Cette semaine, l'une des grandes figures de l'écologie
américaine, Amory Lovins, co-auteur du «Capitalisme Naturel»,
est à Paris pour parler énergie et environnement. Il se peut
que Jean-Louis Borloo, et les dirigeants d'EDF, Areva et Renault ne le
prennent pas vraiment au sérieux, quand il leur expliquera que le
«nucléaire est fini», parce que trop cher et non compétitif!
Ils auraient tort: ce visionnaire prône, depuis des décennies,
la nécessité de prendre en compte les «externalités»
de notre société de consommation. Et là dessus, la
réflexion mondiale autour du réchauffement de la planète
lui donne plus que raison.
Nous avons rencontré Amory Lovins dans
son repaire écologique du fin fond du Colorado: une résidence
modèle, qui a inspiré directement le mouvement des «
maisons passives » allemandes, et sert de siège au Rocky
Mountain Institute, son centre de recherche, créé en
1982. Couvertes de panneaux solaires, elle ne nécessite aucune chaudière,
en plein milieu des Montagnes Rocheuses. Et vend même son électricité
excédentaire au réseau local... Pas question, pour autant,
de se priver de place, de confort ou d'esthétique : les espaces
de vie et de travail son séparés par une magnifique serre
centrale, avec bananiers, insectes et bassins à poissons.
Pour Lovins, les centrales électriques
- qu'elles marchent à l'atome comme au charbon - vont subir le sort
des ordinateurs centraux des années 70, balayés par la micro-informatique!
«Les grosses centrales thermiques ont arrêté d'être
plus efficientes dans les années 60, plus grosses dans les années
70, meilleur marché dans les années 80... et achetées
dans les années 90», dit Amory Lovins. Il annonce l'avènement
du micropower: de plus petites centrales d'électricité et
de chauffage combinées au gaz naturel, ainsi que la multiplication
des énergies renouvelables: solaire, éolien... Il n'est plus
le seul à le dire: le Président de la Commission Fédérale
de Régulation américaine, Jon Wellinghoff a suggéré,
en avril, qu'il pourrait ne jamais y avoir de nouvelle centrale nucléaire
ou au charbon construite aux Etats-Unis!
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Evidemment, pour que cette vision se concrétise,
il faut commencer par réaliser les gigantesques économies
d'énergie, que Lovins prône depuis le premier choc pétrolier.
Pas par la privation, ou la croissance zéro... Mais grâce
à une régulation moins absurde des compagnies d'électricité:
«il faut arrêter de les récompenser quand elles vendent
davantage, et aligner au contraire leurs intérêts économiques
sur celui de leurs clients: la production d'économies, mesurées
en néga-watts». Et aussi, grâce à un «
design intégré » plus efficient des bâtiments.
Au lieu de considérer chaque élément - mur, fenêtre,
toit, chaudière... - séparément, il faut penser la
résidence, le building, ou l'usine, comme un «système»,
qu'on optimise en fonction de son usage réel, grâce aux nouvelles
technologies et aux matériaux avancés.
Exemple? Rocky Mountain Institute fait partie
de l'équipe qui a conçu le «lifting» énergétique
de l'Empire State Buiding: «On va notamment enlever 6.500 fenêtres
à double vitrage et, dans une usine provisoire au 5ème étage
du bâtiment, les ré-usiner en super windows, en y injectant
une couche de gaz krypton». Ces fenêtres super isolantes
laissent entrer davantage de lumière, mais sortir moins de chaleur.
Elles réduiront d'un tiers les besoins en air conditionné
et en chauffage. Résultat: 38% d'économie d'énergie,
ce qui permet d'amortir l'investissement total en 3 ans.
Amory Lovins prône la même philosophie
pour l'automobile: si la tôle en acier était remplacée
par une carrosserie en fibre de carbone, 12 fois plus résistante,
on pourrait diviser par trois la puissance du moteur et ses besoins en
carburant. Ce qui, selon lui, rendrait les véhicules électriques
- et même la pile à hydrogène - compétitifs.
Rocky Mountain Institute vient d'ailleurs de publier un plan pour débarrasser
les Etats-Unis de leur addiction au pétrole d'ici 2025: "Pétrole:
gagner la fin de partie". Son idée? Il coûterait moins
cher de déplacer tout le brut que les Etats-Unis consomment que
de l'acheter!
Même si certaines de ses idées
semblent utopiques, Lovins n'a rien d'un hurluberlu: il a travaillé,
comme consultant, avec 90 des 500 plus grands groupes américains,
de Coca-Cola à Wall Mart, et de Monsanto à Hewlett Packard.
A voir (31 pages pdf):
http://www.rmi.org/docs/ |