CONTROVERSES NUCLEAIRES !
VEILLE NUCLEAIRE INTERNATIONALE
2010
''Le
nucléaire ne coûte pas cher...''
ADIT, avril
©
Actu-Environnement
Voici une idée répandue qui trouve régulièrement
de nouveaux échos. Pourtant ce qui veut être affiché
comme une évidence apparaît bel et bien discutable. Disponibilité
du parc, balance énergétique, démantèlement,
enfouissement des déchets figurent comme autant d'arguments régulièrement
écartés de l'équation.
28/03/2010 - Lire
l'actu
SAUVEGARDE PERSONNELLE:
''Le nucléaire ne coûte pas cher…''
ENERGIES - Actu-Environnement.com - 28/03/2010
Voici une idée répandue qui
trouve régulièrement de nouveaux échos. Pourtant ce
qui veut être affiché comme une évidence apparaît
bel et bien discutable. Disponibilité du parc, balance énergétique,
démantèlement, enfouissement des déchets figurent
comme autant d'arguments régulièrement écartés
de l'équation.
Un rapport de l'AIE rendu public fin mars
vient une fois encore affirmer que l'énergie nucléaire est
la moins coûteuse.
Voici, quelques semaines, (la Tribune du 4 février 2010) la
même thèse était largement développée
par un ardent défenseur du nucléaire, Francis Sorlin qui
soulignait les nombreux avantages économiques et financiers que
présenterait l'énergie nucléaire pour la France. Est-ce
fondé ? analysons les arguments :
Tout d'abord l'économie réalisée
du fait du non achat à l'étranger de notre électricité
et de l'aspect positif du nucléaire sur notre balance commerciale.
C'est malheureusement faux. Du fait de la faible disponibilité de
notre parc nucléaire (79% en 2008 , encore plus faible en 2009 contre
plus de 90% en Allemagne ou en Finlande) notre solde exportateur a baissé
de 47%. Sur les 10 premiers mois de l'année 2009, nous avions un
solde excédentaire de 874 millions d'euros contre 2,8 milliards
en 2008. En revanche, nous avons considérablement augmenté
nos importations (déjà 30TWh par an entre 2005 et 2007) pour
un coût qui est secret d'Etat. Le mythe de la France , premier exportateur
mondial de nucléaire est inexact et n'établi nulle part.
Ensuite, un rapport de l'INESTENE1 en 2002, à une époque
beaucoup plus faste d'exportation, établissait que les revenus officiels
tirés de l'exportation ne couvraient pas les coûts officiels
de production nucléaire. Il évaluait les pertes annuelles
entre 800 millions et 6 milliards d'euros selon le degré d'internalisation
des coûts. Enfin, notre consommation pétrolière par
habitant est beaucoup plus élevée que celle de nos voisins
( 1,46 tonne en France contre 1,36 en Allemagne,1,31 en Italie et 1,33
en Grande-Bretagne) de telle sorte que la part du nucléaire dans
l'énergie finale reste très modeste, de l'ordre de 14%.
Ensuite le bas coût du nucléaire
aurait permis des baisses régulières de la facture des consommateurs,
lesquels bénéficieraient des plus bas coûts en Europe.
C'est faux. Tout d'abord, le coût affiché du nucléaire
monte constamment et n'intègre toujours pas la réalité
de ce coût. Il est aujourd'hui de 55 euro/GWh en France, mais n'intégre
pas le démantèlement comme l'avait souligné un rapport
accablant de la cour des comptes de 2005 qui évaluait à 68
Mds la constitution du fonds de réserve nécessaire pour 58
centrales sans rapport avec les 17,2 Mds provisionnés (sans compter
le fait que les provisions, tant d'Areva que d'EDF, semblent difficiles
à retrouver aujourd'hui….). Au final ce coût se rapproche
du prix de revient de l'éolien qui lui, ne cesse de baisser au même
titre que celui du photovoltaïque. Quant au prix acquitté par
le consommateur - qui ne cesse de monter et non de baisser - il plaçait
en 2007 le consommateur résidentiel français au 13éme
rang sur 27 en Europe et en 6éme position pour le consommateur industriel.
