Le nucléaire, une énergie verte?
C'est le discours que le lobby nucléaire veut imposer, en jouant sur deux tableaux: le nucléaire est «renouvelable» puisque, pour faire simple, on peut théoriquement multiplier par 50 les réserves d'uranium en réutilisant une partie du combustible usé pour fabriquer du combustible neuf; et il ne produit pas de gaz à effet de serre. Il oublie d'évoquer les risques d'accidents et de prolifération, et le problème des déchets. On a vu ce discours se développer il y a quelques années quand l'industrie nucléaire était au fond du trou, puis le gouvernement s'en emparer car c'était une trop belle occasion de maintenir le statu quo! Et je vois arriver le jour où on va nous dire qu'en France l'objectif de 20% d'énergies renouvelables exigé par Bruxelles en 2020 est déjà atteint grâce au nucléaire! On oublie aussi que le nucléaire ne sait pas tout faire. Il est adapté pour produire de l'électricité 8.000 heures par an (h/an), en «base», mais pas pour les besoins de pointe saisonnière. Ainsi, électricité nucléaire et électricité charbon sont à peu près au même coût, en base, à 8.000 h/an. Mais, pour 4.000 h/an, le coût du kilowattheure (kWh) est multiplié par 1,8 pour le nucléaire, et par 1,4 pour le charbon. Le nucléaire est trop cher pour le chauffage domestique qui fonctionne 2.500 à 3.000 h/an. Contre le réchauffement, le nucléaire est-il l'idéal? Pas tant que ça! Imaginons qu'en 2030, on ait multiplié par quatre le taux de nucléaire dans le monde, 10.000 TWh (térawattheure). Eh bien l'économie d'émissions de CO2 ne serait que de 9% par rapport aux estimations actuelles pour 2.030. En revanche, les effets pervers de la situation seraient énormes, avec du nucléaire partout, y compris en Iran, au Pakistan, en Algérie. Se poseront aussi des problèmes de réserves d'uranium, évaluées à 70-80 ans. En 2080, il y aurait donc un problème de ressources et il faudra être passé à la quatrième génération de centrales, celles qui consomment du plutonium. Mais une civilisation du plutonium est bien plus dangereuse en termes de risques d'accidents et de prolifération. Obtenir 50% d'électricité nucléaire en 2020 en France (80% aujourd'hui), est-ce pensable? On peut l'imaginer, sans pour autant renforcer nos émissions de CO2, à condition de respecter les recommandations de Bruxelles concernant les économies d'énergie et la part de renouvelable (21% en 2010 pour l'électricité). Il faudrait alors produire 70 TWh en plus d'électricité renouvelable: une bonne trentaine à partir des déchets urbains, agricoles et forestiers et de la mini hydraulique, une quarantaine d'éolien. Quand on sait que les Allemands qui ont démarré en 2000 en sont à plus de 45 TWh, on voit que cela n'a rien d'invraisemblable. Au niveau national comme mondial, la principale marge de manoeuvre de lutte contre le réchauffement, c'est la maîtrise de l'énergie. Dans ce domaine, on oublie le rôle des infrastructures. Un exemple: Barcelone et Atlanta sont deux villes d'un million d'habitants. La première est concentrée, la seconde, étalée. La consommation d'énergie dans les transports est sept fois plus importante à Atlanta! |
Mais une fois que l'autoroute est faite et les pavillons construits,
il y en a pour cent cinquante ans! Or nos dirigeants, nos élus
locaux n'en sont pas conscients! Autre exemple: en France, avec 1 kg
d'équivalent pétrole, on parcourt 170 km en TGV et 39 en
voiture...
Côté emplois?
Benjamin Dessus Ingénieur et économiste, il préside l'association Global Chance qui regroupe des experts indépendants sur l'énergie et l'environnement. Il a débuté au labo de Marcoussis dans la physique avant de rejoindre EDF sur la centrale solaire Thémis. Il a participé à la création de l'Agence de maîtrise de l'énergie avant d'entrer au CNRS. |