Les mines d'uranium d'AREVA au Niger et
au Gabon
AREVA au Niger
AREVA est l'actionnaire principal de deux
sociétés minières SOMAÏR et COMINAK qui exploitent
une série de gisements d'uranium dans le Nord du Niger à
environ 250 kilomètres d'Agadez. Deux mines d'uranium, Arlit et
Akouta, sont exploitées.
SOMAÏR, la Société des
Mines de l'Aïr, a été crée en 1968. COGEMA contrôle
69,4% des parts et l'Office National des Ressources Minières (ONAREM,
société nigérienne) en détient 30,6%. C'est
une mine à ciel ouvert à une profondeur de 50 à 70
mètres. Une usine de traitement du minerai se trouve à proximité
de la mine et produit de l'uranate de soude, un concentré aussi
appelé «yellow cake». En 2003, la SOMAÏR employait
543 salariés.
COMINAK, la Compagnie Minière d'Akouta,
a été créée en 1974. Son capital est détenu
à hauteur de 34% par AREVA, 31% par l'ONAREM, 25% par la Compagnie
japonaise OURD et 10% par l'actionnaire espagnol ENUSA. A proximité
de cette mine souterraine à une profondeur de 250 mètres
se trouve une usine de traitement du minerai. En 2003, la COMINAK employait
1.035 salariés.
Pendant longtemps, ces deux mines ont fourni
l'essentiel de l'uranium utilisé en France pour la production d'électricité
et d'armes nucléaires.
La ville d'Arlit
est située dans le désert du Sahara au Nord du Niger à
200 km de la frontière algérienne. Elle a été
créée à la suite de la découverte et de la
mise en exploitation en 1969 des gisements d'uranium d'Arlit et Akouta
par les autorités nucléaires françaises.
AREVA au Gabon
Mounana
est située dans la région du Haut-Ogooue au sud-est du Gabon,
à 90 km de Franceville et 500 km de Libreville.
La mise en exploitation du gisement d'uranium
de Mounana a débuté en 1958.
Fin 1960 furent réalisées pour
un montant de 5 milliards d'anciens francs l'édification d'une usine,
de logements et de bureaux.
En avril 1961 la production industrielle démarrait
et l'usine produisait les premières tonnes d'uranate de magnésie.
L'activité s'est développée dans les années
suivantes:
- la carrière de Mounana de 1961 à
1967, puis, après agrandissement, de 1972 à 1975;
- la mine souterraine de 1965 à 1971;
- le gisement d'Oklo à partir de 1968;
- le gisement de Boyindzi depuis fin 1980.
Les principaux actionnaires étaient
l'état Gabonais, la Compagnie de Mokta et AREVA.
L'exploitation a été définitivement
arrêtée en juin 1999, faute de réserves économiquement
exploitables.
Mounana, petit village à la lisière
de la grande forêt et de la savane, au sud-est du Gabon est devenue
au fil du temps une ville de 7000 habitants. Toutes les infrastructures
inhérentes à la vie locale ont été créées:
écoles, hôpital , habitations, approvisionnement, lieux de
cultes, terrains de sports...
Les faits: l'exposition des employés et de leurs
familles au risque radioactif
Des mesures de sécurité inadaptées
En dépit de la dangerosité des
tâches et de l'environnement d'une exploitation de gisements d'uranium,
au Niger comme au Gabon, les sociétés minières filiales
d'AREVA n'ont pas pris les mesures de protection et de sécurité
qui s'imposaient:
- absence ou insuffisance d'information des
employés sur les questions de sécurité et les risques
liés à la radioactivité;
- pendant longtemps, absence de tenues de
travail, les employés travaillant avec leur tenues de ville et regagnant
leur domicile avec leurs vêtements couverts de poussières
de minerai; même lorsqu'il existait des vêtements de travail,
ceux-ci étaient nettoyés au domicile familial;
- absence ou insuffisance des équipements
de protection individuelle (masque, gants...)
