Mercredi 25 Mars 2009
Par Gaël VAILLANT
LeJDD.fr
Vendredi, Nicolas Sarkozy sera au Niger pour
défendre le contrat qui lie Areva, le géant du nucléaire
français, et Niamey pour la création de la plus grand mine
d'uranium au monde. Pour le réseau "Sortir du nucléaire"
et plusieurs politiques comme Olivier Besancenot ou Corinne Lepage, il
s'agit d'un déshonneur pour la France qui se rend complice du "matage"
des Touaregs du nord du Niger.
Areva n'a pas attendu de signer un accord avec Niamey pour sonder
le sol nigérien et trouver de l'uranium. (Maxppp)Areva n'a pas attendu
de signer un accord avec Niamey pour sonder le sol nigérien et trouver
de l'uranium. (Maxppp)
Ils ont presque tous répondu présents
à l'appel de Stéphane Lhomme, héraut controversé
du réseau "Sortir du nucléaire". Même Olivier Besancenot,
qui tenait le piquet de grève à la Poste, a pu grimper sur
une moto et rejoindre la conférence de presse sur la politique nucléaire
de Nicolas
Sarkozy en Afrique. S'ils viennent d'horizons politiques différents,
les participants - Corinne Lepage (Cap21), Jean-Luc Mélenchon (Parti
de gauche), Olivier Besancenot (NPA), Cécile Duflot et Hélène
Flautre (Verts) - partagent une même conviction: la France prend
un retard considérable en termes d'énergie et sa forte position
actuelle sur le marché du nucléaire n'a aucun avenir.
Mais cette fois, l'actualité leur permet
de dénoncer les dégâts causés à l'étranger
par Areva, la multinationale française qui implante à force
de contrats spectaculaires ses centrales et technologies dans le monde
entier. Le
cas du Niger reste toutefois particulier. L'entreprise veut créer
dans le nord du pays la plus grande mine mondiale d'uranium, l'énergie
fossile à la base du nucléaire. La mine d'Arlit devrait ainsi
propulser Areva en leader planétaire de l'enrichissement d'uranium.
Un projet qui "doit" réussir pour Nicolas Sarkozy, prêt à
défendre en toute occasion les bienfaits de cette énergie.
Pour cette raison, il fera étape vendredi à Niamey, capitale
du Niger, pour superviser la signature d'un accord sur le site d'Arlit
entre les autorités locales et Anne Lauvergeon, la patronne d'Areva.
Une pratique présidentielle qui rappelle les
grandes heures de la Françafrique, dans les années 80-90,
quand l'Elysée usait de ses réseaux pour le bien-être
des entreprises françaises sur le continent africain.
Les richesses minières, nerf de la guerre
Dans un souci de pédagogie, Stéphane
Lhomme, qui a médiatisé le réseau "Sortir du nucléaire",
a détaillé à la presse les conditions d'implantation
d'Areva au Niger, un des pays les plus pauvres du monde. Pour mieux les
comprendre, un peu de géopolitique s'impose. Le Niger peut grossièrement
être divisé en deux zones: le Sud du pays, plus urbanisé,
se concentre sur les rives du fleuve Niger et autour de la capitale Niamey;
le Nord du pays correspond à de vastes territoires peuplés
de populations nomades ou semi-sédentaires. L'Etat nigérien
mène une
guerre qui s'est intensifiée ces dernières années
contre les Touaregs considérés comme rebelles.
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C'est alors que débarque Areva, fleuron
industriel de la France, l'ancienne puissance coloniale du Niger. Très
rapidement, le spécialiste de l'énergie jette son dévolu
sur la zone d'Arlit, où des chercheurs ont détecté
une certaine quantité - sous-estimée à l'époque
- d'uranium. Après une décennie de tractations, un accord
est enfin conclu. Le contrat, signé définitivement vendredi,
permet à Areva d'exploiter les vastes terrains à condition
de reverser "seulement" 33% des revenus du site à l'Etat du Niger.
En parallèle, Paris s'est engagé à aider Niamey à
"mater" la "rébellion" touarègue...
Les Droits de l'Homme "bafoués" par la France
Seulement, depuis une déclaration de
l'ONU datée de septembre 2007, la communauté internationale
a reconnu aux peuples nomades du Sahara - Touaregs compris - le droit d'occuper
les territoires du Nord du Niger. Les Nations unies ont également
institué le droit à la propriété pour ces populations.
En tant qu'éminent membre des Nations unies, la France a signé
cette déclaration. "Et elle la bafoue totalement", affirme Hélène
Flautre, tête de liste des Verts aux Européennes. Selon cette
spécialiste des Droits de l'Homme, Areva est en partie responsable
du conflit entre Niamey et les touaregs car "l'entreprise française
a fait exproprier des terres qui appartenaient aux tribus nomades".
Niamey a en effet expulsé des villages
entiers manu militari pour satisfaire aux besoins de l'entreprise française.
Une plainte a d'ailleurs été déposée par une
association touarègue et une ONG allemande contre la société
Areva. Hasard du calendrier, la première audience dans cette affaire
se déroule jeudi à la cour de Paris. "Quand on y pense,
c'est une approche stupide des Occidentaux, car les personnes expulsées
se tournent en partie vers l'Europe", observe Corinne Lepage, faisant
allusion au problème de l'immigration illégale.
Le président nigérien en exercice,
Mamadou Tandja, encourage ces expropriations illégales dans un but
assez simple: il a promis la paix à son peuple en vue des prochaines
élections présidentielles qui ont lieu... à la fin
de l'année 2009. L'argent promis par Areva devrait de toute façon
lui permettre d'écraser médiatiquement les partis d'opposition.
Le Niger reste un pays où l'indice
de la liberté de la presse reste exécrable.
Une pollution durable
"En plus de faire expulser des populations
pauvres de leurs territoires, Areva pollue et assèche tout un pays",
s'insurge encore Hélène Flautre. Sur le plan écologique,
l'exploitation d'une mine d'uranium demande beaucoup d'eau. Sur le site
d'Arlit, Areva compte exploiter les nappes phréatiques fossiles,
asséchant
par conséquent les réserves en eau de la région.
L'entreprise ne s'est jamais justifiée sur le sujet. De surcroît,
un fort risque de contamination radioactive persiste. Dans un rapport,
l'ONG Médecins sans frontières a plusieurs fois dénoncé
les sites africains d'Areva, où les ouvriers - en majorité
des locaux - sont embauchés sans rien connaître des risques
liés au nucléaire.
"Un scandale de trop" pour Stéphane
Lhomme qui ne compte pas abandonner sa croisade contre le géant
industriel de l'énergie. Pour lui, la présence de Nicolas
Sarkozy pour superviser le contrat d'Areva au Niger ne fait que prolonger
la Françafrique,
tout en décrédibilisant un peu plus "notre pays qui se
dit être la patrie des Droits de l'Homme".
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