant tout par le coût croissant des importations énergétiques du pays. Deuxième raison qui détermine la poursuite des investissements dans le nucléaire : la préparation de l'après-pétrole. Le sujet peut paraître lointain. Et pourtant, l'après-pétrole, c'est demain. En l'absence d'immenses découvertes toujours possibles , les réserves d'or noir sont évaluées à une quarantaine d'années et celles du gaz, très utilisées pour les centrales électriques, à une soixantaine d'années. |
Qu'en sera-t-il réellement? C'est impossible
à savoir. Seule certitude, la forte hausse du baril de brut, passé
de 60 dollars il y a 18 mois à plus de 145 dollars hier, est un
signe qui ne trompe pas. Cette flambée résulte d'inquiétudes
géopolitiques, d'une gestion prudente de la rente pétrolière
des pays producteurs, de spéculations, mais aussi d'incertitudes
sur la capacité à répondre à la demande d'énergies
fossiles à moyen terme. Or, les centrales nucléaires répondent
plutôt bien à la nécessité de sécuriser
notre production d'électricité dans le temps. Le deuxième
EPR, qui devrait être mis en service entre 2017 et 2020, fonctionnera
probablement une bonne cinquantaine d'années, voire jusqu'en 2080.
Troisième justification d'un nouvel investissement: répondre à la demande grandissante d'énergie. La seule consommation d'électricité de la planète devrait en effet doubler d'ici à 2030. Certes, l'essentiel de cette demande supplémentaire proviendra des pays en développement*, mais ce sera également le cas en France. Suez évalue ce besoin de un à deux EPR supplémentaires. Ce pourrait être plus avec les nouveaux besoins attendus en électricité. L'industrie automobile, par exemple, travaille activement sur la voiture à hydrogène. Or, la production de ce «carburant» nécessite de l'électricité. La quatrième raison est environnementale. L'atome présente le grand avantage de ne pas produire de CO2**. Les détracteurs qui, à juste titre, s'inquiètent des problèmes de gestion des déchets et de sécurité des infrastructures, préféreraient toutefois que l'on privilégie le renouvelable (l'éolien ou le solaire) en matière d'énergie propre. D'autant qu'à la différence du Royaume-Uni, qui a annoncé la semaine dernière un immense programme de déploiement de 7.000 éoliennes dans les douze ans qui viennent, la France n'a pas dévoilé un ambitieux plan chiffré. Dans les faits, l'un n'exclut pas l'autre. Nicolas Sarkozy remet sur l'avant-scène le nucléaire. Mais l'éolien est en plein boom. La puissance installée d'électricité d'origine éolienne en France va doubler d'ici 19 mois selon le RTE, soit l'équivalent de 1,5 EPR. La France a la chance de disposer des champions du nucléaire qui ont les moyens d'investir aussi dans les énergies renouvelables. |