- absence ou insuffisance de suivi dosimétrique,
permettant de comptabiliser les quantités de rayonnement ionisants
et de poussières de minerai reçues par un individu; même
lorsqu'il existait un suivi dosimétrique, les employés étaient
mal informés et les dépassements observés n'apparaissent
pas sur les registres
Dans les mines du Niger, des améliorations
ont été entreprises à partir de la fin des années
80. Cependant, les mesures de sécurité demeurent insuffisantes.
En effet, les injonctions répétées de l'inspection
du travail montrent que de graves lacunes subsistent, notamment en ce qui
concerne les équipements de sécurité et la situation
des travailleurs sous-traitants (lesquels représenteraient, selon
l'inspection du travail, près de 60% de l'effectif global). Par
ailleurs, ces mesures étant intervenues de manière très
tardive, les employés qui ont intégré la SOMAÏR
au début de l'exploitation (fin des années 60- début
des années 70) ont par conséquent été largement
exposés à des risques importants durant une longue période.
Un environnement contaminé
Contamination de l'eau
Au Niger, les eaux d'alimentation sont puisées
et distribuées par les société minières.
Des échantillons prélevés
en 2003, 2004 et 2005 et analysés par la CRIIRAD montrent que les
eaux distribuées dépassent largement les normes de potabilité
internationales. Cela signifie que de l'eau contaminée est distribuée
quotidiennement aux travailleurs depuis au moins début 2003. Aucune
mesure de précaution ni d'information n'a été prise
à ce sujet.
Au Gabon, il semble que l'eau potable provenait
de sources proches des résidus miniers, ce qui laisse présumer
une éventuelle contamination de l'eau.
Plus généralement, au Gabon,
les eaux des rivières Ngamabougou et Mitembé seraient devenues
acides du fait du traitement industriel de l'uranium. Cette contamination
aurait des répercussions sur le développement de la vie aquatique
et aurait entraîné des conséquences sur la chaîne
alimentaire.
De plus, une partie des résidus a été
déversée dans la rivière et se retrouve sur les rives
et le fond de la vallée.
Utilisation des résidus miniers pour la construction des habitations
et bâtiments publics
Au Gabon comme au Niger, un certain nombre
d'habitations et de bâtiments et édifices publics ont été
construits à l'aide de résidus ou des remblais provenant
de l'exploitation de la mine.
Au Gabon, à Mounana, des contrôles
de radioactivité dans la maternité, une partie du camp des
infirmiers, la salle consultation de l'hôpital, l'école de
Massango, la dalle et la terrasse du marché ont mis en évidence
un niveau de radioactivité important (la maternité a pour
cette raison été détruite puis reconstruite).
Les problèmes de santé rencontrés
Au Niger comme au Gabon, Les témoignages
recueillis font état d'un très grand nombre de pathologies
pulmonaires, tant pour les travailleurs que les membres de leur famille,
mais également de pathologies associées telles que des problèmes
dermatologiques, ophtalmiques ou cardiovasculaires. Leur proportion est
plus élevée pour les employés ayant travaillé
directement à la mine, et s'accroît en fonction du nombre
d'années travaillées.
L'insuffisance du suivi médical
Au Niger, Deux hôpitaux ont été
construits et sont financés par les sociétés minières
dans les villes d'Arlit et Akokan. Les employés de la mine et leurs
familles y sont soignés gratuitement. Les médecins-chefs
des deux hôpitaux miniers qui assurent le rôle de médecins
du travail sont salariés des sociétés minières.
Les témoignages recueillis font état
de dysfonctionnements graves dans le suivi médical effectué:
- cas de maladies pulmonaires et de leucémie
au stade final non diagnostiqués dans les hôpitaux miniers
et décelés trop tard dans des hôpitaux publics d'autres
villes, en l'occurrence Agadez et Niamey.
