LE MONDE | 19.08.08
Dans le groupe de souris entièrement irradiées, le
taux de tumeurs du cervelet a été de 62%. | REUTERS/©
Alessia Pierdomenico / Reuters
Les cellules situées à distance
de celles ciblées par une forte irradiation subissent des dommages
indirects, sous forme de tumeurs, rapporte une équipe italienne
dans un article publié, lundi 18 août, dans les Comptes rendus
de l'Académie nationale des sciences américaine (PNAS).
Les altérations génétiques
et les cancers provoqués par les radiations ionisantes sont bien
connus. Mais, longtemps, l'idée dominante était qu'il fallait
que les rayons traversent directement le noyau d'une cellule pour provoquer
ces effets néfastes. Depuis deux décennies, des preuves
in vitro ont été apportées pour étayer
l'existence de "dommages collatéraux" chez des cellules non traversées
par les rayons.
Un tel effet à distance pourrait s'expliquer
par une communication entre cellules irradiées et non irradiées
ou du fait de la libération par les cellules irradiées de
facteurs pouvant agir sur leurs voisines. Mariateresa Mancuso et ses collègues
de l'équipe dirigée par Anna Saran (Réseau pour les
nouvelles technologies, l'énergie et l'environnement, Centre de
recherche Casaccia, Rome) apportent les preuves d'une telle action in vivo,
chez une souris servant de modèle à des tumeurs cérébrales
de l'enfant. |
Le cervelet des souris porteuses d'un exemplaire
du gène Patched-1 est extrêmement sensible aux effets d'une
irradiation en période néonatale, qui entraîne la formation
d'une tumeur cérébrale appelée médulloblastome.
Les chercheurs ont soumis deux lots de ces souris à une irradiation,
soit de tout le corps, soit en protégeant la tête par du plomb.
Dans le groupe des souris entièrement
irradiées, le taux de tumeurs du cervelet a été de
62%. De façon surprenante, ces tumeurs se sont également
développées chez 39% des souris dont la tête avait
été protégée de l'irradiation. Des altérations
génétiques, responsables de tumeurs, se produisent donc dans
des cellules qui ne sont pas directement exposées à une irradiation,
mais sont situées à courte distance de celles recevant le
rayonnement. Une mort programmée (apoptose) est également
enclenchée dans ces cellules. Il semble que les dommages indirectement
infligés à leur ADN soient durables, alors que les souris
entièrement irradiées souffraient plutôt des effets
néfastes à court terme.
Les chercheurs italiens ont aussi démontré
qu'il était possible d'atténuer les effets à distance
de l'irradiation en perturbant chimiquement la communication entre cellules.
Ils ont constaté une relation proportionnelle entre la dose d'irradiation
délivrée et la réponse des cellules voisines, mesurée
en prenant comme critère le nombre de cassures de l'ADN et le nombre
de cellules entrant en apoptose.
Pour Patrick Gourmelon, de l'Institut de radioprotection
et de sûreté nucléaire (IRSN, cette publication "scientifiquement
très riche ne justifie cependant pas un changement des limites d'exposition
aux rayonnements, comme le suggèrent les auteurs: il faudrait auparavant
accumuler des observations à des doses moins élevées
et sur des modèles animaux moins spécifiques", estime-t-il.
Paul Benkimoun et Hervé Morin
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