CONTROVERSES NUCLEAIRES !
Mafia italienne et nucléaire...

2009
3) «On s'en fout de la mer... Pense à l'argent!»

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Terre 16/09/2009 
Mafia. En Calabre, la découverte de fûts radioactifs dans l'épave d'un cargo, le «Cunsky», confirme l'ampleur du trafic de déchets contaminés.
Par ERIC JOZSEF Rome, de notre correspondant, LAURE NOUALHAT
     Après les sacs plastiques, les bidons d'essence et les carcasses de voiture, la Méditerranée découvre le fût radioactif. C'est ce que laisse entendre la découverte, samedi, de l'épave du Cunsky, un cargo probablement chargé de déchets nucléaires et coulé au large des côtes calabraises par un mafieux, aujourd'hui repenti.
     Cette localisation vient relancer une longue enquête, qui a démarré au milieu des années 90. A l'époque, une ancienne figure d'un clan de la 'Ndrangheta calabraise, Francesco Fonti, décide, après son arrestation, de collaborer avec la justice. D'emblée, il mentionne trois navires envoyés par le fond par ses soins, l'année précédente, sur ordre des parrains. «Dans les bateaux, détaille-t-il, il y avait des quantités de fûts qui n'avaient pas été traités à l'étranger.» Selon ses informations, la cargaison provenait de Norvège. Mais, à l'époque, le magistrat chargé de l'enquête, Francesco Neri, n'avait pu vérifier ces assertions. «On disposait de tous les détails de l'opération de sabordage», a commenté ce dernier après visionnage des premières images du Cunsky. Mais «en absence du corps du délit», le parquet avait alors classé l'affaire.
     Pendant longtemps, les enquêteurs ont buté sur un obstacle : la difficulté matérielle de retrouver les épaves gisant à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Samedi, pour la première fois, ils ont enfin eu confirmation de leurs soupçons. A 500 m sous la surface, un robot est parvenu à filmer, au large de Cetraro, en Calabre, les restes du Cunsky, qui aurait transporté une centaine de bidons de déchets radioactifs. «La caméra a pu filmer au moins un fût écrasé. Les autres devraient se trouver dans la cale», a noté Silvio Greco, le conseiller régional de Calabre chargé de l'environnement, qui a enfin mis à disposition de la magistrature les moyens financiers et techniques pour vérifier les vieilles déclarations du repenti.
     «Malin». Aujourd'hui la découverte du Cunsky relance l'attention sur ce qu'on appelle désormais l'écomafia, la mafia de l'environnement. Le procureur Francesco Neri aurait repéré pas moins de 180 embarcations chargées de produits toxiques que la criminalité organisée, principalement calabraise, aurait fait couler au large des côtes, dans la mer tyrrhénienne, dans le canal de Sicile et au sud de l'Adriatique.
     Certains dialogues de mafieux, mis sur écoute, confirment l'activité intense de la mafia depuis une vingtaine d'années dans les déchets industriels.

     Dans l'un d'eux, un boss de la 'Ndrangheta explique: «Il suffit d'être malin en attendant le bon moment. Qui veux-tu qui s'en aperçoive?»
     «Comment sera la mer si on l'infecte?» objecte son interlocuteur. «On s'en fout de la mer. Pense à l'argent qu'on va toucher et avec lequel on pourra aller se trouver une autre mer».
     Trouver une autre mer? D'après un rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue), des déchets industriels toxiques «en provenance d'Europe» souillent les eaux somaliennes depuis les années 90. En décembre 2004, la vague du tsunami qui atteint les côtes somaliennes met d'ailleurs à jour des fûts éventrés. «Les eaux somaliennes ont été utilisées comme dépotoir pour déchets dangereux dès les années 90», confirme le porte-parole du Pnue, Nick Nuttall, sans vouloir mentionner des entreprises mafieuses. Ilaria Alpi, une journaliste italienne partie enquêter sur le sujet, a trouvé la mort dans d'étranges circonstances en 1994. D'après un écologiste somalien basé à Bruxelles, elle aurait mis à jour les transports de déchets toxiques en provenance d'Italie vers son ex-colonie à bord de bateaux de pêche. Dans son rapport, le Pnue calcule que l'avantage économique qu'ont les sociétés européennes à faire «traiter» leurs déchets dans cette partie du monde va de 1 à 100. Uranium, plomb, cadmium, mercure, déchets médicaux... le sous-sol marin est tapissé de bombes sanitaires à retardement.
     «Cancer». En Italie aussi, ces pratiques peu orthodoxes auraient des effets sur la santé des populations. «Les premières études épidémiologiques montrent des taux de cancer plus élevés dans certaines zones suspectées d'avoir été contaminées par des déchets industriels», souligne le docteur Giocamino Brancati, l'expert nommé par les magistrats calabrais. «Pendant trop longtemps, les magistrats ont été laissés seuls et les procès ont été enterrés», s'indigne l'association Legambiente, qui demande la réouverture de toutes les enquêtes sur la disparition mystérieuse de cargos en Méditerranée.
Voir aussi:
http://www.tdg.ch/
http://www.letelegramme.com/
http://www.earthtimes.org/
http://www.youtube.com/5
http://www.youtube.com/4
http://www.youtube.com/3
http://www.youtube.com/2
http://www.youtube.com/1