En France, le charbon est passé en arrière
plan
Entre 1973 et 2005, la consommation nationale de
charbon a été divisée par deux. Cette baisse est due
à la chute de la consommation de la sidérurgie, de l'industrie,
du secteur résidentiel-tertiaire. De plus, les besoins croissants
en électricité ont été satisfaits par le choix
de l'énergie nucléaire. Néanmoins, la production d'électricité
représente aujourd'hui la moitié de la consommation de charbon.
Quant à la production de charbon, elle a régulièrement
diminué depuis 1958. En 1994, les mines françaises n'étant
plus compétitives, les pouvoirs publics décident l'arrêt
progressif de l'extraction. Le puits lorrain de La Houve est le dernier
à fermer, en avril 2004. Une grande page semble tournée.
Parallèlement à l'arrêt progressif
de la production, les importations ont augmenté, passant de 16,5
en 1973 à 21,5 millions t/an en 2001. En 1973, l'Allemagne fournissait
plus de la moitié du charbon importé en France. Aujourd'hui,
les principaux fournisseurs sont l'Australie et l'Afrique du Sud.
Cette situation n'est pas propre à la France:
en Belgique, l'extraction s'est arrêtée dès 1992 ;
en Angleterre on ne compte plus que 7 mines en activité. La production
du Royaume-Uni est passée, entre 1973 et 2001, de 130 à 32
millions t/an. Parmi les pays de l'Union Européenne, seules la Pologne
et l'Allemagne possèdent encore une production importante. Aujourd'hui,
le charbon n'est plus que la troisième source d'énergie fossile
utilisée en Europe, après avoir été historiquement
la première.
Un récent retournement de tendance pour la production de charbon
en France et en Angleterre
La France et l'Angleterre, qui comptent parmi les
plus vieux pays industriels, ont par le passé basé leur économie
sur l'exploitation massive de leurs réserves de charbon. Le changement
de tendance actuel est, de ce point de vue, très symbolique.
En France, la demande intérieure d'énergie
primaire, exprimée en millions de tep, en année mobile arrêtée
fin août 2006 et après correction climatique, est en légère
hausse, la hausse la plus importante étant constatée pour
le charbon. Cette augmentation s'explique par le redressement de la sidérurgie
et le recours aux centrales thermiques. Tout récemment est apparue
la possibilité de relancer la production de charbon en France. Ce
renouveau pourrait passer par la Nièvre, où se trouve un
gisement de 250 millions de tonnes. Le projet, annoncé le 12 août,
prévoit également la construction d'une centrale thermique
de 1.000 MW.
En Angleterre, la mine de charbon de Hatfield, ouverte
en 1908 et fermée en 2004, est en train de renaître. Elle
devrait être à nouveau exploitée à partir du
printemps 2007. Le gisement, d'excellente qualité, assurera quarante
ans de production, au rythme annuel initial de 2,5 millions de tonnes.
Le charbon produit servira essentiellement à la production d'électricité.
Rappelons qu'actuellement la Grande-Bretagne importe plus de charbon qu'elle
n'en extrait. Pendant 20 ans la Grande-Bretagne fut autosuffisante en énergie
grâce au pétrole et au gaz de la mer du Nord. Du fait de l'épuisement
rapide de ces deux ressources, le pays découvre maintenant la dépendance
énergétique.
Au niveau mondial, le charbon est resté une ressource primordiale
Le cas de l'Europe est particulier, car les pays
en fort développement n'ont pas pu se permettre de privilégier
des énergies moins polluantes, comme le gaz naturel ou le nucléaire.
En 1973, l'Europe occupait une place importante dans l'extraction du charbon
avec 21% de la production mondiale réalisée par les pays
de l'OCDE. Les autres gros producteurs de l'époque étaient
les Etats-Unis, la Russie et la Chine. En 2001, les pays de l'OCDE ne réalisent
plus que 5% de la production mondiale. Pendant la même période,
la production mondiale a augmenté de 70%, portée notamment
par les productions de la Chine (multipliée par trois) et des Etats-Unis
(+80%).
