L'électricité
nucléaire est une fée, c'est bien connu. Cela fait des lustres
qu'EDF en exalte les vertus: écologique par ses très faibles
émissions de CO2, sécurisée par un parc
de centrales dont le combustible (uranium) est abondant et peu soumis aux
aléas géopolitiques; compétitif face à la flambée
des prix des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole). L'entreprise
publique a été si persuasive qu'elle a convaincu 7 millions
de foyers de s'équiper de chauffages électriques - un nombre
sans équivalent en Europe.
L'EDF en a peut-être fait un peu trop. Ce suréquipement est en partie responsable des pics de consommation historiques enregistrés, lundi 17 et mardi 18 décembre, dénoncent les écologistes. "Cette situation est la conséquence du "tout-nucléaire" imposé en France depuis trente ans", dénonce le réseau Sortir du nucléaire. Pour "légitimer" l'existence d'un parc de 58 réacteurs, l'Etat et EDF ont incité les ménages français à opter pour le chauffage électrique. Une note de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et du Réseau de transport d'électricité (RTE) jette le doute sur la fiabilité du bilan carbone de ce type de chauffage qui continue d'équiper nombre de logements neufs. Son contenu en CO2 est de 500 à 600 grammes par kilowattheure (kWh) - contre 180 grammes, selon les calculs d'EDF réalisés sur d'autres bases. L'avantage se réduit. |
Comment expliquer un tel écart?
Il existe une exception française en matière énergétique.
La production de base est faite par le nucléaire et l'hydraulique,
qui n'émettent pas de CO2. Mais en période de
très forte consommation, la "pointe" est assurée par les
centrales thermiques (au charbon, au fioul et demain au gaz) qui relâchent
beaucoup plus de dioxyde de carbone. Sans oublier que la France importe
de plus en plus de courant d'Allemagne dont les centrales émettent
plus de gaz à effet de serre. Tout cela se retrouve dans le bilan
carbone des chauffages électriques très sollicités
par grand froid.
Ces données inédites de RTE et de l'Ademe sont importantes. Elles permettent aux pouvoirs publics, aux collectivités locales et aux producteurs d'électricité d'orienter leurs choix et de trouver le meilleur "mix" entre économies d'énergie, incitations fiscales en faveur de tel ou tel mode de chauffage et développement des énergies renouvelables. Ce bilan carbone va-t-il se dégrader? Certes, la France a décidé de renforcer son parc d'éoliennes. Mais il ne faut pas compter dessus en période de surconsommation tant la production de ces "moulins à vents" est aléatoire. Restent les centrales au gaz ou au charbon - plus sûres mais plus "carbonées" - dont les projets se multiplient (EDF, GDF, Suez, Endesa, Poweo) dans l'Hexagone. Jean-Michel Bezat
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