LE MONDE | 18.04 La prédiction n'émane pas d'un
militant de Greenpeace, mais de Pierre Gadonneix, PDG d'EDF, le
premier producteur mondial d'électricité nucléaire:
"Le nucléaire va redémarrer, mais peut-être pas
aussi vite que certains le disent".Après vingt-cinq ans de gel
des investissements à la suite des accidents de Three Mile Island
(1979) et surtout de Tchernobyl (1986), les esprits avaient commencé
à s'échauffer à partir de 2005. Trop, sans doute.
Tourneboulés par la flambée des prix du pétrole, la
hausse annoncée de la demande d'électricité et l'inquiétude
grandissante sur le réchauffement climatique, de bons experts ont
livré des chiffres faramineux. Certains scénarios annonçaient
un triplement des capacités d'ici à 2030 (à 1.200
GW) tandis que la liste des nations nucléarisées passait
de 31 à 60.
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Les sous-capacités de l'industrie et la nécessité de former une nouvelle génération d'ingénieurs et de techniciens pourraient aussi ralentir le rythme. S'il existe environ 240 projets de réacteurs, on n'en compte qu'une trentaine en construction. Pour faire passer la part d'électricité nucléaire de 16% à 22% en 2050, hypothèse haute de l'Agence de l'énergie nucléaire (AEN) dépendant de l'Organisation de coopération et de développement économiques, il faudrait mettre en service 54 réacteurs par an entre 2030 et 2050. "L'expérience passée montre que le monde en est capable", et la planète peut fournir de l'uranium pendant un siècle, affirme l'Agence. Un optimisme vivement contesté par les écologistes. L'équation économique est, elle aussi, complexe. "L'incertitude sur ses coûts est une contrainte pour l'avenir du nucléaire", notent les experts du cabinet Booz & Company (Energy Shift, Eric Spiegel et Neil McArthur, McGraw Hill, 2009). Surtout dans des pays où, comme les Etats-Unis, le montant des investissements supportés par des groupes d'électricité privés inquiète politiques et banquiers. Barack Obama n'en a pas fait une priorité, contrairement à George Bush. Les déboires des électriciens et des financiers américains dans les années 1970 et les dérapages actuels du chantier finlandais d'Areva envoient des signaux inquiétants. S'ils surmontent ces difficultés industrielles et financières, gouvernements et exploitants auront à résoudre celles du stockage des déchets dit "à longue vie et à haute activité". A ce jour, seule la Finlande a trouvé un site, alors que les Etats-Unis, première puissance nucléaire mondiale, viennent de repousser le projet de Yucca Mountain (Nevada). Restera le risque de prolifération, notamment la contrebande de matières fissiles, au moment où la tendance est à la relance du désarmement dans le cadre d'une reprise du dialogue américano-russe. La communauté internationale réfléchit à des centres implantés dans des pays déjà nucléarisés où les nouveaux venus au club se fourniront en combustible. A condition de le restituer une fois brûlé pour éviter toute tentation proliférante. Les partisans du nucléaire se veulent rassurants: les pays exploitant des réacteurs (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie, France...) ont eu la bombe, puis des centrales; d'autres ont renoncé à leurs ambitions militaires pour un programme civil (Afrique du Sud, Egypte, Brésil, Argentine...). Jusqu'à ce que l'Iran vienne semer l'inquiétude et le doute. * Tiens, tiens, jusque-là, "on" disait qu'il ne produisait pas de CO2!... |