Traduit de l'anglais par Réginald de POTESTA
WALEFFE - info@velorution.be
Lorsque vous alertez les gens sur les dangers
du changement climatique, on vous prend pour un Saint. Lorsque vous expliquez
ce qu'il est nécessaire pour l'éviter, ils vous traîtent
de communiste [NdT: ou plus souvent de doux dingue]. Voyez plutôt.
Il existe dorénavant un très
large consensus scientifique sur la nécessité d'empêcher
la température de s'élever de plus de 2°C au-dessus du
niveau pré-industriel [NdT: Nous sommes déjà 0,8°C
au-dessus de ce niveau et cela augmente, à présent, de 0,2°C
par décennie]. Passé cette limite, la couverture de glace
du Groenland irait vers une fonte irréversible, certains écosystèmes
s'effondreraient, des milliards de gens manqueraient d'eau, les sécheresses
commenceraient à menacer l'approvisionnement alimentaire global(1,2).
Le gouvernement [britannique] propose de réduire
les émissions de carbone de 60% pour 2050. Cet objectif est basé
sur un rapport publié en 2000(3). Ce rapport était
basé sur une estimation publiée en 1995 dérivée
d'un article scientifique publié quelques années plus tôt.
La conduite du Royaume-Uni, en d'autres mots, est basée sur des
articles de 15 ans d'âge. Nos objectifs, qui sont parmi les plus
stricts du monde, n'ont aucune relation avec la réalité scientifique
actuelle.
Sur la dernière quinzaine, tant Gordon
BROWN [NdT: Nouveau Premier Ministre du R.-U.] que son conseiller Sir Nicholas
STERN ont proposé d'élever les réductions à
80%(4,5). D'où vient ce calcul? Le dernier sommet du G8 s'est
arrêté sur une réduction au niveau mondial de 50% pour
2050, ceci induit pour le Royaume-Uni de porter son effort à 80%.
Mais l'objectif du G8 n'est pas plus en relation que ça avec la
science actuelle.
Dans le nouveau résumé publié
par le Groupe Intergouvernemental d'Experts sur le Climat (GIEC), on trouve
un tableau qui associe les températures attendues à différents
niveaux de réductions(6). Pour éviter un réchauffement
global de 2°C, il suggère que le monde eut réduit pour
2050 ses émissions à un niveau qui correspond à environ
15% du total des émissions en 2000.
J'ai retrouvé les chiffres de production
de dioxyde de carbone en 2000(7) et les ai divisé par la
population actuelle(8). Ceci donne une base de calcul de 3,58 tonnes
de CO2 par personne. Une réduction de 85% signifie que
(si la population reste constante) la production globale par tête
devrait être réduite à 0,537 tonne pour 2050. Actuellement,
le Royaume-Uni produit 9,6 tonnes par tête et les États-Unis
23,6 tonnes(9,10) [NDT: et la Belgique 12 tonnes par habitants (pour
info, un aller-retour BXL-New-York (12.000 km) compte au moins pour 3 tonnes
de CO2 par personne, et ce, sans compter l'effet radiatif
multiplicateur (fois 5) des émissions à très haute
altitude)]. Réduire ces montants à 0,537 tonne signifie une
réduction de 94,4% pour le Royaume-Uni et 97,7% aux Etats-Unis [NdT:
95,5% pour la Belgique]. Mais la population va croître dans la même
période. Si nous considérons une population de 9 milliards
en 2050(11), les réductions grimpent à 95,9% pour
la G.-B. et à 98,3% pour les U.S.A [NdT: 97% pour la Belgique].
Les calculs du GIEC pourraient eux aussi être
dépassés. Dans une note de bas de page sous le tableau, le
panel admet que les "réductions d'émissions… pourraient
être sous-estimées dû à la disparition de réactions
du cycle du carbone". Ceci signifie que l'impact de la réponse
de la biosphère sur le réchauffement climatique n'a pas été
complètement considéré. Ainsi par exemple, lorsque
l'eau de mer se réchauffe, elle relache du dioxyde de carbone. Lorsque
les bactéries du sol sont chauffées, elles respirent plus
et générent plus de CO2. Quand la température
monte, la forêt tropicale se meurt, relachant le carbone qu'elle
contient [NdT: Quand la banquise fond, l'albédo de l'Océan
Arctique passe de 90% à 10%, plus la banquise fond, plus l'Océan
se réchauffe, etc.]. Ces exemples sont des rétroactions positives.
