CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE INTERNATIONALE
2008

février
La relance du nucléaire atomisée
ADIT
liberation.fr
     La relance du nucléaire dans le monde est le plus grand bluff des vingt dernières années de l'industrie de l'atome.
     Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Mycle Schneider, expert indépendant - ex-directeur de Wise Paris - chargé par les Verts européens de réaliser un rapport sur l'état des lieux de l'industrie nucléaire en 2007.
     Pays par pays, son étude consiste en une radiographie de l'industrie de l'atome. Etat des lieux, projets en cours, contrats signés, centrales en fonctionnement,... , tout y est répertorié avec minutie. Hier après-midi, dans les bureaux parisiens du Parlement européen était organisée une conférence de presse pour la sortie en France de ladite étude. Etaient présents Daniel Cohn-Bendit, Rebecca Harms, tous deux députés européens et Mycle Schneider.
     Il n'y avait personne, à part deux journalistes allemandes. J'y suis allée parce que je travaille actuellement sur un documentaire pour Arte sur les déchets radioactifs à travers le monde. Mais à part nous, aucun média français n'était présent. Deux hypothèses: soit les Verts européens sont des truffes quand il s'agit de rameuter la presse sur leurs opérations; soit les médias français préfèrent faire les yeux doux à Areva et à sa wonder-patronne plutôt que de questionner la relance du nucléaire. Ce mirage si pratique pour avaler les couleuvres sarkoziennes.
     Qu'il s'agisse du Times, du Nouvel Obs, de l'Express, du The Independent,... , pas une publication française, américaine ou européenne n'a échappé à la couv' sur le nucléaire et son vent en poupe. Personne n'a même contesté cette pseudo renaissance qui n'est qu'une relance de la communication. Car pour ceux qui connaissent un peu l'état de la filière, aucune renaissance ne peut être censément envisagée. Mais il est vrai que nous, journalistes, apprécions les raccourcis.
     Dans son rapport, Schneider montre que la part du nucléaire dans la production d'électricité a baissé au cours des dernières années pour 21 des 31 pays exploitant des centrales nucléaires. Il y a aujourd'hui 5 réacteurs nucléaires de moins dans le monde qu'il y a encore 5 ans et les statistiques des unités en cours de construction ne recensent que 32 unités, soit 20 de moins qu'à la fin des années 1990, détaille le rapport. En même temps, l'âge moyen des centrales en exploitation est en augmentation constante et se situe actuellement à 23 ans. L'obsession de la filière étant d'allonger la durée de vie des centrales jusqu'à 40 ans.
     Pour Mycle Schneider, "Le déclin du nucléaire en Europe est ainsi réellement rapide, mais il passe inaperçu. Depuis 2004, 10 unités ont été définitivement retirées du réseau, ceci pratiquement sans aucune attention médiatique. Les scénarii qui prévoient une expansion grandiose du nucléaire dans le monde sont dénués de tout fondement industriel et sous-estiment le nombre d'installations vieillissantes qui vont atteindre leur fin de vie."
     L'étude pointe également un manque croissant de compétences et de main-d'œuvre qualifiée dans le secteur du nucléaire, qui entraînerait selon lui une compétition pour les meilleurs candidats entre les nouveaux projets de construction, l'exploitation, la surveillance et le contrôle. Près de 40% des ingénieurs d'EDF seront à la retraite d'ici à 2015. Parallèlement, les cursus universitaires en rapport avec l'ingénierie nucléaire diminuent partout dans le monde. En 2002, il n'y en avait plus en Grande-Bretagne. Ils avaient diminué des trois quarts en Allemagne et de moitié aux USA. Avec qui va-t-on faire tourner les vieux machins d'EDF? Et les nouveaux?
     Conséquence: "les centrales vieillissantes risquent d'être exploitées et surveillées par moins de personnel et/ou du personnel moins qualifié." Hmmm, ça sent l'accident soviétique là, non?
     Sans aller jusque là, rien que les chantiers sont déjà des fiascos. "Le premier nouveau projet de construction d'une centrale nucléaire en Europe depuis 15 ans, en Finlande, se révèle être une catastrophe", estime Rebecca Harms, vice-présidente du Groupe des Verts au Parlement Européen. En effet, deux ans de travaux se soldent pour l'instant par un retard à l'allumage (prévu en 2011 contre 2009) et une augmentation du budget de 1,5 milliard €. A l'origine la centrale devait coûter 3 milliards, elle en coûtera 4,5. Et les retards sont aussi dus à des problèmes de main d'œuvre sur place.
     J'aurais bien aimé lire des choses sur ce rapport dans la presse française plutôt que de lire les tribulations de notre VRP atomique en Lybie, en Algérie, à Abu Dabi et en Afrique du sud.

Si ça vous amuse, les conclusions du rapport sont là:  Téléchargement nukevertseuropens.pdf (4 pages)