CONTROVERSES NUCLEAIRES !
ACTUALITE INTERNATIONALE
2008

août
L'uranium se raréfie, le nucléaire tâtonne
ADIT, http://www.lecho.be

     Plus que le problème des déchets ou de la sûreté, c'est l'explosion du cours de l'uranium qui pourrait constituer un argument contre la filière nucléaire. Il a déjà monté de plus de 1.000 % depuis 2001. Or, après l'interconnexion aux frontières, il faudra bien s'attaquer au deuxième facteur de risque de rationnement de l'électricité: le manque de production.
     L'approvisionnement des centrales se fait pour 60% à partir du minerai et pour 40% à partir du démantèlement des armes nucléaires (dont la fin est programmée en 2013) ou des excédents commerciaux des années 80 (quasi épuisés). Le vocabulaire utilisé ressemble désormais à celui du pétrole au point qu'on parle même d'un pic d'uranium.
     La demande d'uranium a certes relancé la prospection. Comme au temps des chercheurs d'or, 400 sociétés ont poussé comme des champignons pour l'exploration. Mais si on table sur un doublement du parc nucléaire d'ici 2030 (réaliste vu la demande des pays émergents), la production d'uranium doit plus que doubler d'ici 2030.

Pour 70 ans
     Les ressources identifiées pourraient alimenter pendant 70 ans seulement le parc actuel. Tout comme le pétrole, on parle aussi de ressources potentielles, très spéculatives. Mais les réserves d'uranium des gisements de phosphates ne sont pas pertinentes: ils sont utilisés pour l'industrie de l'engrais et l'uranium n'est qu'un sous-produit.
     Bref, pourquoi s'encombrer de dizaines de nouveaux réacteurs à démanteler un peu plus tard, faute de combustible? Certes, il y a eu un trou de 20 ans dans l'exploration de nouveaux gisements mais rien ne permet de préjuger que ces estimations de 1976 soient pessimistes: elles faisaient partie d'un programme lancé par l'OCDE pour quantifier les ressources d'uranium dans le monde.
     En fait, le cours élevé de l'uranium est plutôt une aubaine pour relancer le nucléaire et l'optimiser: il poussera l'industrie à mieux exploiter les gisements et à relancer les filières qui, tout en consommant de l'uranium, créent par transmutation d'autres formes de combustibles!
     Avec des prix élevés, il devient intéressant d'exploiter le contenu fissile des rejets de l'enrichissement qu'on conserve. La distinction entre le minerai et les stériles, purement économique, va aller dans le sens de considérer plus de roches comme minerai (c'est tant mieux car les stériles, comme les terrils, ne sont quasi plus exploitables). On verra aussi la remise sur pied des surgénérateurs, tant honni par Greenpeace, pour un déploiement vers 2050. Cette filière avait été abandonnée car trop chère à exploiter (le fameux gouffre Superphénix auquel Chirac a mis fin). Le cours actuel de l'uranium est désormais dans la fourchette basse de rentabilité de la filière. Celle-ci a des atouts: elle brûle tout l'uranium, le transforme en plutonium qu'on réutilise comme combustible et incinère les déchets radioactifs (actinides) qui font le cauchemar de la gestion des déchets dans la filière actuelle. On multiplierait par 70 les ressources utilisables d'uranium et notre indépendance énergétique serait assurée pour des millénaires.
     Ne nous leurrons pas: ce n'est pas pour ces motifs nobles que tout le monde étudie à nouveau la filière; c'est d'abord pour faire face à la pénurie possible d'uranium.

Les réacteurs de 2050
     Il y a 6 concepts de réacteurs pour l'horizon 2050 étudiés dans le monde: la compétitivité, la sûreté, la réduction des déchets et la non-prolifération ont été les critères. Le combustible sera conçu pour rendre difficile l'extraction de plutonium ou des déchets hautement radioactifs.
     Le retraitement se fera dans des pays sûrs de sorte que même l'Iran pourrait avoir son programme nucléaire sans risque. Même l'uranium appauvri qui vient des opérations d'enrichissement servira de matière fertile dans ces réacteurs (il se transforme en matière fissile) mais un problème se pose pour leur démarrage. Soit il faut une forte proportion d'uranium enrichi (au risque de gaspiller cette ressource qui sera de plus en plus rare), soit il faut suffisamment de plutonium (50 années sont nécessaires pour produire assez de plutonium pour démarrer un surgénérateur). La question, n'en déplaise, ne demande plus s'il faut prolonger les réacteurs actuels mais combien en mettre en service pour préparer l'après uranium. A moins de faire la même erreur que nous faisons pour le pétrole: ne pas préparer le pic d'uranium. Ce serait priver la génération suivante d'un choix sur son approvisionnement en énergie alors qu'on sait que seul un mix de sources d'énergie pour demain est plausible. Comme quoi l'argument de la «génération suivante», souvent utilisé contre le nucléaire avec la problématique des déchets, peut être détourné comme on veut...

Chacun son choix
     En Europe, c'est le chaos: chaque pays est souverain pour son énergie. Si l'Italie et l'Autriche se sont prononcées contre l'énergie nucléaire et le regrettent, la Suède a décidé de sortir du nucléaire à l'horizon 2010. Mais après avoir arrêté une centrale, elle se garde bien de continuer. L'Allemagne a décidé de sortir du nucléaire en 2000 et la Belgique en 2001.
     À l'autre extrême, la Suisse a refusé, en mai 2003, de sortir du nucléaire. La Finlande a commandé un réacteur nucléaire de 3e génération et la France construit un démonstrateur.
     Les USA, pourtant traumatisés par Three Mile Island, ont prolongé la durée de vie de la plupart de leurs 104 réacteurs. La situation est tellement stratégique que les centrales se revendent au prix neuf entre compagnies d'électricité. La Russie, malgré Tchernobyl, est très active dans la recherche sur les surgénérateurs. La Corée du Sud, avec déjà 19 réacteurs, en construit actuellement 2 et en prévoit 8 autres. Le Brésil, malgré son hydroélectricité, a déjà deux réacteurs et s'est lancé dans la recherche sur la technologie nucléaire. Le Japon dispose de 54 réacteurs et en construit quatre. Vingt sont en projet. Sans parler de la Chine.
     L'Afrique du Sud, qui est confrontée au rationnement de l'électricité, a 2 réacteurs et développe un réacteur à haute température de 100 MW.
     Cette idée de petit réacteur tranche avec les monstres actuels et vise un retour sur investissement plus rapide. Car on ne fera pas que de l'électricité avec le nucléaire: on produira l'hydrogène pour les voitures propres (aujourd'hui seuls 4% de la production se fait sans CO2... les voitures propres sont un leurre) ou on l'utilisera pour extraire les dernières gouttes de pétrole dans les sables bitumeux. Il y a un fort besoin de chaleur pour le liquéfier.

     Préparons-nous à importer notre plutonium d'Iran...