Un article récent (toutes les références sur mon site
web http://www.monbiot.com) estime que ces rétroactions comptent
pour 18% dans le réchauffement global(12). Celles-ci devraient
s'intensifier.
Un article du Geophysical Research Letters
établit que même avec une réduction globale de 90%
en 2050, le seuil des 2°C "est en fin de compte dépassé"(13).
Stabiliser les températures à 1,5°C au dessus du niveau
pré-industriel requiert une réduction globale de 100%. Les
diplomates qui ont commencé les pourparlers à Bali hier devraient
discuter d'une complète décarbonisation de l'économie
globale.
Cela n'est pas impossible. Dans un article
précédent, j'ai montré comment en repportant toute
l'économie sur l'éctricité et par la mise en place
des dernières inventions sur les réseaux électriques
régionaux, leur équilibrage et le stockage de l'énergie,
vous pourriez faire tourner l'ensemble du système énergétique
sur les énergies renouvelables(14). Avec pour exception majeure
l'aéronautique (n'espérez pas voir des avions de ligne sur
batteries) ce qui suppose que nous devrions fermer plutôt que d'ouvrir
de nouvelles pistes.
Ceci pourrait compter pour 90% des réductions
nécessaires. Une décarbonisation totale exige que nous allions
plus loin. Éviter 2°C de réchauffement signifie extraire
le dioxyde de carbone de l'air. La technologie nécessaire existe
déjà(15): le défi est de le faire efficacement
et bon marché. L'année dernière Joshuah STOLAROFF,
qui a écrit une thèse sur le sujet, m'a fait parvenir quelques
projections de coûts, de 256 à 458 £ [NdT: de 380 à
677 €] par tonne de carbone(16,17). Ceci fait de la capture
du CO2 dans l'air environ trois fois aussi cher que les dépenses
du gouvernement britannique pour la construction des turbines éoliennes,
deux fois plus cher que l'énergie nucléaire, légèrement
moins cher que l'énergie marémotrice et 8 fois moins cher
que des panneaux solaires sur les toîts du Royaume-Uni(18).
Mais je soupçonne que ses chiffres soient sousestimés puisqu'ils
suggèrent que cette méthode est moins cher que de capter
le CO2 depuis les centrales électriques qui prévoient
de le faire à la source(19), ce qui ne peut être vrai(20).
Le Protocole de Kyoto, pour lequel Bali discute
d'une suite, a échoué. Depuis sa signature, on a connu une
accélération globale des émissions: le taux de production
de CO2 [NdT: +3% par an depuis 2000] dépasse les pires
hypothèses du GIEC et croît maintenant plus vite que jamais
depuis le début de la révolution industrielle(21).
Ça n'est pas seulement la Chine. Un article dans Proceedings of
the National Academy of Sciences établit "qu'aucune région
ne décarbonise son approvisionnement énergétique"(22).
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suite:
Même la traditionnelle tendance à
la décroissance de l'intensité énergétique
des économies matures est contredite(23). Au Royaume-Uni,
il y a un gouffre ahurissant entre la politique climatique du gouvernement
et la réalité des faits. Comment pourrions-nous même
réussir une réduction de 60% si nous construisons de nouvelles
centrales à charbon, de nouvelles routes et de nouvelles pistes
à Heathrow? [NdT: Aéroport de Londres]
Souligner le problème immédiat
est plus grand encore. Dans une présentation à là
Royal Academy of Engineering en mai, le Professeur Rod SMITH de l'Imperial
College a expliqué qu'une croissance de 3% signifie que l'activité
économique double en 23 ans(24). À 10%, il ne lui
faut que 7 ans. Nous le savions. Mais Smith va plus loin. Avec une série
d'équations, il montre que "chaque doublement successif de période
brûle autant de resources que l'ensemble de tous les précédents
doublements de période." En d'autres mots, si notre économie
croît de 3% par an jusque 2030, nous consommerons jusqu'à
cette échéance l'équivalent de tout ce que nous avons
consumé depuis que l'homme se tient sur ses deux pieds. Ensuite,
entre 2030 et 2053, nous devons encore une fois doubler ce total. En lisant
l'article, j'ai réalisé pour la première fois contre
quoi nous luttons.
Mais je ne suis pas l'avocat du désespoir.
