RESEAU SOL(ID)AIRE DES ENERGIES !
Débat problématique énergétique / effet de serre / climat, etc.
EFFET DE SERRE
Bangkok: le coût de la lutte contre le changement climatique est limité
LE MONDE | 04.05.2007
ADIT

     Pour limiter le réchauffement climatique entre 2 ºC et 2,8º C en 2050, il faudrait plafonner les émissions de gaz à effet de serre avant 2020: c'est ce qui ressort du rapport économique du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), publié à Bangkok, vendredi 4 mai, après quatre jours de discussion. Ce rapport sur "l'atténuation" du changement climatique vient compléter les deux rapports du GIEC dont le premier, en janvier, portait sur l'évaluation scientifique du phénomène, et le second, en février, décrivait son impact sur les pays et les écosystèmes.
     Bouclé durant la nuit dans la capitale thaïlandaise, le texte indique que le coût de la réduction des émissions, dans le scénario visant à limiter le réchauffement entre 2 et 2,8º C en 2050, serait de 0,12% de croissance annuelle du PIB (Produit intérieur brut) mondial. Limiter le réchauffement à ce niveau suppose de stabiliser la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère à une valeur d'environ 500 ppm (parties par millions), alors qu'elle était de 280 ppm avant la révolution industrielle. Pour ne pas dépasser cette fourchette de 440-535 ppm, il faudra réduire les émissions de 30 à 80% en 2050 par rapport à leur niveau actuel.
     Des gains économiques devraient en revanche surgir de cet effort, ainsi "les avantages supplémentaires à court terme pour la santé provenant de la réduction de la pollution résultant des actions réduisant les émissions de gaz à effet de serre peuvent compenser une part substantielle des coûts de l'atténuation".
     Cependant, même si le coût économique apparaît relativement faible, il s'agit d'un renversement radical des trajectoires présentes: comme le souligne le rapport, les émissions de gaz à effet de serre ont crû de 70% entre 1970 et 2004.
     Comment parvenir à inverser la tendance? L'efficacité énergétique "joue un rôle clé dans tous les scénarios", indique le rapport. "Il est souvent plus économique d'investir dans l'amélioration de l'efficacité que dans l'accroissement de l'offre d'énergie". Cela apporte des bénéfices en termes de sécurité énergétique, de réduction de la pollution et de création d'emploi.
     Ensuite, les énergies renouvelables apparaissent comme plus que prometteuses : si le prix du CO2 (gaz carbonique) est fixé à 50 dollars la tonne, l'énergie renouvelable pourrait passer de 18% de l'électricité mondiale actuellement à 35% en 2030. En revanche, l'énergie nucléaire a des perspectives limitées: à un prix de 50 dollars la tonne de CO2, elle passerait de 16% de la fourniture mondiale d'électricité aujourd'hui à 18% en 2030.
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     De surcroît, "la sécurité, la prolifération nucléaire et les déchets subsistent comme des contraintes" encadrant le nucléaire. Enfin, la hausse du prix du pétrole n'aura pas forcément des effets positifs : en effet, elle stimulera l'usage de substituts du pétrole, comme les sables bitumineux ou les huiles lourdes qui ont un contenu plus élevé en carbone.
     Le charbon restera une source d'énergie majeure - alors qu'il est le combustible produisant le plus de gaz carbonique. Le rapport espère que les technologies de captage et séquestration du CO2 pourront limiter les émissions des centrales électriques utilisant la houille.

LA CHINE TRÈS PRÉSENTE
     Les experts relèvent par ailleurs l'importance de l'habitat, dans lequel en 2030, "30% des émissions pourraient être évitées avec un bénéfice économique". Ils notent aussi que l'agriculture peut contribuer à la réduction des émissions à un coût modéré : "Mais il n'existe pas une liste universellement applicable des pratiques d'atténuation" dans le secteur agricole.
     Enfin, il ne faut pas trop compter sur les solutions de "géo-ingénierie", consistant par exemple à ensemencer la mer en fer (pour stimuler la photosynthèse) ou à chercher à capter la lumière solaire dans la haute atmosphère: elles sont "largement spéculatives et non prouvées, avec des risques d'effets secondaires inconnus".
     Si les discussions ont été très actives, elles n'ont pas mené au blocage que plusieurs observateurs appréhendaient. Fait nouveau: la Chine a été très présente dans la négociation. Jusqu'à présent, dans les négociations du GIEC ou du Protocole de Kyoto, elle restait en retrait, observant la dispute entre Europe et Etats-Unis. Son activisme nouveau signale que, dorénavant, la Chine accepte son rôle d'acteur essentiel de la négociation climatique.
     Il est vrai qu'elle ne peut plus se cantonner dans sa dénonciation traditionnelle des pays développés: le chef économiste de l'Agence internationale de l'énergie, Fatih Birol, a indiqué, fin avril, que les émissions de la Chine devraient dépasser celles des Etats-Unis dès cette année, et non vers 2010, comme on le pensait jusqu'à présent. Pékin est maintenant au centre de la scène climatique. Certes, à Bangkok, ses diplomates ont pesé pour empêcher toute mention trop explicite d'un "plafond" nécessaire des émissions. Mais un message inattendu de la réunion est que, dorénavant, la discussion sur le climat est réellement devenue planétaire.

Hervé Kempf