01/08/2008
La fuite d'effluents contaminés à
l'uranium survenue le 8 juillet dernier sur le site de la Socatri-Areva
au Tricastin (Drôme) a conduit la société Areva à
limoger le directeur-général de sa filiale, la Socatri, et
à verser une indemnisation aux agriculteurs lésés.
Cette affaire renvoie à la responsabilité environnementale
et au principe «pollueur-payeur» en matière d'industrie
nucléaire.
Un régime exorbitant du droit commun
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En l'an 2000, la production nucléaire primaire d'électricité
des 440 réacteurs du monde fut de 2586 TWh (2586 x 109 kWh). Le
fonds ainsi constitué par les sommes recueillies auprès des
opérateurs nucléaires serait donc abondé à
hauteur de plus de 25 milliards € par an. En vingt ans, le montant
de ce fonds serait d'un ordre de grandeur suffisant pour indemniser les
victimes et couvrir les autres coûts d'un accident nucléaire
majeur.
Aux Etats-Unis, au milieu des années cinquante, alors que le nucléaire civil commençait à intéresser quelques investisseurs privés aux Etats-Unis, se posa la question de la responsabilité des opérateurs en cas d'accidents. Les compagnies d'assurances refusant de couvrir un risque difficilement chiffrable, le sénateur Clinton Anderson et le député Melvin Price proposèrent au Congrès, dès 1957, une loi de court terme (10 ans) destinée à aider le développement du nucléaire civil naissant en apportant la garantie de l'Etat fédéral en cas d'accident. Plus précisément, cette loi plafonnait la responsabilité de l'industrie nucléaire à 560 millions de dollars et limitait la couverture des compagnies d'assurances privées à 100 millions de dollars par réacteur. Plusieurs fois prorogé, l'actuel Price-Anderson Act rehausse ces plafonds à 9,1 milliards de dollars et 200 millions de dollars respectivement. Le coût de la catastrophe de Tchernobyl a été estimé à 360 milliards de dollars pour les seuls pays de Russie, Ukraine et Biélorussie. Le coût d'un accident nucléaire majeur aux Etats-Unis est évalué entre 500 et 600 milliards de dollars selon la situation géographique du réacteur qui serait en cause. Compte tenu du plafond de 9,1 milliards de dollars, on peut dire que l'industrie nucléaire américaine n'est responsable que de 2% des coûts potentiels d'un accident majeur dû à son activité ! Les autres 98% seraient payés par le contribuable, via le Trésor fédéral. Autant dire qu'on est loin du principe «pollueur-payeur» de la Conférence de Rio (1992). Une étude a estimé que le Price-Anderson Act est l'équivalent d'une subvention publique annuelle de 3,4 milliards de dollars 1990 de frais d'assurances évités à l'industrie nucléaire américaine. Le 22 juillet dernier a été transposée en droit français, avec un an de retard, la directive (2004/35 du 21 avril 2004) sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux. C'est la première réglementation européenne strictement fondée sur le principe «pollueur/payeur». Lors du débat parlementaire, le député Yves Cochet (Verts) a proposé la création d'un fonds d'indemnisation des victimes, provisionné par les entreprises elles-mêmes, plutôt que par le contribuable. La question du délai de prescription suite au fait générateur d'un dommage environnemental a également été posée. Sa durée, fixée à 30 ans, s'avère insuffisante pour se tourner vers les industriels responsables de dommages, tels que la persistance de la radioactivité, ou l'incidence des PCB dans le Rhône, qui perdure plusieurs décennies après leur interdiction. Enfin, le député s'est étonné que le nucléaire fasse partie des activités exemptées de responsabilités environnementales : la loi doit s'appliquer aux dommages éventuels environnementaux et de santé humaine que pourraient causer les centrales nucléaires. Qu'il s'agisse de l'indemnisation des victimes, de la remise en état de l'environnement après un accident nucléaire, ou de la durée de la responsabilité d'un industriel tel que le groupe Areva après un dommage en France, ce qui frappe, c'est la disproportion entre les financements prévus par les Conventions européennes et les coûts réels, qui incombent à la collectivité. Les dommages nucléaires sont toujours explicitement exclus des polices d'assurance, ce qui implique que les dossiers d'indemnisation ne seront pas gérés par les assureurs habituels des victimes, mais par un dispositif spécifique. Quant aux maladies présumées avoir pour cause l'accident nucléaire, elles sont définies par décret. Les niveaux d'indemnisations sont également fixés par décret. L'interlocuteur en cas d'accident grave n'est pas clairement désigné. Il reste à instaurer un guichet unique afin que les victimes puissent identifier un seul référent pour l'indemnisation. Et surtout, à élaborer des dispositifs de gestion de situation post-accidentelle, non pas tant «pour» la société, qu'«avec» elle. Agnès SINAI
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