Nous devons faire face à un défi aussi pressant que la monté
des puissances de l'Axe. Si nous avions alors jeté l'éponge,
comme beaucoup sont tentés aujourd'hui, vous liriez cet article
en allemand. Bien que la guerre resta le plus souvent impossible à
remporter, quand la volonté politique fut mobilisée, d'étranges
et incroyables choses commencèrent à arriver. L'économie
des Etats-Unis fut renversée en un quart de tour en 1942 quand les
industries civiles se firent militaires(25). L'État pris
plus de pouvoir qu'il n'en exerça jamais. Des politiques impossibles
devenaient subitement réalisables.
Les vraies questions
à Bali ne sont pas technique ou économique. La crise à
laquelle nous faisons face requiert une profonde discussion philosophique,
une réévaluation de ce que nous sommes et de ce que le progrès
comprend. Débattre de ces matières ne fait de nous ni des
saints ni des communistes; cela montre seulement que nous avons compris
la science.
References:
1. See, for example, IPCC, 2007. Climate change and its impacts
in the near and long term under different scenarios. http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/syr/ar4_syr_topic3.pdf
and:
2. Hans Joachim Schellnhuber (Editor in chief), 2006. Avoiding
Dangerous Climate Change. Cambridge University Press. http://www.defra.gov.uk
3. Royal Commission On Environmental Pollution, June 2000. Energy
– the Changing Climate. https://selectra.co.uk/energy/guides/market/rcep
4. Gordon Brown, 19th November 2007. Speech on Climate Change.
http://www.number-10.gov.uk/output/Page13791.asp
5. Sir Nicholas Stern, 30th November 2007. Bali: now the rich
must pay. The Guardian.
6. Intergovernmental Panel on Climate Change, 2007. Fourth Assessment
Report. Climate Change 2007: Synthesis Report. Summary for Policymakers,
Table SPM.6. http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/syr/ar4_syr_spm.pdf
7. All the following figures are for CO2 from the
burning and flaring of fossil fuel. http://www.eia.doe.gov/pub/international/iealf/tableh1co2.xls
8. Currently 6,635m. http://www.census.gov/main/www/popclock.html
9. The latest figures are for 2005. http://www.eia.doe.gov/pub/international/iealf/tableh1co2.xls
10. Population figures for 2005 came from http://www.prb.org/pdf05/05WorldDataSheet_Eng.pdf
11. This is a conservative assumption.
12. Josep G. Canadell et al. 25th October 2007. Contributions
to accelerating atmospheric CO2 growth from economic activity,
carbon intensity, and efficiency of natural sinks. Proceedings of the National
Academy of Sciences. www.pnas.org_cgi_doi_10.1073_pnas.0702737104
13. Andrew J. Weaver et al, 6th October 2007. Long term climate
implications of 2050 emission reduction targets. Geophysical Research Letters,
Vol. 34, L19703. doi:10.1029/2007GL031018, 2007
14. George Monbiot, 3rd July 2007. A Sudden Change of State.
The Guardian. http://www.monbiot.com/archives/2007/07/03/a-sudden-change-of-state
15. Frank Zeman, 26th September 2007. Energy and Material Balance
of CO2 Capture from Ambient Air. Environmental Science &
Technology, Vol. 41, No. 21, pp7558-7563. 10.1021/es070874m
16. Stolaroff's figures are $140-250/US ton-CO2. I have converted
them into £/metric tonne-C. The weight of CO2 is 3.667x
that of C.
17. You can read his PhD here: http://wpweb2.tepper.cmu.edu
18. Department of Trade and Industry (now the DBERR), 2003.
Energy White Paper - Supplementary Annexes, p7. www.dti.gov.uk/energy/whitepaper/annexes.pdf
19. The DBERR gives figures for C savings through capture-ready
power stations of £460-560/tC.
20. It cannot be true because the concentration of CO2
in thermal power station effluent is many times higher than that in ambient
air.
21. Josep G. Canadell et al, ibid.
22. Michael R. Raupach et al, 12th June 2007. Global and regional
drivers of accelerating CO2 emissions. Proceedings of the National Academy
of Sciences, Vol.104, no. 24. Pp 10288–10293. www.pnas.org_cgi_doi_10.1073_pnas.0700609104
23. ibid.
24. Roderick A Smith, 29th May 2007. Lecture to the Royal Academy
of Engineering. Carpe Diem: The dangers of risk aversion. Reprinted in
Civil Engineering Surveyor, October 2007.
25. Jack Doyle, 2000. Taken for a Ride: Detroit's big three
and the politics of pollution, pp1-2. Four Walls, Eight Windows, New York. |