CONTROVERSES NUCLEAIRES !

avril 2009
Risques sismiques: Aquila, France, etc.
ADIT, http://www.lemonde.fr/, http://planete.blogs.nouvelobs.com/


Première page du "Petit Journal" du 27 juin 1909
sur le tremblement de terre ayant touché le 11 juin les villes d'Aix, Arles, Lambesc, Saint-Cannat et Rognes.
LE MONDE | 10.04.09
http://www.lemonde.fr/
Le jour où la France tremblera

     La France n'est pas à l'abri d'un séisme comparable à celui qui a frappé le centre de l'Italie le 6 avril. Le tremblement de terre le plus meurtrier en métropole remonte certes au 11 juin 1909, à Lambesc (Bouches-du-Rhône), mais un événement similaire à la catastrophe des Abruzzes est inévitable, même si l'aléa sismique est bien plus élevé dans la Péninsule italienne. S'il survenait aujourd'hui, le séisme de Lambesc ne ferait pas 46 morts, comme il y a un siècle, mais plus d'un millier, et des dizaines de milliers de blessés, compte tenu de l'accroissement de la densité de la population.
Le député Christian Kert (UMP, Bouches-du-Rhône), auteur en 1995 d'un rapport parlementaire sur le risque sismique, comptait sur l'anniversaire de Lambesc pour sensibiliser la population et pour appeler le gouvernement à hâter la révision de la réglementation en vigueur. Le cataclysme de L'Aquila l'a devancé.
     De fait, "une nouvelle carte de l'aléa sismique devrait être publiée courant 2009, assortie de nouvelles règles de construction parasismique unifiées au niveau européen", indique Philippe Sabourault, responsable du plan "Risque sismique 2005-2010" au ministère de l'écologie. Ce zonage couvrira 20.000 communes, contre 5.000 auparavant.
     Michel Granet, responsable du Réseau national de surveillance sismique (Rénass) et directeur de l'Ecole et Observatoire des sciences de la terre (EOST), installés à Strasbourg, rappelle que la cartographie de la sismicité ne dit pas tout: il s'agit de "cartes d'aléas, et non de risques". Un long travail de "microzonage" reste à faire sur l'"effet de site" (la façon dont les ondes peuvent s'amplifier localement). Par ailleurs, le risque dépend "de la présence humaine", du type d'habitat et d'industrie.
     Concernant les tsunamis, la France doit accueillir un centre régional d'alerte pour la zone Méditerranée-Atlantique nord, mais il ne sera pas opérationnel avant plusieurs années. Enfin, pour la construction parasismique, le maillon faible est le contrôle du bâti courant, estime Christian Kert. "Le respect des normes est proche de 100% pour les bâtiments publics et sensibles, mais de 20% dans l'habitat individuel", confirme M. Sabourault.
     C'est aux Antilles, où une fillette est morte écrasée par un mur, aux Saintes, en 2004, que le risque est le plus aigu. En métropole, il menace en priorité l'arc rhône-alpin et les Pyrénées (1 mort en 1967 à Arette). Tour d'horizon de la façon dont il est pris en compte:

En Alsace, l'hypothèque nucléaire
     Le fossé rhénan est une zone de failles sismiques. Les règles de construction parasismiques sont partout applicables en Alsace. Le plus grave tremblement de terre connu dans la région a été celui de Bâle (Suisse) le 18 octobre 1356. D'après les démolitions de châteaux et les chroniques d'époque, on estime sa magnitude à 6,2. "Selon les grimoires, précise Michel Granet, il a fait environ 300 morts à Bâle."
L'Alsace-Lorraine ressent régulièrement des secousses mineures. Le 22 février 2003, le séisme de Saint-Dié (Vosges), de 5,4 degrés, a provoqué des évacuations d'urgence et endommagé plusieurs bâtiments. Le 5 décembre 2004, celui de Fribourg (Allemagne), estimé à 4,9 degrés, a réveillé une partie de la population. En décembre 2006, plusieurs secousses ressenties en Alsace étaient liées à l'activité humaine: une société de forage géothermique près de Bâle a reconnu sa responsabilité.
     La polémique se rallume régulièrement sur la protection de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin). Construite en 1977, elle a été conçue, assure EDF, pour résister à un séisme deux fois plus puissant que celui de 1356. Les écologistes alsaciens, allemands et suisses contestent ces affirmations.

