L'édition 2006 comporte plusieurs
innovations. Pour la première fois, l'IFEN a utilisé une
méthodologie héritée de l'Agence européenne
de l'environnement (AEE), l'organisme d'expertise qui conseille la Commission
européenne.
Elle permet d'étudier les principales pressions
exercées sur l'environnement, leurs effets sur les milieux naturels
et les réactions de la société. Parmi ces pressions
figurent, pour la première fois, "les dynamiques socio-économiques"
et "les ménages", c'est-à-dire l'influence de l'évolution
du mode de vie de la population et des choix quotidiens des consommateurs.
Qui plus est, ils sont placés en tête du rapport.
Ce parti pris illustre l'un des thèmes centraux
du document, résumé par sa coordinatrice, Marie Cugny-Seguin
: "Le pollueur, ce n'est pas l'autre, c'est tout le monde." "Des
résultats réels, même s'ils restent perfectibles, ont
été obtenus dans la lutte contre les sources ponctuelles
de pollution, constate l'IFEN. L'enjeu est maintenant surtout du
côté des sources de pollutions diffuses, celles qui nécessitent
l'adhésion de chacun dans ses choix individuels, pour se déplacer,
consommer, se chauffer, se loger, ou dans les choix collectifs (construire
une société plus sobre en carbone, par exemple)". Il
s'agit de faire face à un "défi urgent": "dissocier
la croissance économique des émissions de gaz à effet
de serre, des pollutions et de la consommation des ressources". Pour
cela, affirme le texte, "des marges de manoeuvre existent. Elles nécessitent
un changement profond des comportements, des technologies, des modes de
vie et de production".
MULTIPLICATION DES DÉPLACEMENTS
Vieillissement de la population, recomposition familiale,
augmentation de la surface des logements, multiplication des déplacements,
accroissement du temps consacré aux loisirs, attraction des régions
littorales : tous ces changements affectent l'environnement. Par exemple,
le volume des déchets produits par an et par habitant, qui atteint
aujourd'hui 360 kg, croît, entre autres, en raison de l'augmentation
de la consommation de produits préparés et emballés
en petites quantités.
Autre évolution significative: pour loger
1.000 personnes, il fallait 323 logements en 1968, 385 logements en 1990,
417 en 1999. A cela s'ajoute une prédilection pour les maisons individuelles
"dictée par des prix immobiliers moins élevés en
périphérie qu'en centre-ville mais aussi par l'attrait de
la campagne". Résultat, la ville s'étale et la dépendance
à l'automobile augmente. On aboutit à "une ville diffuse,
où l'habitat et les axes de communication sont particulièrement
consommateurs d'espace et où il est difficile de développer
des transports collectifs efficaces".
Pour ses déplacements, un périurbain
émet quotidiennement deux à trois fois plus de CO2
qu'un habitant du centre-ville. La mobilité, qui ne cesse d'augmenter,
exerce "de fortes pressions sur l'environnement : pollutions atmosphériques,
gaz à effet de serre, nuisances sonores, sans oublier les pollutions
liées à la construction des véhicules et des infrastructures
de transport, et la fragmentation des espaces naturels". En 2002, 84%
des déplacements étaient effectués en voitures particulières,
contre 81% en 1980. La part des autobus (7%) et des autocars (5%) est "en
baisse constante". En revanche, celle du transport ferroviaire, au plus
bas en 1995, augmente pour approcher les 10% en 2002. Il faut rappeler
toutefois que ce taux était de 11% en 1980. Même les vacances
ne sont pas neutres: elles engendrent par exemple une production de déchets
disproportionnée dans des zones fragiles comme la montagne ou le
littoral...
En plus de ces pressions directes, les consommateurs
"orientent l'ensemble de l'appareil productif par leur choix de consommation".
Consommer des fruits et légumes frais hors saison - dont la production
et le transport demandent des quantités importantes d'énergie
- a des répercussions négatives. L'évolution du régime
alimentaire importe également. "Parcourir 100 km en voiture ou
manger 1 kg de boeuf ou de mouton revient à peu près au même
en ce qui concerne la perturbation climatique", relève par exemple
le rapport. En effet, boeufs et moutons produisent naturellement du méthane,
un puissant gaz à effet de serre.
