Depuis une dizaine d'années environ, on assiste,
partout dans le monde, à un regain d'intérêt en faveur
des piles à combustible. Aux États-Unis et au Japon, certaines
filières arrivent même au stade de la précommercialisation.
EDF pour sa part, après une phase de veille technologique reprise
en 1990, a décidé, en septembre 1994, d'engager une évaluation
plus active de différente filières. Pourquoi ce regain
d'intérêt? Et d'abord, comment fonctionnent les piles à
combustible? Est-il imaginable qu'un nombre croissant de consommateurs
soient alimentés en chaleur et en électricité de façon
autonome, par une pile utilisant par exemple du gaz naturel? Les piles,
parmi d'autres sources décentralisées, peuvent-elles coexister
avec l'organisation actuelle des réseaux? C'est à
ces questions que tente de répondre cet article, en expliquant dans
un premier temps le fonctionnement d'une pile, et en discutant ensuite
les conséquences que pourrait avoir l'introduction des piles sur
l'organisation du système électrique.
Pandore, c'était la Première Femme.
Son beau-frère, Prométhée, celui qui réfléchit
avant, s'était déjà fait remarquer tandis que l'Olympe
se réservait l'usage du feu du ciel, électrique celui-là,
il avait transmis aux hommes les secrets du feu ordinaire. Pandore, elle,
s'est signalée en ouvrant par curiosité la jarre où
Prométhée avait enfermé tous les maux de la Terre...
A quoi jouent donc les ingénieurs d'EDF qui, après une parenthèse
de vingt ans, reprennent l'étude des piles à combustible?
En veulent-ils à la solidarité du réseau en aidant
à développer des moyens qui pourraient signifier «à
chacun son énergie», ou bien veulent-ils l'encombrer à
l'étouffer de petites sources sans nombre et sans contrôle
possible? Ne vont-ils pas, comme Pandore, ouvrir la jarre? La curiosité
sera-t-elle donc toujours un vilain défaut et puis, de toutes façons,
la croyance dans les mirobolantes promesses techniques des piles ne relève-t-elle
pas du mythe?
Le feu ordinaire produit de la chaleur car on laisse
les électrons s'agiter en désordre au sein des atomes qui
réagissent chimiquement. Dans une pile, on leur impose de se laisser
conduire sagement à travers un circuit électrique, pendant
qu'on transfère le reste de la matière sous forme ionisée
à travers un électrolyte. On a là un moyen de produire
de l'électricité sans machine thermodynamique et en évitant
le sempiternel rendement de Carnot. Faute d'effort et de continuité,
l'objet restera-t-il l'apanage des dieux et voué seulement aux oeuvres
de la curiosité scientifique?
Comment ça marche?
On part de deux produits comme l'hydrogène
et l'oxygène, ou l'oxyde de carbone et l'oxygène capables
de réagir entre eux en libérant une énergie importante.
On place entre deux électrodes conductrices électroniques
un électrolyte, milieu ne conduisant pas les électrons, mais
capable d'assurer sous forme de matière ionisée, c'est-à-dire
chargée électriquement, le transfert d'un des produits de
réaction. Au lieu d'engendrer de la chaleur comme dans une réaction
chimique directe plus ou moins irréversible, on procède en
deux temps: chacun des produits est amené à l'interface entre
l'électrolyte et une électrode; l'un est chargé positivement
ou négativement, en échangeant des électrons avec
une première électrode; ainsi chargé, il est transféré
directement ou indirectement sous forme d'ions à travers l'électrolyte
et il rencontre à l'autre interface le deuxième produit,
intervient alors une réaction électrochimique d'oxydation
du combustible accompagnée de l'échange d'électrons
inverse de celui de la première électrode. Ainsi, l'énergie
potentielle de la réaction globale se transforme, via un transfert
d'électrons à travers un circuit extérieur, directement
en tension et courant continus, qu'on peut ensuite convertir en courant
alternatif dans une interface électronique. Processus bien sûr
imparfait dans la mesure où la conception et l'optimisation d'une
pile impliquent:
- que l'on favorise la vitesse des réactions aux interfaces
grâce à un catalyseur plus ou moins précieux afin d'éviter
qu'une polarisation électrique contraire ne bloque les réactions;
- que l'on minimise les pertes par résistance interne qui se
manifestent par un échauffement de l'électrolyte et des électrodes,
et qui engendrent la chaleur récupérable;
- que l'on traite parfois le combustible avant son introduction dans
la pile (on dit le «reformer») pour le transformer en produits
plus simples à utiliser (H2, CO) et qu'on le gère dans la
pile pour réduire les imbrûlés.
