CONTROVERSES NUCLEAIRES !
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2009
février
Les femmes québécoises qui veulent avoir des enfants courent des risques à Gentilly-2
ADIT,
      Écrit par Jessica Nadeau 
Jeudi, 05 Février 2009 22:39

     La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CNSC) a beau répéter que la réfection de la centrale nucléaire de Gentilly-2, à Bécancour, est sécuritaire, plusieurs voix scientifiques se lèvent pour dénoncer les risques associés à un tel projet.
     «La CNSC sous-estime le caractère nocif du rayonnement nucléaire sur l'être humain et plus particulièrement sur les femmes qui veulent avoir des enfants», affirme en entrevue Michel Duguay, docteur en physique nucléaire, professeur en génie électrique et génie informatique de l'Université Laval et membre de la Coalition Sortons le Québec du nucléaire.
     Il s'indigne par ailleurs que la commissaire Patsy Thompson ait affirmé lors des audiences de la CNSC, qui se sont tenues la semaine dernière, que la radioactivité représentait un aspect négligeable sur la santé. Il s'apprête à ce titre à envoyer une lettre au président de la commission, Michael Binder, pour dénoncer la minimalisation des risques par cette commission qui doit veiller aux intérêts des citoyens.
     L'un des problèmes est celui associé aux normes canadiennes. Ainsi, le Canada permet d'émettre 7.000 becquerels par litre. En Europe, la norme est plutôt de 100 becquerels, alors qu'en Californie, celle-ci est abaissée à 20 becquerels. En Ontario, le Advisory Council on Environmental Standards (ACES) avait recommandé en 1994 de diminuer la norme à 100 becquerels et de l'abaisser à 20 cinq ans plus tard. Le gouvernement ontarien avait refusé.
     L'écart entre 7.000 et 20 becquerels de matière radioactive comme le tritium fait toute la différence, comme le démontre le Dr Duguay. «Le professeur Claude Barbeau (de l'Université Laval) a démontré dans des études effectuées pour le compte d'Hydro-Québec que les réacteurs Candu émettaient dans les sols, l'eau souterraine et les rejets d'eau jusqu'à 3.000 becquerels par litre sur les territoires près de Gentilly, et ce, depuis 15 ans. Hydro-Québec nous répond en affirmant fièrement que ces chiffres sont en deçà des limites. Or, ces limites sont beaucoup trop élevées et cela est particulièrement inquiétant quand on les compare aux normes californiennes

Chernobyl sur 20 ans
     Concernant le tritium, d'autres études prouvent que de 1994 à 2003, Gentilly-2 émettait en moyenne 21 curies de tritium radioactif par jour dans l'eau du Saint-Laurent et l'eau souterraine et 15 curies dans l'air sous la forme de vapeur.
     Par les jours de grands vents, ces particules sont éparpillées. Mais lors de journées sans vent, les vapeurs radioactives retombent dans les environs immédiats de la centrale, soit sur le parc industriel et les champs agricoles. En faisant la comparaison avec l'accident nucléaire de Tchernobyl, survenu en 1986,  Michel Duguay arrive à la conclusion qu'en 20 ans, on atteindrait par accumulation près de Bécancour le degré de radioactivité de Tchernobyl.
     «Sur les 10.000 km2 évacués autour de Tchernobyl, on a mesuré qu'il y a eu un total de 150.000 curies. Dans les environs de Bécancour, si on additionne les dépôts dans l'eau et les airs, on arrive à un total de 261.000 curies. Une radioactivité du même ordre que celle de Tchernobyl sur une période de 20 ans

Légumes contaminés
     Un rapport pour le compte de Greenpeace de l'expert-conseil en radiation Ian Fairlee, daté de 2007, démontrait que si le Canada appliquait les normes européennes, il serait interdit de manger les légumes des jardins et de boire l'eau des puits dans un rayon de cinq kilomètres autour de Bécancour.
     Le rapport du Bureau d'audiences publiques en environnement (BAPE) de 2005 confirmait d'ailleurs des niveaux élevés de tritium radioactif dans l'eau souterraine ainsi que dans le lait des vaches et dans des légumes de la région de Gentilly.
     «C'est drôle, Hydro-Québec mesure les taux de tritium dans le lait de vache des fermes autour, mais ne divulgue jamais les résultats aux fermiers. Sans doute pour ne pas alarmer la population. Rappelons-nous, même à Tchernobyl, les autorités ont mis quatre jours avant d'annoncer l'accident afin de ne pas alarmer la population. Ce sont des Finlandais et des Suédois qui ont finalement dévoilé l'ampleur de la situation

Ovules affectés
     La principale préoccupation de Michel Duguay concerne plus particulièrement les femmes qui souhaitent enfanter. Car le tritium radioactif s'attaque à toutes les cellules, dont les ovocytes, qui deviendront des ovules et, un jour, des foetus. Contrairement à d'autres cellules, comme celles de la peau, les ovocytes ne se remplacent pas, d'oz l'intérêt de les garder intacts jusqu'à l'âge de la procréation.
     «Une femme de 30 ans qui aurait bu l'eau de Bécancour aux normes canadiennes toute sa vie verrait chacun de ses ovules affecté par 20 désintégrations de tritium. Chaque atome de tritium est comme un petit coup de pistolet qui brise 1000 liens d'ADN et de protéines. Quelle femme aurait envie de concevoir un enfant en sachant que ses ovules ont été endommagés à son insu?»
     Les conséquences de la désintégration au tritium des ovocytes ne sont pas encore très bien connues car il reste énormément de recherche à faire dans ce domaine. «Mais ce que nous savons, c'est que sur les 3 milliards de lettres qui constituent l'ADN – l'équivalent de 1.000 bouquins de 1000 pages –, le changement d'une seule d'entre elles peut faire la différence entre un enfant malade et un enfant en santé. C'est un risque important de jouer avec l'ADN des ovocytes.»
     Rappelons aussi que le Dr Éric Notebaert, chercheur en toxicologie de l'Université de Montréal et président de l'organisme Professionnels de la santé pour la survie mondiale, faisait état récemment dans une lettre envoyée à Thierry Vandal, d'Hydro-Québec, d'un taux d'incidence de cancers et de leucémie particulièrement élevé autour des 136 centrales nucléaires dans le monde.
     Si le projet de réfection avorte, la seule centrale nucléaire du Québec devrait fermer ses portes définitivement en 2010.