DE MUELENAERE, MICHEL
Jeudi 4 novembre 2010
Chaque année, environ 7.000 tonnes de
combustible usé sont retirées des centrales nucléaires
se situant dans l'Union européenne. La majeure partie de ce combustible
est entreposée dans des installations provisoires. Et tous les pays
sont à la recherche de solutions définitives pour ces déchets
qui ne peuvent être recyclés. Pour la Commission européenne,
qui a présenté mercredi un projet de directive, l'option
ne fait aucun doute: cela doit être un enfouissement en profondeur.
Le texte présenté par le commissaire européen en charge
de l'Energie, Gunther Oettinger, prévoit que d'ici 2015 les Etats
membres devront présenter à la Commission des programmes
nationaux contraignants avec des plans pour la construction de dépôts
de stockage « au minimum à 300 mètres de profondeur
». Deux Etats ou plus pourront se fédérer pour partager
un site de stockage. Les «exportations» de déchets vers
des pays tiers seront interdites. Actuellement, 14 Etats membres sur les
27 de l'Union possèdent des centrales nucléaires. En 2020,
l'Union sera confrontée à un passif de 1,8 million de m3
de déchets hautement radioactifs.
Le projet est présenté et défendu
au nom de la sécurité des personnes et de l'environnement,
mais dès sa présentation, il a essuyé des critiques
virulentes de la part des opposants au nucléaire. Le stockage provisoire
en surface n'est pas une solution de long terme, indique la Commission.
Les fûts de déchets «doivent faire l'objet d'un entretien
et d'une surveillance permanente. Du fait de leur implantation habituellement
proche de la surface, ils sont en outre exposés à un risque
d'accidents, notamment les chutes d'avion, les incendies ou les tremblements
de terre». Or, poursuit l'exécutif européen, «il
existe un consensus global parmi les scientifiques et les organisations
internationales telles que l'AIEA [l'Agence internationale pour l'énergie
atomique, NDLR] sur le fait que le stockage en formation géologique
profonde constitue la solution la mieux adaptée au stockage à
long terme de déchets nucléaires de haute activité».
Le coût du stockage serait supporté par les opérateurs
– qui le répercuteront sans doute sur les consommateurs...
Simple relation publique
Les sites de stockage existants peuvent être
utilisés pendant une centaine d'années, indique la Commission
à l'appui de sa thèse. Mais la radioactivité des déchets
de haute activité peut prendre un million d'années pour diminuer.
«Ce que fait la Commission est un simple exercice de relation
publique destiné à convaincre la population qu'il est possible
de gérer les déchets nucléaires, a rétorqué
Greenpeace international. Ce dont nous avons besoin au contraire, c'est
une tentative sérieuse de réduire la charge que les déchets
nucléaires font peser sur les générations futures
et sur l'environnement. » Yves Jadot, eurodéputé
des Verts, a aussi attaqué la Commission. «Il n'y a pas
de consensus technique ou politique sur les options de stockage définitif
des déchets. En l'absence de solution satisfaisante pour gérer
ces déchets dangereux, le fantasme de la
“renaissance du nucléaire” en Europe est tout simplement
irresponsable.» En Belgique, le plan déchets nucléaires
actuellement soumis à la consultation publique prévoit la
mise en dépôt géologique dans des couches d'argile
souterraines des déchets de classe B et C, les plus hautement radioactifs.
143 réacteurs nucléaires sont actuellement
en activité en Europe: Belgique (7), Bulgarie (2), République
tchèque (6), Finlande (4), France (58), Allemagne (17), Hongrie
(4), Pays-Bas (1), Roumanie (2), Slovaquie (4), Slovénie (1), Espagne
(8), Suède (10), et Royaume-Uni (19).
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suite:
La Commission propose une directive pour imposer
aux Vingt-sept de déposer un plan de gestion dans les 4 ans.
