Sur le mur d'une rue passante,
le panneau donne la température, la vitesse du vent et... la radioactivité.
Dans le nord-ouest de la Russie, la péninsule de Kola porte les
stigmates d'une époque, peut-être bientôt révolue,
qui l'a vue devenir la "poubelle nucléaire" de l'ex-URSS.
Lourdement militarisée à cause
de sa proximité immédiate avec l'Otan, cette région
de l'Arctique a hérité d'un legs encombrant après
l'implosion de l'Union soviétique: des sous-marins atomiques en
fin de vie par dizaines et du combustible nucléaire usé dans
des containers pas toujours hermétiques.
Autant de menaces pour l'environnement près
des eaux poissonneuses de la mer de Barents mais aussi d'aubaines pour
trafiquants sans scrupules.
Deux décennies et deux milliards de
dollars -- essentiellement occidentaux -- plus tard, la "poubelle" a meilleure
allure.
"Le plus positif, ou peut-être devrais-je
dire le moins négatif, c'est que la situation est sous contrôle
pour ce qui est de la sûreté nucléaire", dit Sergueï
Javoronkine.
"Ca n'a pas toujours été le
cas", précise ce responsable du Conseil public pour l'utilisation
sûre de l'énergie nucléaire à Mourmansk, le
chef-lieu de la péninsule.
Finies les décharges de déchets
radioactifs en mer qui avaient cours jusqu'au milieu des années
1980. La grosse centaine de submersibles qui rouillaient à quai
ont presque tous été envoyés à la casse.
Isolés, inoccupés et exposés
aux intrus, les phares alimentés par des "générateurs
thermoélectriques radio-isotopiques" (GTR) radioactifs tournent
maintenant à l'énergie solaire.
"La situation a changé dans le bon
sens", admet Alexandre Nikitine, ancien officier de la flotte sous-marine
soviétique arrêté par le FSB (ex-KGB) en 1996 pour
avoir informé l'ONG environnementale norvégienne Bellona
-- pour qui il travaille aujourd'hui -- sur la pollution causée
par les sous-marins.
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"Mais de notre point de vue, il y a
encore des problèmes", ajoute-t-il.
Tout en haut des motifs persistants de préoccupation,
la baie d'Andreïeva abrite 30 tonnes de déchets radioactifs
et du combustible usé des sous-marins et brise-glaces nucléaires,
à quelque 40 km de la frontière norvégienne.
Les 21.000 "crayons" nucléaires, petits
tubes de combusible, stockés sur place dans des citernes et containers
douteux représentent une radioactivité totale de 850.000
térabecquerels. L'équivalent de neuf
Tchernobyl près des rives de la mer de Barents.
Ce sont les mêmes citernes que dans
les années 1980. "Ils ont juste construit un toit au-dessus pour
les protéger de la pluie et une barrière pour tenir les personnes
indésirables à distance", explique Igor Koudrik, un chercheur
de Bellona.
Selon Valery Panteleyev, directeur de SevRao,
l'organisme public chargé du "nettoyage" de la péninsule,
un premier lot de "crayons" a été acheminé par voie
ferroviaire vers l'usine de retraitement de Mayak, dans l'Oural, en juin.
"Le plus facile", selon Igor Koudrik.
"Ils ne savent toujours pas comment vider les citernes".
Autre point noir, le Lepse, un navire de soutien
aux brise-glaces atomiques, attend depuis 20 ans à Mourmansk que
l'on trouve une solution pour sa cargaison de tubes de combustibles, brisés
ou endommagés pour bon nombre et donc difficiles à extraire.
Véritable épave flottante, le
bateau construit en 1936 menace de sombrer.
Bien que les autorités professent officiellement
"la transparence", de nombreux sites restent fermés aux journalistes
étrangers.
A Mourmansk, la radio continue de mentionner
le niveau de radioactivité dans ses bulletins météo
et à la toute proche frontière russo-norvégienne,
des portiques de détection scannent les véhicules pour détecter
d'éventuelles sorties frauduleuses de matières radioactives. |