Les piles en développement utilisent toutes, côté électrode positive, l'oxygène de l'air. Il faut donc une électrode à air, en général constituée d'un matériau poreux, mais conducteur électronique, assurant le contact triple du gaz, des ions arrivant ou partant dans l'électrolyte et des électrons arrivant du circuit. Cette triple fonctionnalité est un des points les plus délicats du fonctionnement des piles. La technologie de réalisation des électrodes doit permettre à cette fonction de trouver le maximum possible de sites de réaction dans un minimum de volume et de surface d'accès. Et c'est bien sûr là que doit agir le catalyseur.
Les électrolytes donnent leur nom (anglais) aux filières. Dans les deux premières on conduit des ions H+ vers la positive, où se forme de l'eau:
membrane électrolyte en polymère fluoré (polymère
électrolyte membrane fuel cell ou PEMFC, de 80 à 120 oC,
catalyseur platine); fonctionne à l'hydrogène très
pur; filière compacte, étudiée surtout pour la traction
électrique;
acide phosphorique (phosphoric acid fuel cell ou PAFC, 200 oC, catalyseur
platine); l'hydrogène utilisé peut être un peu moins
pur; moins compacte, en général utilisée en cogénération.
Dans les deux suivantes, on véhicule de deux manières
l'oxygène vers la négative, pour y former de l'eau ou du
gaz carbonique avec l'hydrogène ou le carbone provenant du combustible:
carbonates fondus (molten rarbonate fuel cell ou MCFC, 650 oC, plus
de catalyseur précieux); ce sont les ions C03- qui véhiculent
l'oxygène; combustibles carbonés acceptés, notamment
le CO; filière pas très compacte, mais le rendement électrique
dépasse les 50%; en cogénération, une chaleur de bonne
qualité (de 300 à 400 oC) est produite et permet d'envisager,
selon la taille, des cycles combinés de rendement supérieur
à 60%;
oxyde solide type zircone (solid oxyde fuel cell ou SOFC, de 800 à
1000 oC, véhiculant des ions O2- qui rencontrent à la négative
hydrogène ou oxyde de carbone, reformage et catalyse étant
alors plus aisés; compacité en net progrès, rendement
électrique supérieur à 55%; rendement en cycle combiné
jusqu'à 65% voire 70%.
Côté combustible, on peut utiliser de l'hydrogène
provenant éventuellement du reformage d'hydrocarbures (méthanol,
naphta, fiouls légers, gaz naturel, dans l'ordre croissant de difficulté).
Si le combustible contient de l'oxyde de carbone (gaz de reformage, gaz
de décharge ou ex-biomasse, gaz de synthèse ex-charbon, etc...),
et que la filière ne peut l'accepter directement (le CO est un «poison»
pour les catalyseurs précieux), on a recours à la réaction
de substitution CO + H20 => CO2 +H2
Que s'est-il passé dans le domaine
Depuis le milieu des années 80, le développement des
diverses filières a pris un nouvel élan dans le monde, au
point qu'un nombre croissant d'acteurs économiques, fournisseurs
d'énergie, fabricant de matériel de production, grands chimistes,
organismes de recherche et développement se sont impliqués
dans des stratégies de développement industriel ou d'utilisation;
l'Europe, les Etats-Unis et le Japon dépensent chacun en recherche
et développement de 300 à 500 millions de francs par an.
Le Japon projette d'installer, d'ici l'an 2000 2GW de piles PAFC, qui sont
au stade des séries précommerciales au niveau 200 kWé;
une pile prototype de 5 MWé fonctionne à Amagasaki, une autre
de 1 MWé à Milan; à Santa Clara en Californie, une
pile MCFC de 2 MWé a commencé ses essais.
