La première
étape du marché européen des droits d'émissions
de gaz carbonique, qui s'achève en 2007, est "foutue", lâche
avec dépit un proche collaborateur de Stavros Dimas, commissaire
européen à l'environnement. "Il faut oublier cette première
période", confirme, à Paris, Jean-François Conil-Lacoste,
directeur général de Powernext, principale bourse d'échange
de ces droits d'émissions.
Le constat fait désordre au moment où l'Europe tâche de convaincre le Japon et les Etats-Unis d'adopter un mécanisme qu'elle présente comme un des leviers essentiels de la lutte contre les émissions de gaz carbonique, le CO2, principal gaz à effet de serre responsable du réchauffement du climat. Sur ce marché, les firmes européennes de l'électricité, du papier, du ciment et de la sidérurgie qui émettent le plus de CO2 achètent leur droit à polluer aux usines les plus vertueuses. Avec l'aval de Bruxelles, chaque Etat membre de l'Union europénne définit des quotas d'émissions de CO2 pour quelque 9.000 usines au total. Celles qui dépassent leurs quotas sont censées acheter des "tonnes de CO2" à celles qui ne les ont pas atteints. DÉGRINGOLADE DU PRIX DE LA TONNE DE CO2 Sauf qu'au cours de la première période d'existence de ce marché, de 2005 à 2007, le prix de la tonne de CO2 "a tendu vers zéro", concède le directeur général de Powernext. Après avoir atteint 22 € en janvier 2006, la valeur de ce droit d'émission n'a cessé de dégringoler, et plafonne aujourd'hui aux alentours de 90 centimes. "A un tel prix, il est hélas plus rationnel pour un industriel de payer à un prix dérisoire le droit à émettre du CO2, plutôt que de consentir de lourds investissements afin de transformer son usine", juge un expert de la commission à l'environnement. "C'est normal, s'excuse Barbara Helfferich, porte-parole du commissaire européen à l'environnement, quand nous avons établi les quotas en 2004, les industriels ont transmis des évaluations exagérées de leurs émissions réelles." En 2006, d'après l'analyse de Powernext des données transmises par Bruxelles le 2 avril, les émissions finalement constatées ont été de 1,2% inférieures aux quotas. Cela signifie que très peu d'usines ont émis plus que ce à quoi elles avaient droit. Barbara Helfferich insiste: "Pour que ce marché ait un sens, il est nécessaire que les quotas soient sensiblement inférieurs aux émissions." La porte-parole reconnaît: "Ni les Etats ni la Commission n'ont sans doute été assez stricts." Même diagnostic du côté du directeur général de Powernext, qui se montre toutefois magnanime. "Il ne s'agit pas d'une question de lobbying industriel", rassure M. Conil-Lacoste. "C'est juste qu'avant 2005, personne n'avait jamais mesuré systématiquement les émissions des usines européennes. On a dû faire au doigt mouillé", assure-t-il. |
Malgré leur manque d'expérience,
quelques gouvernements ont su avoir le doigt sagace: trois Etats membres
sur 27 (la Grande-Bretagne, l'Espagne et la Slovénie) ont été
capables d'établir des quotas inférieurs à leurs émissions.
Au contraire, les usines françaises ont émis en 2006 un peu
plus de 118 millions de tonnes de CO2, alors le gouvernement
français avait autorisé un quota de 150 millions de tonnes.
"ON VERRA BIEN"
Matthieu Auzanneau
|