Benjamin Dessus
31/07/09 BENJAMIN DESSUS EST PRESIDENT DE GLOBAL CHANCE. A la fin de l'année dernière
(«Les Echos» du 24-12-2008), nous mettions en garde
l'opinion et le gouvernement contre le risque de voir la France surdimensionner
très largement son parc de production électrique en 2020,
comme elle l'a déjà fait dans les années 1980. L'analyse
du document préparatoire de Programmation pluriannuelle des investissements
électrique (PPI) montrait en effet que, si les engagements du Grenelle
étaient tenus, 130 TWh d'électricité ne trouveraient
pas preneurs en France en 2020 et devraient donc être exportés
(contre 80 TWh en 2008).
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A qui exporter? A nos voisins européens nous dit-on. A ceci près que eux aussi connaissent la crise et parfois plus durement que nous, qu'ils ont entrepris des politiques de maîtrise de l'électricité volontaristes (contrairement à la France) et de production d'électricité renouvelable et que certains d'entre eux, avec l'appui de notre président VRP en réacteurs nucléaires, envisagent de nouveaux réacteurs. Enfin, à quel coût? Là encore on nage en pleine incertitude: depuis 2003, dernière date à laquelle la direction générale de l'énergie (DGEMP), a publié des chiffres concernant l'EPR, les coûts d'investissement ont été multipliés par 2,5. Rien qu'entre 2006 et 2008, le coût complet de production d'électricité en base de l'EPR de Flamanville, selon EDF, passe de 46 €/MWh à 54 €/MWh, et à 60 pour Penly, contre 28,40 €/MWh en 2003 (DGEMP), plus qu'un doublement en cinq ans! Et les difficultés que rencontre aujourd'hui EDF dans la construction de Flamanville ne sont pas pour nous rassurer. On a le sentiment qu'on reproduit les mêmes erreurs que dans les années 1970-1980: on «prévoyait» en 1975, sous la pression du lobby nucléaire, une consommation de 1.000 TWh en 2000 (contre 474 TWh en réalité) d'où le surdimensionnement du parc nucléaire, d'une douzaine de tranches, qu'on a connu. Et ce n'est pas la perspective d'une percée du véhicule électrique («Les Echos» du 26 décembre 2008) qui risque de changer la donne: si l'objectif ambitieux de 1 million de véhicules électriques en 2020 était tenu, pour 10.000 km/an par véhicule, cela ne représenterait que 2, 5 TWh/an de consommation supplémentaire, moins d'un quart de la production d'un EPR, 0,5% de la consommation nationale... On comprendrait mal dans ces conditions que le débat national sur le nouvel EPR de Penly, qui va s'ouvrir, se borne à des considérations locales et ne soit pas l'occasion de revenir sur les prévisions de demande et la pertinence des choix d'investissement. Et puis, dans la période actuelle, ne vaudrait-il pas mieux investir dans la réhabilitation thermique des bâtiments dont le contenu en emplois par million d'euros dépensé est au moins 5 fois supérieur à celui d'une centrale nucléaire. Les investisseurs éventuels qui s'intéressent à l'EPR de Penly seraient bien inspirés de ne pas trop se fier à ces «prévisions» officielles, mais de faire sérieusement leurs calculs de rentabilité en fonction de perspectives plus réalistes. |