Nice : "Là où la terre a tremblé, elle tremblera"
     Le séisme du 23 février 1887 est le plus important phénomène tellurique ayant ébranlé les Alpes-Maritimes. Ce jour-là, un séisme sous-marin, au large de l'Italie, secoue la Ligurie et les Alpes-Maritimes. Bilan: 600 morts en Italie, une dizaine sur la Côte d'Azur. Le village de Castillon est rasé, une trentaine de maisons sont évacuées à Nice. De nombreux Niçois dorment sur les plages de la baie des Anges. 
     "C'est aujourd'hui une référence pour mettre en place un plan de sauvegarde ou d'aménagement de notre territoire, rappelle le géologue Edmond Mari. Là où la terre a tremblé, elle tremblera!" L'étude européenne Risk-UE, initiée en 2001, qui mesurait les conséquences d'un séisme majeur (similaire à celui des Abruzzes), donnait pour Nice un bilan allant de 50 à 200 morts, 10.000 et 23.000 sans-abri et de 3 à 5 milliards € de dégâts.
     Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) imagine divers scénarios de crise et coordonne de nombreux entraînements. Sa "méthode d'information préventive au comportement qui sauve", appliquée dans plusieurs départements français et à Kobe, au Japon, a initié 180.000 habitants des Alpes-Maritimes au risque sismique. "La thématique est "je sauve ma vie et celle de mon entourage en apprenant à maîtriser mon comportement"", résume le colonel Frédéric Castagnola, du SDIS.

La Martinique sait qu'elle risque gros
     La montagne Pelée peut entrer en éruption comme en 1902, quand elle a anéanti Saint-Pierre et ses 28.000 habitants. Les cyclones ne sont pas rares; les derniers qui ont frappé l'île n'ont fait aucune victime, la population étant rompue au risque cyclonique. 
     Restent les séismes et, là, il y a encore des progrès à faire. Les Martiniquais ont eu une grosse frayeur le 29 novembre 2007 avec une de ces secousses qu'ils avaient fini par oublier. Elle a provoqué des dégâts, mais a fait seulement deux blessés, qui avaient sauté d'une fenêtre. En revanche, partout on a noté des malaises, des crises de nerfs, des bouffées d'angoisse.
     Prévu de longue date, un exercice de simulation, "Richter Antilles 2008", a eu lieu en novembre. Pour la première fois en France, les autorités testaient "la gestion des décès massifs" (300 morts dans le scénario, 2.000 blessés, 70.000 sans-abri, 4.000 intervenants sur le terrain), montrant que les morts accaparent l'attention au détriment des réfugiés - "Un peu oubliés" pendant l'exercice, selon le lieutenant-colonel Philippe Cova, chef d'état-major de la zone Antilles. Autre leçon: "La quasi-totalité des communes de Martinique et de Guadeloupe ont désormais un téléphone satellitaire."
     La prévention est axée principalement sur les enfants, à travers un "livret de l'élève" consacré aux "gestes qui sauvent en cas de catastrophe majeure" (se mettre sous une table ou dans l'angle des murs). Quant aux constructions aux normes parasismiques, désormais obligatoires, elles ne combleront pas de sitôt les décennies de retard. Fier des semaines de sensibilisation au risque sismique, baptisées "Réplik", qui existent depuis trois ans, M. Cova estime qu'"un bond en avant a été fait dans la prise de conscience".

Hervé Morin avec Jacques Fortier (Strasbourg),
Paul Barelli (Nice)
Patrice Louis (Fort-de-France) 
suite:
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L'Aquila: centrales nucléaires et risques sismiques

vendredi, 10 avril 2009

Suite au Post «Tremblement de terre: le choix nucléaire italien en question», le commentaire très expert de «Duperray» incite à séparer le "questionnement constructif" des "propagandes contraires". Méthode sur laquelle nous sommes entièrement d'accord. Donc, allons y!

     Duperray a certainement raison: si l'on construit une centrale (encore qu'il s'agit de 8 à 10 EPR) dans la grande plaine ouest milanaise - voir la note et les cartes de l'IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire) suite au séisme de l'Aquila - , les risques, sauf météorique ou de bombardement, sont «en principe» à peu près inexistants. Sans jouer les Cassandre, les grincheux, ou l'obsessionnel du zéro risque, je voudrais rebondir sur cette argumentation qui si convaincante soit-elle sur le papier ne prend peut-être pas suffisamment en compte l'imprévu. A commencer par le paramètre humain qui, toujours, étonne.