La pile à combustible, inventée par W. Grove en 1889, a fait l'objet de recherches importantes dans les années 60, en particulier pour l'espace. Mais les durées de vie restaient bien en deçà de mille heures. On obtient aujourd'hui, selon les filières de 2000 à 15 000 heures, ce qui constitue un progrès très significatif; on n'atteint pourtant pas encore les seuils souhaités pour une production d'électricité sur période longue (de 25 000 à 50'000 heures pour le coeur de pile, qui doit pouvoir être remplacé indépendamment des auxiliaires, par exemple tous les cinq à dix ans) et des travaux importants sont encours. Dans le même temps les densités de courant sur les électrodes gagnaient un facteur 5 à 10 augurant d'une bien meilleure compacité et d'un coût accessible à terme.
La Direction des études et recherches (DER/EDF) a lancé en 1990 une action de veille technologique qui a alimenté la décision du comité technique d'EDF de septembre 1994; il est temps de reprendre à EDF une évaluation active et ouverte des piles, des facteurs limitants et des services auxquels elles pourront être associées; cela pourra passer par le codéveloppement dans le cas des filière «haute température» perçues comme les plus prometteuses.
Cette action est amorcée par le Groupe «Moyens électrochimiques de stockage et de production d'énergie» au Laboratoire DER des Renardières et des partenariats ont été établis, notamment avec le projet Européen Joule mené par Siemens, avec la participation de GEC Alsthom.
Les qualités qu'on prête aux piles...
L'originalité du processus de production par pile à partir
de dif-férents combustibles peut se résumer en trois points:
cogénération de chaleur et d'électricité;
celle-ci est très souvent envisagée (à des températures
différentes selon les filières) avec une implantation près
du lieu de consommation, facilitant la distribution de chaleur;
haut rendement global de production directe d'électricité
- typiquement de 40 à 55% selon la filière - même pour
des modules de petite taille et même à charge réduite;
très faibles rejets toxiques du type CO ou NO x, environ 20
à 50 fois inférieurs à ceux d'une TAC (turbine à
combustion) actuelle équivalente, par exemple; d'où installation
près des lieux de consommation d'autant que la pile, sans pièces
mobiles est peu bruyante en soi.
et celles qu'il faudra vérifier
On peut dire toutes, mais plus particulièrement:
l'évolution vers un coût d'investissement égal
ou inférieur à 5 000 F/kWé, qui constitue un objectif
souvent avancé; à cet égard le caractère bidimensionnel
des interfaces et la difficulté de réaliser des empilements
de cellules à tension élevée doivent conduire à
priori à des économies au moins autant par effet de série
sur des modules, que par effet de taille et donc à des réalisations
modulaires:
la vitesse de variation de charge, la constance du rendement avec la
charge (de 20 à 90% de la puissance nominale ?) et la possibilité
de surpuissance temporaire;
le rendement total en cogénération (jusqu'à 85%),
dans le cas des piles à haute température, quel cycle combiné
est envisageable à quel niveau de puissance?
et surtout, la durée de vie du coeur, supérieure à
20 000 ou 30 000 heures; plus généralement un coût
de maintenance raisonnable.
Scénarios d'introduction
Il s'agit de produire a un prix assez compétitif de l'électricité
BT ou HTA. voire en courant continu et de la chaleur, près du consommateur.
Dans l'ordre décroissant de probabilité d'apparition, on
peut citer les cas d'applications suivants:
1) en cogénération de la centaine de kWé à
quelques MWé, des sites tertiaires alimentés en gaz (grands
hôtels, hôpitaux, complexes commerciaux, ensembles de bureaux)
les PAFC, d'un rendement électrique moyen mais déjà
en cours de commercialisation pour la cogénération, viendront
d'abord, suivies des MCFC au rendement supérieur, après l'an
2000. La chaleur produite hors saison de chauffe peut être commuée
en froid par des machines à absorption (Japon);
2) en réseau isolé collectif petites îles, villages
ou petites villes, par exemple dans les DOM, sites de montagne, villes
enclavées... La valorisation de la chaleur, soit directe, soit pour
la production de froid, est à examiner cas par cas. Le foisonnement
des charges doit être suffisant pour assurer une utilisation assez
continue de la pile. Les filières MCFC d'ici 10 ans, SOFC ensuite
seraient les plus appropriées par leur capacité à
accepter les combustibles disponibles sur le terrain gaz naturel, gaz de
décharge ou biogaz, gaz de charbon, flouls légers divers.
La modularité des piles et leur haut rendement dès les petites
tailles permettraient une extension progressive de la puissance installée
au fur et à mesure de l'accroissement de la demande et une incidence
réduite des indisponibilités fortuites.
