Actu-Environnement.com - 29/09/2010
Faible association des pays du Nord de l'Afrique, multitude d'obstacles techniques, surcoût économique... Destiné à valoriser et exporter l'énergie solaire du Sahara, le projet Desertec n'est pas des plus pertinents selon Maïté Jauréguy-Naudin, coordinatrice du programme Energie à l'Institut français des relations internationales (Ifri). L'Algérie aurait récemment annoncé son intention
de quitter le projet Desertec. Cette décision est-elle de nature
à le remettre en cause?
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Que pensez-vous de la faisabilité technique du projet? Nous n'avons que peu de retour d'expérience. Le Congressional research service (CRS), organisme de recherche du Congrès américain, a publié en juin 2009 un rapport s'inquiétant des besoins en eau des centrales solaires à concentration installées dans le sud-ouest des Etats-Unis. C'est cette technologie qui doit être utilisée dans le cadre de Desertec. Si l'arbitrage des ressources en eau se pose aux Etats-Unis, il sera d'autant plus crucial dans le Sahara. Certes, des améliorations limitant l'usage de l'eau existent mais au détriment du rendement électrique. Sans parler de la capacité de résistance de ces installations en environnement hostile: qui sera en charge de leur entretien, leur maintenance? Que faire en cas de tempêtes de sable? Ensuite, construire de nouvelles capacités n'a de sens que si l'on peut acheminer l'électricité produite. Or, il n'existe qu'une seule interconnexion entre le Maroc et l'Espagne. D'autres interconnexions sud-nord sont à construire, vers l'Italie, vers l'Espagne... Il faut ensuite que ce nouvel apport d'électricité soit transportable au sein de l'Union européenne. Or, nous bloquons déjà sur ce point. Les Espagnols doivent régulièrement couper leur production éolienne faute de débouchés sur le réseau. L'an passé, 10% de l'énergie éolienne italienne n'a pu être utilisée car le réseau n'était pas en mesure de l'absorber. Je rappelle que nous avons mis douze années pour doubler la capacité d'interconnexion entre la France et l'Espagne. Le projet initial a été profondément modifié et déplacé des Pyrénées Atlantiques vers les Pyrénées Orientales pour permettre l'enfouissement de la ligne. Cela a entrainé une augmentation de coût et des retards importants. Pour l'anecdote, le bulletin officiel indique que le gouvernement français s'engage à ne plus entreprendre de tels projets dans cette région ce qui laisse présager des futures complications lorsqu'il s'agira d'enterrer des lignes haute-tension dans des régions montagneuses. Le problème n'est pas seulement technique, mais aussi réglementaire, et d'acceptation. Vous pensez que l'opinion publique ne suivra pas? D'un côté, l'opinion publique est sensible à la protection de l'environnement et très favorable au développement des énergies renouvelables. Les politiciens surfent du reste sur l'engouement pour ces nouvelles formes d'énergie. Mais le soutien pour les énergies vertes a un coût qui ne manquera pas de peser sur le consommateur européen. L'électricité danoise et allemande sont parmi les plus chères d'Europe. Le soutien de ces grands projets ne fera qu'ajouter au fardeau européen. Les tarifs d'achat pour le photovoltaïque, l'éolien onshore et offshore mis en place dans l'Union européenne sont déjà largement supérieurs aux prix de marché. Un tarif d'achat ''Desertec'' serait forcément encore supérieur... Il me semble qu'il y a mieux à faire d'un point de vue économique et climatique en mettant l'accent en Europe sur la maîtrise de la demande et l'amélioration de l'efficacité énergétique - pensez à ce qui pourrait être entrepris en matière d'économies d'énergie, sur le sol européen, avec 400 milliards €! Votre opinion est-elle isolée? De nombreux chercheurs et industriels sont sceptiques quant à la faisabilité et à l'efficacité de ce projet. Il semble que Desertec relève davantage de la stratégie industrielle que de la politique climatique. On peut espérer cependant que l'effet d'annonce entraîne la réalisation de petits projets, même si in fine ils ne sont pas à la hauteur des objectifs avancés. Etonnamment, Desertec n'apparaissait pas dans un projet du plan d'orientation énergétique que doit prochainement publier le gouvernement allemand. Après l'avoir soutenu, il semble que le gouvernement allemand ne souhaite pas recourir à des tarifs d'achat pour aider au développement du projet. |