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Controverses / hydroélectricité


Des millions de Chinois chassés par le barrage des Trois Gorges
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     La facture humaine et écologique du « plus puissant barrage du monde » ne cesse de s'alourdir
     CHEF-D'ŒUVRE des autocrates et des ingénieurs qui gouvernent la Chine, le barrage des Trois Gorges n'en finit pas d'empoisonner la vie des riverains du Yang Tsé Kiang. Pékin a annoncé hier le déménagement «volontaire» de 3 à 4 millions d'habitants de plus, afin de sauvegarder l'écologie du fleuve nourricier et de sa retenue.
     La montée des eaux sur une longueur de 660 km a déjà contraint au déracinement 1,4 million de résidents, à destination surtout de la métropole surpeuplée de Chongqing, en amont du réservoir. Ce sont maintenant la pollution et le risque d'affaissement des berges qui conduisent les autorités chinoises à en éloigner deux ou trois fois plus, dans «les dix à quinze ans à venir». Le lac artificiel est en passe de devenir un bouillon de culture aussi instable qu'incontrôlé.
     «La zone de la retenue présente un environnement vulnérable et les conditions naturelles rendent impossibles une urbanisation massive», expliquait hier le vice-maire de Chongqing, Yu Yuanmu, dans les médias officiels. Le mois dernier, des experts chinois avaient publiquement mis en garde contre «une catastrophe, si aucune mesure préventive n'est prise».
     Le barrage n'est pas directement critiqué mais, politiquement, l'opération vérité sur les Trois Gorges tombe à point nommé. Cette muraille de béton de 120 m de haut et de 2,6 km de long était le projet fétiche de l'ancien président Jiang Zemin et de son lieutenant Li Peng. Ce sont précisément les fidèles de l'ex-numéro un que Hu Jintao veut évincer, lors du congrès du PC qui s'ouvre lundi. À Pékin, la critique tombe rarement au hasard.
     La majorité des Chinois, y compris ceux qui devront plier bagages une seconde fois, ne sont probablement pas dupes. L'ouvrage, fierté nationale des années 1990, devait dompter le Yang Tsé Kiang et amener la croissance comme l'électricité au coeur du pays. D'ici à 2009, la mise en service de ses 26 turbines assurera une production annuelle de 85 milliards de kWh, deux fois celle de l'ensemble des centrales hydrauliques françaises.

Cauchemar écologique
     Mais il se révèle aussi comme un cauchemar écologique de plus. Il pourrait en préfigurer quelques autres. Le Yang Tsé Kiang fait vivre 400 millions de personnes et charrie 40% des effluents industriels, organiques et agricoles du pays. Avec en amont la mégalopole industrielle de Chongqing (30 millions d'habitants). Et en aval Shanghaï (20 millions), vitrine de la réussite économique qui craint désormais pour son eau potable.
     Le diagnostic ne surprendra pas les écologistes chinois. Parmi eux, quelques pionniers ont payé de leur liberté d'avoir critiqué «le plus puissant barrage du monde». En 1993, un tiers de l'Assemblée populaire nationale, Parlement plutôt docile, s'était même abstenu de voter le projet. Quinze ans plus tard, la leçon n'a pas encore porté. D'autres projets pharaoniques, comme le chemin de fer du Tibet ou la dérivation projetée des eaux (polluées) du Yang Tsé Kiang vers le nord desséché du pays viendront peut-être un jour à charge contre l'équipe Hu Jintao.