Un groupe d'experts nucléaires
s'est réuni le 18 mai au Massachusets
Institute of Technology pour examiner la question du stockage ou du
retraitement des déchets nucléaires, que beaucoup considèrent
comme le principal obstacle à la relance d'une nouvelle génération
de centrales nucléaires aux Etats-Unis.
La réunion, organisée par le sénateur démocrate du Delaware Tom Carper, est intervenue après la décision récente de l'administration Obama de suspendre le développement du site de Yucca Mountain en tant que zone finale de stockage pour les déchets hautement radioactifs de toutes les centrales américaines. Le projet de Yucca Mountain s'est heurté à une vive opposition au Nevada mais plusieurs des experts du MIT ont mis en cause la décision et ont suggéré que Yucca Mountain reste au moins une option pour l'avenir. Tom Carper, qui préside le sous-comité du Sénat sur la sûreté nucléaire et la qualité de l'air, a souligné qu'«au cours des 30 dernières années, l'opinion publique américain avait évolué de façon spectaculaire sur l'énergie nucléaire» et est maintenant beaucoup plus réceptive à cette option. Mais, a-t-il ajouté, la question des déchets reste le gros morceau à avaler dans le débat sur cette énergie. «Nous devons avoir un nouveau Projet Manhattan (ndlr : le nom de code du projet américain qui aboutit à la première bombe atomique) pour décider de ce que nous ferons de tout le combustible irradié.» Les 104 centrales américaines vont produire plus de 105.000 tonnes métriques de déchets de haute activité lors de leur durée de vie, ce qui nécessiterait une surface de stockage souterrain de plus de 1.700 acres (près de 700 hectares, soit deux fois la taille de Central Park à New York). Actuellement, tous les déchets sont stockés sur les sites des centrales qui les produisent. Les quatre experts - Charles Forsberg, directeur du Fuel Cycle Study au Departement des Sciences nucléaires du MIT, Matthew Bunn, professeur associé de politique publique à la JFK School of Government à Harvard, Ernest Moniz, directeur du MIT Energy Initiative, and Andrew Kadak, professeur de technologie nucléaire au MIT - ont été d'accord pour dire que, contrairement à l'idée généralement admise, la question du stockage des déchets n'est pas urgente. Le système actuel d'entreposage du combustible irradié dans des fûts sur le site des centrales peut être laissé en place pendant plusieurs décennies, peut-être même un siècle, ont-ils dit. «Il n'y a pas de vrai raison technique de mettre en œuvre le stockage définitif maintenant, a dit le Pr Moniz, nous avons le temps». «La décision sur la meilleure politique pour ce stockage dépend d'une décision claire sur ce que veut en définitive la nation», selon le Pr Firsberg. «Nous ne savons pas aujourd'hui si le combustible irradié est un déchet ou au contraire la ressource énergétique la plus importante», a-t-il ajouté, mettant en avant le fait que les opérations nucléaires actuelles n'incluent pas le retraitement et donc n'utilisent qu'un pour cent de l'énergie totale. (suite)
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Savoir quoi faire des déchets nucléaires sur le long terme a plus à voir avec la politique qu'avec la technologie. «Trouver un site et le gérer est plus un défi institutionnel qu'un défi scientifique», a-t-il dit (...). Le Pr Moniz a mis en garde contre le fait que tous les efforts pour aller vers le retraitement du combustible pourraient retarder la relance de la construction d'une nouvelle génération de centrales nucléaires: «le problème N°1 est de savoir comment démarrer la première construction nouvelle qui mettra fin à 25 ans d'interruption». Alors que de nouvelles normes pour des centrales plus sûres et plus efficaces sont apparues, cela va demander beaucoup de travail pour surmonter tous les problèmes d'autorisation, de construction et d'opérations et donc convaincre les investisseurs que les nouveaux modes de développement sont réalistes, a ajouté le Pr Moniz. «Que faire pour obtenir l'approbation? combien cala va-t-il coûter? Nous ne le savons pas encore. Toute discussion sur la relance du retraitement ne va faire que compliquer et rendre plus confus le débat», a-t-il ajouté. Le Pr Bunn a ajouté que même si des systèmes de retraitement peuvent être envisagés pour réutiliser de façon efficace le combustible usé, ils ne sont pas acceptables aujourd'hui. Utiliser les technologies existantes serait contre-productif. Aujourd'hui, le retraitement est plus cher que le non-retraitement, et il présente des risques plus importants pour la prolifération nucléaire et le terrorisme, et il amoindrirait la sécurité énergétique de la nation. Ceux qui sont en faveur d'un nouvel avenir pour l'énergie nucléaire devraient s'opposer au retraitement, a-t-il dit. Mais il a ajouté que cela pourrait changer dans l'avenir si de nouvelles méthodes de retraitement sont développées. «Aujourd'hui, nous ne savons pas quel sera le meilleur cycle du combustible qui émergera. Des recherches sont souhaitables». Le Pr Moniz a cité des études approfondies du MIT, publiées dès 2003, qui mettent en évidence que si l'on veut contribuer de façon sérieuse à la lutte contre le climat, le monde a besoin de nouvelles centrales nucléaires d'une capacité d'au moins 1 terawatt (1 million de mégawatts). Avec la politique actuelle, nous ne sommes pas dans cette trajectoire. Une nouvelle version de l'étude de 2003 est disponible sur le site du MIT Energy Initiative. Nous avons besoin d'un solide programme de recherché (500 millions de dollars par an) sur les cycles avancés du combustible et d'autres aspects de la technologie nucléaire, a indiqué le Pr Moniz. Cet article est paru dans MIT Tech Talk, le journal officiel du Massachusets Institute of Technology. Voir l'article en anglais |