3) en réseau interconnecté (postes-sources par exemple) des unités de puissance moyenne (quelques MWé à quelques dizaines de MWé) pourraient être implantées au sein même d'une zone de consommation; la chaleur produite pourrait desservir des besoins industriels ou un réseau local. Pour une implantation décentralisée, une «économie de développement réseau» (report d'investissements de desserte du poste-source, économies sur réseaux en amont, bilan de coûts de défaillance et pertes) est à prendre d'autant plus en considération que les conditions locales conduiraient à des renforcements par liaisons enterrées, de grande longueur ou de coût élevé et que le caractère N-modulaire des piles tend à assurer la disponibilité de N-1 modules. L'usage industriel direct de courant continu et de chaleur de process avec les piles MCFC et SOFC à haute température, est à considérer.
4) en réseaux insulaires, souvent «hors gaz», à
partir de méthanol ou de fiouls légers, aux mêmes échelles
que dans le cas précédent; selon les lieux, le désir
d'adaptation à des combustibles divers et de valorisation de l'électricité
poussera vers les MCFC et SOFC à haute température en raison
de leur haut rendement électrique et de leur tolérance aux
combustibles carbonés; la prédominance du besoin de chaleur
poussera vers les PAFC aux performances électriques plus modestes,
si leur encombrement est acceptable dans le contexte d'utilisation et si
l'on dispose d'un système de reformage/épuration de combustible
suffisamment efficace.
Des scénarios où des piles réversibles interviendraient
dans un recours à grande échelle au vecteur hydrogène
n'ont de vraisemblance que dans un contexte de forte hausse des hydrocarbures.
L'utilisation de piles de petite taille pour des charges domestiques (faibles durées d'appel) ne peut se concevoir qu'avec une revente très majoritaire au réseau de l'électricité produite, notamment lors des appels de pointe et à condition de satisfaire par la cogénération de chaleur les besoins locaux de chauffage.
Menaces ou opportunités?
Ayant entrepris de vérifier la vraisemblance technique de tels
scénarios, qui d'ailleurs s'interpénètrent, EDF peut
leur opposer des objections classiques; il faudra bien recourir au réseau
en cas de panne; les sources de petite taille ne rendent pas à ce
dernier des services comparables à ceux d'unités de grande
taille; à quoi bon réduire les impacts du développement
du réseau électrique si c'est pour accroître ceux du
réseau gaz ?.... Mais il faut aussi apprécier les chances
de développement ou de promotion de telles sources, dès lors
qu'elles pourraient être maîtrisées pratiquement par
l'usager lui-même; et pour cela, évaluer les services qu'elles
sont à même de rendre en complémentarité du
réseau, au-delà de la cogénération:
compensation d'harmoniques et d'énergie réactive à
travers la conversion électronique;
desserte à fréquence adaptée à un besoin
particulier; ou même directement en courant continu pour des applications
électroniques ou électrochimiques, par exemples..
souplesse et vitesse de réglage, grâce encore au convertisseur;
effet «qualité» sur la distribution locale de courant;
soutien local de tension; capacité de black start éventuelle,
ou de fonctionnement en réseau isolé.
L'utilisation de piles en totale autarcie est envisageable, mais correspond
à des cas spécifiques. L'image de la pile fournissant une
autonomie complète à l'utilisateur domestique individuel
n'a guère de fondement économique et la question de l'interface
et de l'interaction avec le réseau se pose en général.
En cas de succès des piles, c'est d'abord une plus grande valeur
ajoutée qui est conférée à la cogénération
par leur rendement électrique élevé; son développement
connaît surtout une accélération à une échelle
inhabituelle, puisque des unités de taille petite ou moyenne peuvent
être installées au plus près de l'utilisateur et que
la chaleur peut aisément être utilisée sur place. La
cogénération a alors davantage de chances de constituer un
service électricité - chaleur intégré sans
interposition de tiers entre le gestionnaire de la pile et le consommateur.
Ce mouvement peut d'autant mieux prendre corps que le caractère
modulaire de ces unités permet une mobilisation progressive et prudente
des ressources de combustibles comme le gaz naturel, sensible à
la fois du point de vue de l'équilibre de son réseau et de
la volatilité de ses prix. Il y a là, à l'évidence,
un terrain d'échanges privilégiés avec Gaz de France,
qui sont d'ailleurs amorcés par un protocole de collaboration entre
les directions de la recherche de Gaz de France (DR) et d'Électricité
de France (DER).
