ACTUALITE INTERNATIONALE de L'ENVIRONNEMENT
2004
La nature fout le camp!
    A Kuala Lumpur, la France a pris des engagements fermes. La ministre de lÌEcologie, Roselyne Bachelot, a promis quÌen 2010 lÌextinction de la biodiversité sur le territoire serait stoppée. Le moins quÌon puisse dire est quÌil y a du travail. Car si la situation sÌest à peu près stabilisée en métropole, cÌest loin dÌêtre le cas dans les départements et territoires dÌoutre-mer où se concentrent nos plus grandes richesses. Selon lÌUnion mondiale pour la Nature (UICN), les extinctions dÌespèces y seraient soixante fois plus nombreuses que dans lÌHexagone.
    A elle seule, la Nouvelle-Calédonie, grande comme trois départements, abrite autant dÌespèces qui lui sont propres que toute lÌEurope occidentale. Sur un seul récif de 295 kilomètres carrés, on y trouve plus dÌespèces que dans une Méditerranée cent mille fois plus vaste. Pour combien de temps? Le Caillou figure sur la liste des 25 «points chauds» de la biodiversité définie par la communauté scientifique internationale. LÌextraction du nickel y fait des ravages. Pour recueillir le précieux minerai, il faut en effet dévaster tout le couvert végétal et attaquer la terre à lÌacide sulfurique. Et pour ne rien arranger, deux projets concurrents, lÌun au nord et lÌautre au sud de lÌîle, sont menés de front.
    Autre coin de France en danger, la Guyane, où pousse lÌune des plus belles forêts primaires du monde. Ironie du sort: celle-ci devrait être parfaitement protégée puisquÌelle est tout entière propriété du gouvernement. Or cÌest loin dÌêtre le cas, tant le département ressemble à un Far West sans foi ni loi saisi par la fièvre de lÌor, où lÌon assassine les hommes et la nature. Les exploitations clandestines y font des dommages considérables. Pour extraire lÌor, on détruit le couvert forestier et on envoie environ 50 tonnes de mercure par an dans les rivières. La faune et la flore sont touchées, mais surtout 60% des Indiens Wayanas qui habitent la forêt sont gravement intoxiqués. Il se prépare là-bas, en silence, un scandale sanitaire énorme.
    Dans les îles, lÌarrivée de lÌhomme a été une catastrophe. A la Réunion, les premiers marins qui bivouaquaient sur les plages vers lÌan 1600 se plaignaient de ne pas pouvoir dormir à cause du fracas des carapaces des tortues marines géantes qui sÌaccouplaient. Les tortues géantes ont disparu et les autres ont depuis longtemps pris lÌhabitude de sÌaccoupler ailleurs. On ne les ressuscitera pas, pas plus que le dodo, le râle rouge ou la huppe de Bourbon. Ou, en Nouvelle-Calédonie, le lori à diadème, le râle de Lafresnaye ou lÌegothèle calédonien quÌon nÌa pas revus depuis des années.
    Mais il faudrait à tout prix sauver ce qui reste... et ce nÌest pas gagné. A Mayotte, par exemple, sÌétend lÌun des plus beaux lagons de notre planète, où 17 espèces de cétacés viennent encore sÌébattre. Mais la population humaine y double tous les quatorze ans. Et comme il nÌy a toujours pas de station dÌépuration, 50% du corail est en train de disparaître. Là-bas comme ailleurs, ce nÌest pas à coups de déclarations, même bien intentionnées, quÌon pourra mettre fin dÌici à 2010 à ces désordres mortels pour la biodiversité.
Le Nouvel Obs. en ligne
26 février, No 2051