La centrale de Casacia: 100 km de l'Aquila
     L'implantation d'une centrale n'obéit pas seulement à des critères prudentiels. Mais aussi à des compromis politiques et financiers où le rapport coût-risque n'est pas forcément optimal. J'observe que les sites des réacteurs à l'arrêt ou de réacteurs de recherche ne sont pas tous situés sur la plaine padane. Et le béotien que je suis repère même que la centrale de recherche de Casaccia au Nord de Rome n'est pas si loin que ça de L'Aquila: 100 km environ. Alors que le rayon d'action du séisme est de 200 km comme le note l'IRSN qui précise que «les intensités ressenties au bord du site de Casacia permettent de penser que les effets de ce séisme y ont été sans conséquence sur les bâtiments concernés». Soulagement, vous en conviendrez, prudent.

Le tremblement de terre de 2007 au Japon

     Outre les aléas de la décision politique, parfois baroque en Italie, il y a aussi les bourdes scientifiques. Je renvoie à cet égard au séisme qui a affecté la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa au Japon. L'épicentre de juillet 2007 se situait à dix kilomètres du réacteur dont la puissance totale est de 8.212 MWe. 67 incidents avaient été répertoriés parmi lesquels un incendie sur le transformateur électrique du bâtiment suite à l'affaissement d'un pylône soutenant les câbles, une fuite d'eau radioactive dans la mer provenant de la piscine d'entreposage de combustibles usés, le déversement de centaines de fûts contenant des déchets ( gants, masques) faiblement radioactifs, des émanations radioactives dans le système de ventilation...

Une faille sous les réacteurs de Kashiwazaki-Kariwa?
     Rien de tragique mais la centrale fut tout de même arrêtée, inspectée par les autorités internationales de L'AIEA et le président de la société propriétaire de la centrale, la Tepco résumait ainsi la situation: «Les réacteurs ont subi sans aucun doute un choc supérieur aux limites de résistance prévues à l'époque de la construction». Le scénario cauchemar, c'est que les géologues se soient trompés dans leurs analyses initiales et qu'une faille active soit située sous la centrale.

Les vices de construction : Areva n'est pas à l'abri
     L'aléa humain intéresse aussi les vices de construction d'une centrale. On incriminera la gabegie soviétique à l'origine du désastre de Tchernobyl. Mais s'agissant de l'Italie force est de constater que les normes anti-sismiques qui étaient de rigueur notamment pour l'hôpital San Salvatore de l'Aquila n'ont pas été respectées puisque le bâtiment est hors d'usage après le séisme(1). Sa construction a duré trente ans et le scandale est déjà virulent. N'incriminons pas trop vite l'incivisme latin. Dans le remarquable livre de Serge Enderlin «L'après pétrole est commencé» qui vient de paraître au Seuil, le chapitre concernant le réacteur finlandais de Olkiluoto construit par Areva laisse songeur. Par deux fois TVO, la compagnie d'électricité finnoise en charge de l'exploitation de la centrale a du retoquer le béton livré qui doit napper le fond de cuve du réacteur. «Couche pas assez épaisse» la première fois, «trop granuleuse» , la seconde fois... Retoquée aussi la «couche d'acier en forme d'immense anneau qui servira de première barrière protectrice contre d'éventuelles fuites radioactives». Le fournisseur allemand avait sous-traité le contrat en Pologne et le travail avait été bâclé... Martin Landtman, qui supervise les opérations pour TVO n'est pas tendre: «On n'a pas construit de nouvelles centrales nucléaires depuis très longtemps, dit-il. Et puis l'EPR est une nouvelle technologie. On dirait quand même qu'Areva a perdu la main, et ça pour nous, c'est inacceptable. Parce que nous payons les pots cassés
     L'aléa humain ne relève peut-être pas des lois de la physique nucléaire, mais ils serait sans doute imprudent d'en mésestimer les effets. C'était notre contribution à un «questionnement constructif» émancipé des «propagandes contraires».

Guillaume Malaurie
(1) Dans la vidéo, le Directeur Marzetti de l'hôpital San Salvatore explique que la situation de l'établissement, à peine achevé, est" identique à celle du reste de la ville". "L'hôpital est touché de manière très sérieuse. De manière très grave, ajoute-t-il. L'accès aux salles de chirurgie, sauf deux, n'est plus possible. Sur une affiche devant l'entrée aux urgences est écrit: "Même ici, à l'hôpital ça s'est effondré"