Mais, globalement, notre industrie n'en bénéficie guère
puisque notre balance commerciale ne cesse de se détériorer.
Autre argument avancé : l'absence de
coût pour le contribuable. L'industrie nucléaire ne bénéficierait
d'aucune subvention et au contraire payerait de l'ordre de 2Mds d'impôt
par an en France. Ceci est encore inexact. Le soutien accordé à
la recherche nucléaire depuis 1974 s'élèverait à
159 Mds de dollars selon l'AIE. En France, l'Etat soutient la recherche
nucléaire par l'intermédiaire du CEA. Les budgets publics
français consacrés à la R&D pour le nucléaire
dépassent les budgets américains depuis 1995 et l'écart
ne fait que croître. Ils représentaient 13 % du budget global
des pays de l'AIE pour la R&D nucléaire en 1997. En parallèle,
les budgets publics de R&D dans le domaine de la maîtrise de
l'énergie restaient négligeables. Si on recherche le montant
global cumulé en francs courants consacrés au nucléaire
civil, il s'élève à 54 Mds de francs jusqu'en 1998.
Le cycle complet représente un investissement de 455 Mds. Et la
situation perdure. En 2010, le nucléaire et les activités
industrielles du CEA représentent 80% des crédits de paiement
de la recherche civile en énergie et 52% des dépenses d'investissement.
EDF et Areva empruntent souvent à bon compte puisque le contribuable
paye le différentiel… quant au montant effectivement payé
de l'impôt sur les sociétés, il est introuvable…. enfin,
il faudrait aborder la question de l'assurance du risque nucléaire
plafonné à un peu plus de 2 Mds d'euros (les Suisses évaluent
un accident nucléaire à un coût pour la Suisse de 4.000
milliards !), du coût de la gestion des déchets, du volume
des déchets évalué à 3 Mds de m3 avec le démantèlement
qui conduit déjà à intégrer des déchets
très faiblement radioactifs aux routes et aux bâtiments) et
du coût de la pollution radioactive endémique…
Dès lors, sur le plan économique
et financier, rien ne dit que la collectivité soit gagnante et sur
le plan industriel elle est complètement perdante. La volonté
politique, qui ne s'est accompagnée d'aucune étude d'impact
sur les conséquences industrielles, financières, économiques
en terme d'emplois nous conduit dans le mur. Le secteur des industries
des énergies renouvelables a crû de 39% aux USA, 23% en Europe,
a doublé en Chine pour l'éolien et plus encore pour le solaire
en 2009. Or, le gouvernement, dans les faits, casse toute capacité
de constitution de filières industrielles françaises. A titre
d'exemple, le fait de détruire, avec une rétroactivité
parfaitement illégale, les projets photovoltaïques au prétexte
qu'ils seraient spéculatifs, rend tout simplement impossible des
progrès rapides de la mise en place d'une électricité
propre et d'un secteur industriel y afférent rendant inutile la
construction des EPR et anéantissant le mythe du nucléaire
comme seule solution au problème énergétique et climatique.
Rappelons qu'en 2009, 37.500 GW d'éolien
ont été installés dans le monde soit l'équivalent
de 23 réacteurs nucléaires dans le monde. Le marché
des turbines a représenté 45 milliards d'euros. La France
pourrait promouvoir une vraie filière du photovoltaïque intégré
au bâti et à nombre d'entrepôts des grands de la distribution
qui veulent jouer le jeu des EnR… en vain.
Le nucléaire n'est pas bon marché,
il n'est pas un avantage économique. Ne devient-il pas une erreur
industrielle historique et un risque majeur pour l'économie française
?
Corinne LEPAGE
Avocate,
ancien Ministre de l'Environnement,
Présidente de Cap21.
1/ Société coopérative de production, dont l’objet
social est la réalisation d’études dans le domaine de l’énergie
et de l’environnement fondée en 1987 par Pierre Radanne, démissionnaire
10 ans plus tard pour entrer au cabinet du ministère de l’aménagement
du territoire et de l’environnement (MATE) avant de devenir Président
de l’Ademe en 1998.