CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE INTERNATIONALE
2008

novembre
La crise financière menace de retarder le renouveau du nucléaire
ADIT, http://www.lesechos.fr

     Depuis la mi-novembre, Areva a ajourné deux projets non stratégiques, une extension de bureaux sur un site américain et l'exploitation d'une mine d'uranium au Canada. La crise pousse les clients à un certain attentisme.
     Ce sont de petits événements, des mesures de gestion quotidienne par les temps qui courent. Mais dans le nucléaire, elles reflètent un changement d'attitude contrastant avec la confiance habituelle du secteur dans la relance de l'atome. Depuis la mi-novembre, Areva a ainsi ajourné deux projets. Le groupe a reporté la construction de nouveaux bureaux sur son site de Lynchburg, aux Etats-Unis. Sur place, le groupe a justifié cette décision par «le climat économique actuel», qui «crée une forte incertitude sur tous les marchés, y compris celui de l'énergie». Il a aussi décalé un projet de mine d'uranium au Canada, dont l'exploitation devait initialement débuter en 2010.

Projets de développement
     Le champion français du nucléaire ne remet pas en question ses projets de développement. A Lynchburg, il envisage d'embaucher entre 200 et 250 salariés l'année prochaine, après un renforcement de ses effectifs de 350 personnes cette année. Quant à sa stratégie dans l'uranium, le groupe présidé par Anne Lauvergeon entend toujours doubler sa production d'ici à 2012, à 12.000 tonnes.
     Plus largement, il vient d'annoncer la construction d'une nouvelle usine américaine de composants lourds avec Northrop Grumman, pour 360 millions de dollars. Il a aussi pris au début du mois une participation symbolique dans son fournisseur japonais Japan Steel Works.
     Mais le resserrement du crédit risque de freiner la renaissance de l'atome. «La crise pourrait favoriser certains modèles peu risqués en termes de mise de fonds initiale, ce qui est le cas du gaz naturel, et du charbon dans une moindre mesure, souligne Marc Benayoum, directeur associé au sein du cabinet de conseil BCG. Le nucléaire demande des reins solides
     Officiellement, une centrale EPR coûte 3 milliards €. Mais selon le patron d'E.ON, le géant allemand de l'électricité, il faut en réalité compter entre 5 et 6 milliards € pour un réacteur de troisième génération de 1.600 mégawatts, soit plus de 3 millions € par mégawatt. Par comparaison, il faut compter un investissement moyen de 750.000 € par mégawatt installé pour une centrale à gaz et 1,75 million € par mégawatt pour une centrale vapeur.

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     La question est sensible aux Etats-Unis, où les groupes d'énergie sont plus fragiles du fait de leur dimension régionale. Et leurs actionnaires, souvent privés, sont intéressés par des durées d'amortissement courtes, peu compatibles avec le nucléaire, selon les experts. Par ailleurs, les acteurs attendent de voir la politique de Barack Obama.

La prudence de Barack Obama
     Durant sa campagne, le candidat démocrate mettait l'accent sur la réduction des émissions de CO2, sans exclure le nucléaire, mais en favorisant les énergies renouvelables. Son rival conservateur, John McCain, était plus décidé : il voulait construire 45 réacteurs d'ici à 2030...
     Chez Areva, on reconnaît à demi-mot que le développement aux Etats-Unis pourrait prendre plus de temps que prévu. Mais on veut aussi voir une chance dans la prudence de Barack Obama, pour qui l'avenir du nucléaire ne peut être abordé sans régler au préalable la question du retraitement des déchets - un métier sur lequel le groupe français est leader. Kit Batten, une experte énergétique du Center for American Progress, un «think tank» réputé proche du président élu, s'est d'ailleurs rendue en France cet automne pour s'informer sur les solutions possibles sur la fin de cycle, se félicite- t-on dans le groupe.
     Mais la crise laisse aussi des traces ailleurs. Elle n'a certes pas empêché la Bulgarie de confirmer sa commande de 2 réacteurs pour la centrale de Belene. Dans d'autres pays, cependant, l'attentisme est patent. En Afrique du Sud, la décision concernant le projet de construction de deux centrales d'ici à 2016, puis de 10 autres tranches d'ici à 2025, a été reporté par l'électricien Eskom de septembre à fin décembre. Mais les experts s'interrogent sur la possibilité d'une réelle avancée avant les élections, au printemps 2009.
     Au Canada, l'Etat d'Ontario ne veut plus choisir le constructeur de sa future centrale d'ici au 31 décembre, mais au 31 mars 2009. Il évoque la «débâcle» des marchés boursiers, mais aussi le degré de risque financier.