L'influence des consommateurs peut s'exercer dans
de multiples domaines, mais les nombreuses études effectuées
sur leur comportement soulignent l'existence d'un décalage entre
les intentions et les actes. La sensibilité aux thèmes environnementaux
est élevée. "L'inquiétude très marquée
des Français vis-à-vis de la pollution de l'air et de l'eau
montre que l'environnement devient un sujet de préoccupation d'autant
plus aigu qu'il est perçu par les individus comme une menace potentielle
sur la santé", commente l'IFEN. Selon le baromètre de
l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire,
22% des Français placent la dégradation de l'environnement
en tête des sujets qui les préoccupent. Ce thème est
néanmoins devancé par le chômage, l'insécurité
et l'exclusion. La protection de l'environnement est donc devenue "consensuelle".
Dans le même temps, les Français semblent
accepter difficilement la modification de leurs modes de vie. Ils ne sont
pas prêts à payer plus cher pour des produits "verts", alors
que 55% se disent prêts à payer plus pour des produits censés
améliorer la santé. La gestion des déchets par le
tri sélectif est le seul domaine dans lequel les citoyens pensent
avoir un rôle à jouer. Mais ils considèrent que c'est
à l'Etat de lutter, par exemple contre la pollution de l'air. "La
voiture illustre bien les tensions qui existent entre notre conscience
des enjeux environnementaux et nos comportements", constate le rapport.
L'exemple de la voiture montre bien, selon l'IFEN,
que le changement des comportements en matière d'environnement "ne
peut se résumer à la sensibilisation de la population". Car
le choix des consommateurs est contraint, par exemple par les prix, l'offre
de transports en commun, etc. L'enjeu pour les pouvoirs publics est donc,
concluent les experts, de créer les conditions de la transformation
des pratiques.
http://www.ifen.fr/
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suite:
La France prône des "petits gestes" pour réduire
la pollution
L'Express
Afin de lutter contre la dégradation
de l'environnement en France, la ministre de l'Ecologie a prôné
"les petits gestes" et milité pour un changement des comportements.
"Il n'y a pas de petits gestes quand on est 60
millions à le faire!", a déclaré Nelly Olin lors
des questions d'actualité à l'Assemblée nationale.
Au lendemain de la diffusion d'un rapport de l'Institut
français de l'environnement (Ifen) qualifiant "d'inquiétant"
la qualité de l'air et de l'eau dans l'Hexagone, Nelly Olin a estimé
qu'il n'était pas trop tard pour y remédier.
"Il n'est pas trop tard pour agir et sans bouleverser
la vie quotidienne de nos concitoyens, il est possible de modifier notre
comportement", a-t-elle dit.
"Ne pas laisser les appareils électriques
en veille. C'est 10% d'économie d'énergie", a souligné
la ministre, invitant les Français à bien fermer leurs robinets,
éteindre leurs lumières ou encore réduire leur chauffage
en quittant leur domicile.
"Conclure que tout passe
par les gestes simples c'est une vaste supercherie", a rétorqué
le directeur adjoint de l'association de défense des consommateurs,
UFC
Que Choisir.
"Il y a une prise de conscience pour l'écologie
: on parle beaucoup de micros démarches, mais les pouvoirs publics
ne s'intéressent aucunement aux leviers qui comptent", a dit
à Reuters François Carlier.
Il a par exemple critiqué l'absence de décision
politique en matière de transports routiers, l'un des secteurs les
plus polluants, dont l'activité a été multipliée
par 2,3 en 20 ans au détriment du train.
"Avec la hausse des prix du carburant, les particuliers
sont prêts à prendre les transports en commun. Mais il n'y
a pas d'efforts d'investissements de la part des pouvoirs publics",
a-t-il regretté.
La France plutôt moyenne en environnement
LIBERATION.FR
Si la pollution tend à diminuer,
le grignotage des espaces naturels s'accélère, souligne un
rapport de l'Institut français de l'environnement.
