Directeur du programme Ecodev (*) du CNRS jusqu'en juin 2001 et coauteur d'un rapport du Plan sur l'avenir de la filière étectrique nucléaire, Benjamin Dessus revient sur les préoccupations environnementales apparues lors de la consultation de ses clients, en été 2001, par EDF.
La consultation menée par EDF montre
que le respect de l'environÇnement est devenu pour les usagers la
mission la plus importante...
L'explication est probablement double. La prise de conscience des citoyens
des problèmes d'environnement locaux est une chose relativement
récente. Elle a été alimentée par les rapports
sur les dangers que faisaient courir les polluants, en particulier ceux
dus aux transports. On a commencé à faire une relation -
vraie ou fausse, peu importe - entre certaines maladies (asthme, bronchiolites...)
et la pollution. D'autre part, le phénomène de la mondialisation
s'est imposé à nous, avec ses effets pervers. Cela a déclenché
une prise de conscience des problèmes mondiaux, d'environnement
en particulier. A Rio, par exemple, on s'est rendu compte que les vaches
chinoises qui produisent du méthane en ruminant contribuent à
l'effet de serre en même temps que les usines de voitures de Detroit.
On a réalisé que tout le monde est impliqué dans le
changement climatique.
Vous êtes coauteur d'un rapport sur l'avenir
de la filière électrique nucléaire. A quelles conclusions
ce travail vous a-t-il mené?
En termes d'environnement, à deux conclusions principales. J'ai
d'abord découvert que ce qu'on nous racontait sur le retraitement
- en particulier le ministère de l'Industrie, la Cogema, voire EDF,
jusqu'à il y a peu de temps - est complètement dépassé.
Le retraitement a toujours été vendu comme un excellent moyen
de réduire significativement le problème des déchets,
en particulier la masse finale des produits vraiment dangereux pour le
long terme. Or, quand on fait le bilan du retraitement à la Hague
jusqu'à la fin du parc existant, on s'aperçoit qu'au mieux,
on va se retrouver, vers 2050, avec un stock de l'ordre de 500 tonnes de
déchets plutonium et actinides mineurs. Si on n'avait rien fait,
si on n'avait pas construit La Hague, la masse des déchets problématiques
serait d'environ 570 tonnes. Une différence de l'ordre de 15%. Cela
a été une surprise totale pour moi. On peut dès lors
se poser la question: est-ce que pour faire varier ce problème de
15%, cela vaut la peine de dépenser ce que l'on a dépensé
à La Hague? Le débat existe.
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Deuxième point majeur; quelles que soient les solutions que l'on
choisit pour développer de nouveaux réacteurs moins producteurs
de déchets, nous nous sommes aperçus qu'il faudra attendre
2120 voire 2130 pour enregistrer des progrès significatifs, en clair
pour diviser par deux ou par trois ces fameuses 500 tonnes. Cela tient
à ce que nous ne partons pas de zéro mais d'un parc donné.
Du coup, en caricaturant à peine, on peut dire que si on se trompe,
on en prend pour cent ans, et que si on ne se trompe pas, on n'en tirera
les bénéfices que dans cent ans.
Mais le nucléaire fournit près
de 81% de l'électricité consommée
(FAUX! Produite !!) en France. Que faire pour en réduire
dès maintenant les nuisances?
Le problème, c'est que les déchets nucléaires ne bénéficient
pas de la même attitude de la communauté internationale que
les rejets de gaz à effet de serre. Or si on veut défendre
l'idée que le nucléaire pourrait devenir compatible avec
le développement durable, il faut pouvoir dire quelque chose sur
les déchets.
Pour certains écologistes, le nucléaire est définitivement
diabolique et ne pourra jamais être compatible avec le développement
durable. Moi, je dis: essayons de tracer un chemin vers ce développement
durable en débattant démocratiquement de ses conditions.
Sur l'effet de serre, la communauté internationale écoute
les scientifiques qui font état du danger très probable qu'il
y a à laisser s'accumuler le CO2 dans l'atmosphère.
Ils entendent aussi ceux qui proposent de résoudre le problème
en récupérant ce CO2 à la sortie des centrales
et en le stockant au fond des puits de pétrole ou de l'océan
et demandent de l'argent pour faire les recherches nécessaires.
Devant ce danger et ces propositions de solutions à venir, la communauté
internationale dit: en attendant d'en savoir plus, il faut essayer d'émettre
moins de gaz à effets de serre (-5% d'ici 2010). Pour les déchets
nucléaires, le schéma de base est analogue. Sauf qu'il n'existe
pas de politique internationale faisant état d'un engagement de
limitation des déchets. Il faudrait donc imaginer un Kyoto des déchets
nucléaires qui poserait qu'en attendant d'en savoir plus, on se
fixe une courbe de réduction des émissions de déchets.
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