Pour rendre inoffensifs les déchets
radioactifs durant de très longues périodes, les techniques
actuelles consistent à les inclure dans des matériaux vitreux
ou cristallins avant de les stocker sous terre. La résistance à
très long terme de ces carapaces est très difficile à
évaluer. On pensait avoir trouvé un bon candidat, en la personne
du zircon, ou silicate de zirconium naturel (ZrSiO4). On attendait
de lui qu'il reste stable durant une durée environ dix fois supérieure
à la demi-vie du plutonium-239, qui est de 24.000 ans.
Les études théoriques (calculs et simulations numériques) montraient que le zircon pourrait effectivement résister durant un quart de million d'années, laissant l'humanité dormir tranquille durant de nombreuses générations. Mais Ian Farnan et son équipe de l'université de Cambridge (Grande-Bretagne) ont eu l'idée de vérifier et, malheureusement, leurs résultats sont bien moins rassurants que les modèles théoriques: au bout de 1.400 ans, le zircon sera troué comme du gruyère et laissera l'eau lessiver ce qu'il contient. Comme beaucoup de déchets radioactifs, le plutonium-239 émet des radiations alpha, c'est-à-dire des groupes de deux protons et deux neutrons, identiques aux noyaux d'hélium. Quand elles bombardent un réseau cristallin comme celui du zircon, ces lourdes particules y font beaucoup de dégâts, chacune d'elles laissant une trace sur plusieurs dizaines de centimètres. De plus, quand la particule est éjectée de son atome, celui-ci, comme un canon, subit un fort recul et part dans la direction opposée, causant lui aussi des ravages. Le résultat est une désorganisation locale du réseau cristallin, qui prend la forme d'un verre percé d'ouvertures. Le phénomène était connu mais seulement modélisé. |
Un coup de canon, 5000 victimes
Pour le mesurer, les chercheurs ont utilisé la RMN (résonance magnétique nucléaire), bien connue en médecine. Elle leur a permis de distinguer parmi le réseau cristallin les zones vitreuses créées par la radioactivité alpha. Conclusion : une seule désintégration alpha touche 5.000 molécules de zircon, soit 2,5 à 5 fois plus que ce que prédisaient les modèles théoriques. Quand une particule alpha éjectée d'un plutonium-239 heurte le réseau cristallin du zircon, ses effets sont dévastateurs… Crédit : Ian Farnan Ce sont de véritables trous qui sont
ainsi creusés dans l'épaisseur de zircon et, avec le temps
et l'aide de l'humidité ambiante, les atomes radioactifs trouveront
là le chemin de la liberté et pourront rejoindre le reste
de la planète. Selon l'équipe de Farnan, la dissolution de
ces zircons abîmés serait des centaines de fois plus rapide
que celle du zircon intact.
Jean-Luc Goudet
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