- Absence ou insuffisance d'information des
patients sur les maladies dont ils souffrent, et plus particulièrement
lorsqu'elles concernent des problèmes respiratoires ou pulmonaires
ou des cancers. M. Mamourou, médecin chef de l'hôpital COMINAK
et pneumologue, confirme qu'il n'a jamais dit à un patient qu'il
avait un cancer du poumon, selon lui dans un souci de ménager ces
patients.
|
suite:
- Evacuations sanitaires tardives ou refusées
- Demandes de réaffectation pour inaptitude
médicale non suivies d'effet
- délivrance de certificat de fin de
contrat y compris pour les employés qui quittent la mine en mauvaise
santé, les pathologies rencontrées n'étant jamais
considérées comme pouvant avoir un lien avec leur activité
professionnelle
absence ou insuffisance de prise en charge des anciens travailleurs
- défaut de surveillance médicale
des sous-traitants, n'étant pas considérés comme faisant
partie du personnel
De manière significative, deux cas
seulement de maladies professionnelles ont été déclarées
par les sociétés minières à la Caisse Nationale
de Sécurité Sociale depuis 1968 (un cas de surdité
et un cas de dermatose).
MM. Mahazou et Tanimoune, respectivement médecin-chef
et chirurgien chef de l'hôpital SOMAÏR, continuent d'affirmer
que selon eux, «Aucune pathologie qui pourrait avoir un lien
avec la radioactivité n'a jamais été détectée.
(...) L'activité de la mine n'a eu aucun impact sur la santé
des travailleurs et de la population en général.»
Au Gabon, il semble que les employés
pouvaient bénéficier d'un suivi médical qu'ils estiment
satisfaisant (même s'il est avéré qu'il ne s'agissait
pas de médecin spécialisé en matière nucléaire
et que la nature des examens pratiqués ne permettait pas de détecter
une contamination interne). Mais il y a un fort ressentiment exprimé
envers la fin de ce suivi après la fermeture du site. Les employés
ont le sentiment d'avoir été abandonnés alors que
les problèmes de santé se manifestent de manière plus
aiguë.
La responsabilité d'AREVA: des manquements en
toute connaissance de cause
L'existence d'un risque connu
Nul ne peut contester que les risques encourus
par les mineurs d'uranium, quelle que soit la teneur en uranium de ce minerai,
sont authentiques. Ils s'ajoutent de plus aux risques habituels du travail
des mines. En effet, l'extraction de ce minerai, élément
radioactif, conduit à une irradiation externe du corps chez les
mineurs et à une contamination interne par les gaz et poussières
inhalés ou ingérés, essentiellement dans les poumons
et les os à cause des émissions alpha.
En ce qui concerne le radon, gaz radioactif
naturel, qui en se désintégrant émet des particules
alpha et engendre des éléments solides eux-mêmes radioactifs,
il est considéré comme responsable d'une action cancérigène
au niveau des poumons. En outre il est incolore, inodore et inerte.
Sachant par ailleurs que le vent éparpille de fines poussières
radioactives issues des zones de résidus, atteignant ainsi les travailleurs
et les résidents alentour il est difficilement détectable.
Et qu'en outre, les résidus de traitement ayant été
fréquemment utilisés pour la construction de maisons, le
personnel employé par la COMUF a supporté une exposition
disproportionnée en toute connaissance de cause de la part de l'entreprise.
Les industriels étaient évidemment
parfaitement informés de l'existence de ces risques, et ce dès
l'ouverture des sites miniers. La question est alors celle de l'évaluation
de ces risques. Une approche scientifique permet habituellement d'établir
avec une bonne certitude statistique la relation entre le nombre et la
nature des pathologies constatées, a fortiori des décès
par cancers, et des doses de rayonnements reçues.