Par Alexandra Schwartzbrod
Elève discipliné mais peut mieux faire.
C'est en substance le jugement porté par l'Institut français
de l'Environnement (Ifen) sur le comportement de la France en matière
de protection de la nature. Dans son quatrième rapport, rendu public
mardi matin par la Ministre de l'Ecologie, Nelly Olin, l'Ifen passe au
crible l'état des milieux et des territoires, les impacts subis
par la société et les réponses apportées par
celle-ci. Et les conclusions sont en demi-teinte.
Un bon point d'abord. «Globalement
les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont à
peu près stables: elles sont inférieures aux objectifs du
protocole de Kyoto depuis 2000», note l'Ifen. Premier émetteur
de GES, les transports semblent être en train de stabiliser leurs
émissions grâce à une réduction globale de la
consommation de carburants liée à la hausse des prix du pétrole,
à la baisse de la consommation moyenne des véhicules et à
la limitation des vitesses. Mais de gros progrés restent à
faire dans le domaine de l'habitat dont les émissions ne cessent
d'augmenter.
La qualité de l'air des grandes et
moyennes agglomérations s'est améliorée ces quatre
dernières années grâce au renouvellement du parc automobilet
et à la généralisation du pot catalytique mais les
pollutions liées aux transports restent préoccupantes. «Les
concentrations de particules fines (les plus dangereuses pour la santé)
et celles d'oxydes d'azote, ainsi que les composés organiques volatiles
(tous deux précurseurs de l'ozone) demeurent élevées
dans l'air des agglomérations à proximité des axes
de circulation », estime l'Ifen.
Côté industrie, les progrès
technologiques semblent avoir sérieusement contribué à
limiter les rejets dans l'atmosphère. Une évolution est également
perceptible dans le domaine de l'agriculture où la perception des
risques liés aux nitrates est beaucoup plus forte. «Mais
cette amélioration ne s'est pas encore répercutée
dans les eaux souterraines», note l'Ifen. Par ailleurs, «les
pesticides restent présents dans la plupart des cours d'eau et dans
une grande partie des nappes».
Le mauvais point, c'est le «grignotage»
des espaces naturels et la perte de biodiversité qui en découle.
«Chaque année, 60.000 hectares, pour l'essentiel des terres
agricoles, sont grignotées par l'artificialisation (lotissements,
routes, zones d'activité...), s'inquiète l'Ifen. L'urbanisation
gagne l'arrière-pays littoral et le paysage se mite aux abords des
agglomérations.» Résultat, des espèces animales
et végétales sont menacées. «Les populations
d'oiseaux communs du milieu agricole ont reculé de 27% ces quinze
dernières années, des stocks de poissons sont en danger du
fait des prélèvements...»
Autre inquiétude, l'apparition de «nouveaux
polluants»: présence de produits phytosanitaires dans
l'air en limite des eaux urbaines, contamination des eaux continentales
par de nouveaux micro-polluants provenant des stations d'épuration
des agglomération (médicaments, cosmétiques...) ou
de rejets industriels (dioxine...).
Les Français en font-ils assez pour éviter
la dégradation de leur environnement? Non, répond l'Ifen
qui souligne que les pratiques quotidiennes restent en décalage
avec la fibre environnementale nationale. Quelques chiffres le montrent:
un Français produit encore chaque année 353 kilos de déchets,
un chiffre qui a le mérite de ne pas augmenter mais qui ne baisse
pas malgré les campagnes de sensibilisation. Par ailleurs, les quatre
cinquièmes des déplacements s'effectuent toujours en voiture
particulière, la part des transports en commun étant en baisse.
Une conclusion qui semble très opportunément
valider la dernière campagne du gouvernement sur le thème
«il n'y a pas de petits gestes quand on est 60 millions à
le faire»: une recommandation qui ne peut pas faire de mal mais
qui aurait davantage de poids si les moyens financiers accordé au
ministère de l'Ecologie étaient à la hauteur des enjeux. |