Jean-Michel Lalieu
S'ils acceptent la proposition de Directive
de la Commission, les 27 États membres de l'Union européenne
vont devoir, d'ici 2015, présenter un plan en bonne et due forme
concernant l'avenir des leurs déchets hautement radioactifs. En
présentant le projet, hier, le commissaire à l'Énergie,
Günther Oettinger, a estimé que la directive devrait être
approuvée dans le courant de l'année prochaine et que les
États auraient ensuite 4 ans pour présenter une feuille de
route prouvant qu'ils se penchaient bien sur la question.
"Les plans nationaux respecteront les normes
de sécurité les plus strictes au monde", a précisé
Oettinger, confirmant qu'ils se baseraient sur les standards de l'Agence
internationale de l'Énergie atomique. Pour le commissaire allemand,
il était temps d'agir, 50 ans après la mise en service du
premier réacteur nucléaire européen.
Actuellement 14 pays sur 27 disposent de centrales
et deux autres (Italie et Pologne) ont des projets d'en installer sur leur
sol. "Mais la directive s'appliquera à tous", précise
Oettinger, observant que les déchets hautement radioactifs n'étaient
pas uniquement produits pour l'électricité.
Fermer les frontières
Ca ne veut pas dire que chaque pays devra
se doter d'un site définitif de stockage. Des accords peuvent être
passés entre États concernant la gestion de ces rebuts radioactifs.
"Par contre, insiste le commissaire, une fois la directive en application,
il ne sera plus question, au niveau des nouveaux déchets produits,
de les exporter hors des frontières de l'Union. Il faut garder un
contrôle maximal." Une mesure qui vise cinq ou six nouveaux membres
de l'UE, anciennement liés à Moscou et qui détiennent
des contrats pour envoyer les combustibles en fin de vie en Russie.
Sans donner de règles strictes concernant
l'enfouissement, la Commission insiste quand même sur l'obligation
d'opter pour un stockage en profondeur, après qu'un consensus se
soit dégagé en ce sens auprès des organismes nationaux
de sûreté nucléaire.
Oettinger parle d'un "minimum de 300
mètres de profondeur". Pour le reste, c'est la géologie
qui devra avant tout guider le choix des États pour un site. Celui-ci
devra aussi rester accessible pour une intervention humaine éventuelle
et, en tout cas, pour pouvoir vérifier que les normes de sécurité
y sont toujours garanties.
Il faut, en effet, bien garder à l'esprit
que l'on parle de matières radioactives qui resteront en principe
dangereuses pendant plusieurs milliers d'années. A défaut
de les interdire — la tendance va plutôt vers un retour au nucléaire
— il faut pouvoir les neutraliser sur le long terme.
Enfin, la Commission attend de ses membres
qu'ils fassent la preuve qu'ils ont prévu des moyens financiers
suffisants pour financer ce stockage. "Ils devront aussi agir en toute
transparence vis-à-vis de la population à chaque étape
du processus", insiste Günther Oettinger.
Trente ans de recherche
Aujourd'hui, l'Union européenne recense
143 centrales nucléaires en activité. Mais seules la Suède,
la Finlande et la France seront prêtes à offrir un site de
stockage définitif dans un délai de 10 à 15 ans. Pour
le reste, les combustibles sont entreposés de manière provisoire
sur les sites accueillant les réacteurs.
En Belgique, où les premiers des 7
réacteurs ont été mis en service en 1975, des chercheurs
planchent depuis trois décennies déjà sur un scénario
de stockage. Responsable de la fin de vie des déchets, l'Ondraf
(Organisme national des déchets radioactifs) dit ne pas craindre
les nouvelles exigences communautaires. "Les efforts de la Belgique
sont tout à fait en ligne avec la future directive, note Jean-Pierre
Minon, directeur général de l'Ondraf. Nous en sommes au niveau
de la décision de principe concernant la technologie de l'enfouissement
profond."
Elle aurait dû être prise cette
année. Il lui a juste manqué un gouvernement en bon état
de marche. Mais pendant ce temps les recherches se poursuivent pour trouver
un site adéquat. Deux types d'argile sont testés: argile
de Boom à Mol et argile d'Ypres à Doel. "Le processus
reste pourtant encore très long", admet le responsable de l'Ondraf
qui ne voit de solution définitive qu'en terme de décennies. |