La consommation de charbon suit à peu près
la même évolution. Seules l'Europe et l'ex-URSS ont vu leur
consommation décroître entre 1973 et 2001. L'augmentation
la plus forte est à nouveau celle de la Chine, dont la consommation
est multipliée par trois. |
Un engouement qui peut se ressentir sur les prix
Depuis cinq ans, le charbon a le vent en poupe :
entre 2001 et 2004, la consommation mondiale a bondi de 23% (selon l'AIE),
soit deux fois et demi la progression du gaz naturel et quatre fois celle
du pétrole. La forte demande chinoise, mal anticipée, a été
la cause principale d'une flambée des prix en 2003 et 2004. Cette
flambée s'explique également par l'indisponibilité
momentanée des cargos, mobilisés pour le transport de minerai
vers l'Asie, qui a fait grimper le coût du fret.
Evolution du prix spot du charbon
CAF: coût, assurance et fret; ARA: Anvers Rotterdam
Amsterdam; FAB: Franco à bord; FRET: par tonne transportée
entre Richards Bay (Afrique du sud) et Rotterdam
Une deuxième incertitude pèse sur la
rentabilité du charbon, car il est fortement émetteur de
CO2: la lutte contre le réchauffement climatique étant
un des défis les plus importants que nous ayons à relever
actuellement, les décideurs politiques européens vont inciter
les industriels à recourir aux technologies moins polluantes, notamment
à l'aide des permis d'émission. Le charbon doit donc devenir
propre, et la solution pourrait venir de la séquestration du CO2.
Encore chère à l'heure actuelle, elle rallie les faveurs
des industriels et des décideurs politiques car elle pourrait être
opérationnelle dans quelques années (voir l'article du blog
La
séquestration du CO2: une alternative aux permis d'émissions?).
La nécessité de rendre le charbon propre est d'autant plus
cruciale qu'il est voué à devenir la première source
d'énergie primaire au niveau mondial.
Grâce à ses réserves, le charbon sera incontournable
à l'avenir
Les réserves de charbon sont colossales:
BP les estime à 910 milliards de tonnes, ce qui promet 155 ans de
production au rythme actuel, contre environ 45 ans pour le pétrole
et 60 ans pour le gaz. Ceci explique la proportion croissante de charbon
dans la consommation mondiale d'énergie primaire, portée
principalement par la consommation chinoise et par la production d'électricité.
De plus, les réserves sont bien réparties.
83% de la production de charbon est consommée dans le pays d'extraction.
A l'inverse, une part de plus en plus grande du pétrole est produite
dans des régions politiquement instables. Et le gaz est concentré
dans des pays au fort “nationalisme énergétique”:
Venezuela, Russie, Bolivie, Iran.
On assiste ainsi à un fort regain d'intérêt
pour le charbon, comme solution pour se protéger contre la dépendance
aux prix et contre les risques d'approvisionnement. Par exemple, début
octobre, après des années de négociations, le géant
russe Gazprom a éconduit sans ménagement les compagnies occidentales
qui souhaitaient s'impliquer dans le projet Chtokman. Cette décision
prive le marché américain de précieuses réserves
de gaz. De plus, le prix du pétrole est destiné à
rester haut. Toujours le mois dernier, après la baisse récente
des cours du pétrole, l'OPEP a baissé ses quotas de production
de 1,2 millions de barils par jour afin de protéger ses revenus.
Les industriels du secteur profitent du contexte
favorable au charbon, et sont optimistes pour les années à
venir. C'est le cas d'Alstom Power, leader mondial des turbines pour centrales
à charbon. General Electric, en association avec Bechtel, développe
des centrales dites IGCC sur une licence rachetée à ENRON.
Ce concept, connu depuis longtemps, devient rentable avec la hausse du
prix du gaz et du pétrole.
Note:
[1] Selon ses caractéristiques, le
charbon est utilisé comme charbon vapeur ou comme charbon à
coke. Le charbon à coke est utilisé principalement pour la
production de coke à usage des hauts fourneaux de la sidérurgie.
Dans cet article, nous nous intéressons principalement au charbon
vapeur, qui est utilisé comme source d'énergie.
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