Les mythes
de l'indépendance française démontés par l'expert
Mycle Schneider:
Avec l'hiver vient la saison du chauffage.
Au bois, au gaz, au fioul, mais aussi au radiateur électrique, ce
qui a le don de faire grimper les consommations en période de pointe.
Comme chaque fois en cette période de l'année, ces pics de
consommation imposent d'importer de l'électricité venue d'Europe.
Et celle-ci, produite à partir d'énergies fossiles, n'est
pas faiblement émettrice en CO2. Mycle Schneider est
consultant international en matière d'énergie et de nucléaire.
Il vient de rendre un rapport au Parlement européen sur le mythe
de la politique énergétique française.
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Le recours au nucléaire
augmenterait les émissions de CO2 dans l'électricité?[1]
Indirectement, par effet systémique, surtout pour tout nouveau projet. L'investissement dans le nouveau réacteur EPR augmentera ainsi les émissions car si on investissait les 4 milliards € nécessaires à sa construction dans l'isolation de l'habitat existant, on éviterait réellement des émissions. Vous assurez qu'en dépit du nucléaire, la France n'est pas indépendante du point de vue énergétique. Pourquoi? En France, le premier programme électronucléaire massif a été lancé en 1974, après le premier choc pétrolier. Le but affiché était de rendre le pays indépendant vis-à-vis du pétrole. C'était déjà un mythe à l'époque car l'électricité ne représentait alors que 12% de la consommation de pétrole en France. En 2007, après trente-cinq ans de nucléaire en France, la consommation de pétrole par habitant - 1,5 tonnes d'équivalent pétrole (tep) - était plus élevée que la moyenne de l'Union européenne, alors que la consommation en Italie, qui a arrêté le nucléaire, et en Allemagne, était de 1,4 tep. Les autres secteurs comme le résidentiel, et surtout les transports, consomment la plus grande partie du pétrole et cette consommation n'a pas cessé d'augmenter depuis 1973. Le système électrique est incroyablement inefficace: entre l'énergie primaire, contenue dans l'uranium ou le charbon, et l'énergie finale utilisée sous forme de kilowattheure, les trois quarts sont perdus dans le réseau de distribution. Et alors? Il faut calculer le taux d'indépendance sur la base de l'énergie finale, le quart restant utilisé par les consommateurs, et non sur la base de l'énergie primaire. Cet ajustement simple divise par deux le taux officiel de 50% d'indépendance énergétique affiché par le gouvernement. En outre, il faut rappeler que la totalité de l'uranium utilisé dans les centrales est importée. Ce qui n'est pas pris en compte. Aujourd'hui, on peut estimer l'indépendance énergétique française à environ 8%. Quels seraient les principes d'une bonne politique? Elle devrait fournir des services énergétiques (c'est-à-dire le chaud, le froid, la lumière ou la mobilité) bon marché, propres et durables. Et ces services énergétiques intelligents devraient conduire à une baisse draconienne de nos consommations. Aujourd'hui, en France, la politique entamée ne laisse pas entrevoir comment atteindre les objectifs fixés par la loi: à savoir de réduire de 80% les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. |