C'est aussi le problème de la coordination d'ensembles de sources
décentralisées de taille petite ou moyenne qui se pose. Ici,
le savoir-faire d'EDF peut s'avérer déterminant, s'il est
mobilisé à temps pour assurer une bonne coexistence de ces
sources à travers les réseaux BT ou RTA (foisonnements de
charges, échanges d'énergie, secours mutuel); les échanges
avec le réseau amont seraient régis, non pas au niveau de
chaque source, mais par grappes de sources locales, auxquelles les centres
de conduite transmettraient des besoins globaux, laissant au niveau local
le soin de régler les échanges locaux; les progrès
des systèmes de contrôle distribués et de communications
doivent permettre aujourd'hui de faire face dans de bonnes conditions à
un tel besoin. Encore faut-il l'anticiper suffisamment pour assurer en
bonne place la prestation du service correspondant. Car il s'agit bien
là d'un service nouveau qu'EDF pourrait assurer, celui d'opérateur
de systèmes intégrés décentralisés de
production/distribution; un opérateur garantissant la possibilité
d'accès à des services énergétiques diversifiés
où sa légitimité d'intervention n'est pas contestée.
EDF peut s'imposer dans ce contexte si elle fait valoir une expertise d'ensemblier spécialisé, maîtrisant la coordination entre les sources, et, ensuite sa compétence d'électricien; mais, à service nouveau, métiers nouveaux (difficiles à cerner aujourd'hui) qu'il faudra développer, tâche pour laquelle l'établissement pourra souhaiter s'associer à des sociétés de services ou à des établissements publics locaux, par exemple, allant jusqu'à offrir un service d'exploitation spécialisé.
Imaginons un quartier dont certains immeubles sont munis de piles à gaz pour leur chauffage et celui d'immeubles voisins; un réseau local à courant continu connecte directement les piles; un convertisseur électronique commun associe l'interface avec le réseau électrique général. Un poste de contrôle local est relié au plus proche bureau de conduite. Le lecteur pourra, à titre de réflexion prospective se poser les questions suivantes: à qui appartiennent les piles, le réseau local à courant continu, le convertisseur, les réseaux de chaleur? Qui les gère et comment ? Qui vend la chaleur, le courant continu (pour applications électroniques par exemple)? Qui gère le contrôle local ? Plusieurs réponses sont possibles mais EDF peut ambitionner de tenir sa place dans chaque cas et d'y apporter son expérience de service public.
Dans ce sens, les piles pourraient devenir, au siècle prochain, un des moyens d'une politique de partenariat avec les collectivités locales. Dans la mesure où celles-ci affichent une volonté de faire de la construction d'une politique énergétique locale un instrument de développement territorial, certaines voudront à n'en pas douter inscrire leur action, non plus seulement dans le domaine de l'énergie à courte portée qu'est la chaleur, mais aussi dans celui de l'énergie à plus longue portée et plus forte valeur ajoutée qu'est l'électricité.
Conclusion provisoire en avenir incertain
Il n'est pas certain que les piles à combustible tiennent entièrement
leurs promesses - elles se heurteront en tout cas à la forte concurrence
des moteurs et turbines divers qui progressent, eux aussi - et qu'elles
ne comportent aucun risque pour le distributeur qu'est EDF, surtout si
leur introduction avait lieu sans un minimum de cohérence. Mais
les bienfaits d'une réflexion élargie sur le rôle que
de telles sources pourraient jouer dans les réseaux de distribution
ou en dehors, sur les services nouveaux associés et les attentes
de la clientèle et des partenaires locaux ne fait guère de
doute. Il s'agit de préparer l'avenir en devenant «accoucheurs»
de systèmes électriques nouveaux et en travaillant à
les rendre compatibles entre eux et avec les missions de service public.
L'adéquation du service global fera de plus en plus partie du cahier des charges. Et le besoin d'électricité sera peut-être moins uniforme: à l'avenir il faudra assurer des dessertes locales à fréquence variable, à qualité de tension adaptée.. .A condition d'anticiper, les piles peuvent devenir un outil fécond d'élargissement des métiers et services d'EDF autour de son produit principal.
Au fond de la jarre de Pandore, Prométhée, le pré-voyant,
avait placé une autre boîte; elle contenait l'espérance.