Par ALEXANDRA SCHWARTZBROD
QUOTIDIEN: samedi 11 août 2007
Le nucléaire est-il vraiment une énergie «verte»?
C’est une excellente publicité faite
au nucléaire, mais elle ne résiste pas à l’examen.
Il est vrai que, par kWh (kilowattheure) produit, le nucléaire émet
très peu de gaz à effet de serre. Pas zéro, car les
usines et le transport du combustible, ainsi que la construction et le
démantèlement des centrales produisent du CO2.
Cela représenterait 6 à 30 grammes
de CO2 équivalent par kWh, ce qui est faible, mais supérieur
aux émissions de l’éolien. Une centrale à charbon
classique émet, elle, 400 grammes de CO2 équivalent
par kWh, contre 200 pour une centrale à gaz à cycle combiné.
Il suffirait donc de remplacer des centrales à charbon par des centrales
à gaz pour diviser par deux les émissions de CO2.
En France, si on fournissait aux consommateurs la même quantité
d’électricité que celle provenant des centrales nucléaires
avec des centrales à gaz à cycle combiné, on n’augmenterait
que de 18% les émissions de CO2, et de 12% les gaz à
effet de serre: ce n’est pas rien, mais cela montre que la solution du
problème global est ailleurs. Par ailleurs,
le nucléaire n’est utilisé que pour produire de l’électricité
(Ndwebmaistre: en oubliant de préciser
que les 2/3 de l'énergie produite dans la centrale est évacuée,
air, rivière ou mer et que si l'on considère "l'énergie
du centre de masse", l'efficacité n'est plus que de... 0,1/10.000e;
vous avez bien lu!...). Le secteur le plus vulnérable
en termes de sécurité d’approvisionnement, et le plus inquiétant
pour l’environnement, est celui des transports, qui dépend à
90% des produits pétroliers. De toute façon, si on prend
le critère de l’effet de serre, la première parade, ce sont
les économies d’énergie. Un pays comme l’Allemagne ne s’y
trompe pas: la décision de «sortie du nucléaire»
y est un aiguillon puissant pour les pouvoirs publics, les collectivités
locales et les industriels. L’aveuglement français sur la monoculture
nucléaire risque en revanche de pénaliser le développement
de nouvelles sources et techniques favorables à l’environnement,
à la sécurité énergétique et au développement
régional et local. Enfin, même si le nucléaire est
bien placé côté CO2, il l’est très
mal côté accidents, déchets, et prolifération.
Il se compare très défavorablement aux renouvelables avec
lesquelles il y a peu de risque d’accident!
L’énergie fournie par les renouvelables est marginale par
rapport à celle du nucléaire…
Détrompez-vous! Les renouvelables
représentent en 2004, d’après les données de l’Agence
internationale de l’énergie (AIE), 12,8% de la consommation mondiale
d’énergie primaire, contre 6,5% pour le nucléaire. En ce
qui concerne la production d’électricité, la proportion est
de 18,2% pour les renouvelables et 15,7% pour le nucléaire. Raisonnons
en énergie finale, celle livrée aux consommateurs: en France
- qui a de loin la plus forte proportion de nucléaire (78% de la
production d’électricité) - la part de l’électricité
est de 22% de la consommation finale, et la
contribution du nucléaire est de 17% de la consommation
finale d’énergie. Quant aux
nouvelles centrales électriques installées, en moyenne annuelle
sur 2000-2004, le nucléaire représente 3%, l’éolien
5%, l’hydraulique 10%, le pétrole 5%, le charbon 25%, et le gaz
naturel 50%. |
Il y a malgré tout une tentation, dans le monde, de retour
au nucléaire…
Tant que les techniques proposées
ne répondront pas à ces trois dangers que sont les accidents,
les déchets et la prolifération - dangers soulignés
par l’AIE -, les commandes ne décolleront pas. La Chine dit qu’elle
veut construire 40 centrales nucléaires sur vingt ans, mais elle
veut aussi construire 700 centrales à charbon! Si relance du nucléaire
il y a, ce ne sera sûrement pas avec la même famille de réacteurs
que celle d’aujourd’hui. En France, l’EPR, ce n’est pas la troisième
génération mais le dernier «modèle» de
la génération actuelle, la deuxième, dont la technologie
date des années 60, avec les trois dangers déjà cités.
Quant à la «quatrième génération»,
il semble que ce qu’on nous prépare en France, c’est un surgénérateur
au plutonium et au sodium - l’un et l’autre dangereux - de type Superphénix…
arrêté par la France en 1998. Pas une solution viable.
Où en sommes-nous du problème des déchets?
Pour résumer, les puissances nucléaires
se retrouvent avec, sur les bras, des combustibles irradiés non
retraités stockés (dans des piscines ou stockages à
sec), et/ou des déchets «vitrifiés», sans parler
des nombreux déchets de plus faible activité mais de plus
gros volume, dont les moins dangereux sont stockés en surface. Qu’est-ce
qu’on en fait? Le plus raisonnable serait de les stocker de façon
réversible en subsurface (hangars accessibles à profondeur
moyenne, sous une colline par exemple). La solution préconisée
en France, c’est le stockage géologique profond étudié
au laboratoire de Bure [dans la Meuse, ndlr]. Mais les opposants
disent qu’on ne peut pas mettre ça dans la croûte terrestre,
car on ne sait pas comment ça va évoluer dans trois cents
ou mille ans! Une question éthique majeure.
Et la prolifération?
Il y a deux risques: étatique, et
terroriste. Tout pays qui possède la technologie nucléaire
dite civile peut fabriquer une bombe. Si vous pouvez faire de l’enrichissement
d’uranium ou extraire le plutonium de combustibles irradiés, c’est
bon. Quant aux risques terroristes, si vous vous procurez des combustibles
irradiés ou des matières radioactives, il suffit de les mélanger
avec des explosifs classiques pour faire une bombe sale.
Le nucléaire n’est donc pas une énergie d’avenir…
Personne ne se rend compte de l’espèce
de bazar que cela représente, alors que cette énergie est
marginale dans le monde. Et, quand vous arrêtez
une installation nucléaire, c’est là que les ennuis commencent!
Toutes ces centrales sont des sites à haut risque qu’il faut démanteler.
Superphénix, dix ans après, ça continue encore, et
probablement pour longtemps! Et on aura en France 58 centrales à
démanteler! La production d’électricité doit être
quelque chose de simple, robuste, et surtout pas hyperdangereux. |