Une telle étude ne semble jamais avoir
été entreprise dans un quelconque pays africain où
AREVA est intervenue alors que déjà depuis plusieurs années
les experts internationaux et les responsables de la santé publique
se préoccupent de l'induction des cancers du poumon par le radon
présent dans les habitations. Des réglementations sont mises
en place dans de nombreux pays. Elles sont assez laxistes dans leur application
pratique et ressemblent plus à des recommandations qu'à de
véritables règlements. En France le problème de l'exposition
au radon dans les bâtiments n'est pris en compte que depuis 1999.
L'absence coupable d'information et le maintien volontaire dans l'ignorance
Qu'il s'agisse du site d'Arlit ou de Mounana,
du personnel local ou expatrié, qualifié ou non, personne
à de très rares exceptions n'indique avoir été
sérieusement et complètement informé des risques inhérents
à cette activité minière. C'est en toute confiance
et inconscience que ceux-ci et leur famille ont séjourné
et continuent de séjourner sur la zone d'exploitation ou à
proximité de celle-ci.
Cette absence d'information se constate à
tous les moments de l'exercice des métiers de mineur ou de travailleur
de l'usine. Ainsi, ni lors de l'embauche, ni lors de l'affectation à
certains postes, ni à la fin de l'activité il n'est évoqué
une transmission d'information sur les risques encourus et les précautions
élémentaires à prendre.
Une alliance objective semble en outre se
créer entre l'entreprise et les autorités sanitaires et politiques
locales car le coût non seulement des études épidémiologiques
serait élevé et les résultats dérangeants,
mais aussi l'impact économique et social pourrait être considérable
dans l'hypothèse de l'établissement d'un lien de causalité
entre l'exposition au rayonnement et les maladies développées.
Le maintien dans l'ignorance est la parade
la plus sûre. A ce sujet il est symptomatique de savoir que personne
n'a eu connaissance du rapport d'enquête de radioprotection effectuée
en 1986 à Mounana. Il est aussi édifiant de connaître
la réponse adressée à Sherpa par AREVA à propos
de la demande de communication des rapports annuels de radioprotection
effectués à Arlit:
"(...) j'ai bien noté votre demande
de transmission des rapports annuels radioprotection Cominak et Somaïr
(2003 est effectivement paru).
Nous allons regarder la possibilité
de vous transmettre ces dossiers, néanmoins, je vous rappelle, ainsi
que nous l'avons dit, que d'une part ces rapports ne sont compréhensibles
que par des experts et ne sont pas destinés à une diffusion
publique; et d'autre part étant réalisés pour le compte
de l'administration nigérienne nous devons au minimum les informer,
voire leur demander une autorisation pour toute transmission."
Dans un tel contexte il sera très difficile
à un travailleur de faire la preuve que la pathologie dont il est
affecté est due à son exposition professionnelle. Se pose
dès lors la question de la limite raisonnable d'exposition des travailleurs.
Or on peut se demander si il est possible d'avoir des niveaux d'exposition
raisonnables, en se basant sur ce que permet la technologie considérant
que personne n'est vraiment d'accord sur le niveau d'exposition sécuritaire
à retenir.
Dans ces conditions la limite raisonnable
sera pour l'employeur celle que justifiera le coût de mesures protectrices
contre d'éventuelles poursuites judiciaires. La santé du
travailleur devient alors une question de gestion de risque au mépris
de la santé publique.
On comprend encore mieux ainsi la culture
du secret développée par AREVA.
Rapports (format PDF):
- rapport
d'enquête sur la situation des travailleurs d'AREVA au Niger
- rapport
d'enquête sur la situation des travailleurs d'AREVA au Gabon
- synthèse
des rapports
- étude
de la CRIIRAD sur l'impact de l'exploitation d'uranium des filiales d'AREVA
au Niger
Problématiques
# Chaîne
d'approvisionnement et responsabilité des sociétés
mères
# obligation
de reporting social et environnemental
# Responsabilité
de la société mère pour les actions de ses filiales
à l'étranger
Recours
Opérations
# Mission
au Gabon
# Mission
au Niger
Partenaires
# CRIIRAD |