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MONDE | 04.12.07 | 15h13
BRUXELLES BUREAU EUROPÉEN Le développement du nucléaire civil sur le pourtour méditerranéen, tel qu'encouragé par le président français Nicolas Sarkozy, est considéré avec circonspection au sein de l'Union européenne (UE). Le haut représentant pour la politique étrangère, Javier Solana, ne cache pas son inquiétude face au risque de prolifération. "Le problème tient à l'usage dual de la technologie nucléaire: l'uranium est enrichi pour alimenter une centrale et produire de l'électricité, mais si ce combustible fait l'objet d'un nouvel enrichissement, il devient une arme de destruction massive", a-t-il observé lors d'une conférence à Madrid, début novembre. D'après M. Solana, différents pays de la région sont, à l'instar de la Jordanie, du Maroc et de l'Egypte, en train de développer d'"ambitieux programmes" encore "inimaginables voici deux ans" dans ce domaine sensible. Afin d'accompagner le développement de l'énergie nucléaire, M. Solana suggère la création d'un centre international d'enrichissement de l'uranium placé sous supervision internationale. Le projet n'est pas nouveau, puisqu'il a d'abord été formulé dans le contexte du contentieux sur le nucléaire militaire iranien. Mais c'est la première fois qu'un dirigeant européen veut faire d'une telle installation un outil destiné à encadrer le développement du nucléaire civil sur l'autre rive de la Méditerranée. "Tous les Etats auraient un accès égal à ce combustible enrichi, à un prix compétitif", imagine le diplomate en chef de l'UE, sans préciser le lieu où cette nouvelle entité pourrait être installée. |
L'idée a été
émise au moment où le nucléaire s'invite en force,
sous la pression de Paris, dans le dialogue énergétique euro-méditerranéen.
La coopération dans le nucléaire civil pourrait en effet
figurer parmi les projets mis en avant pour donner du corps à l'Union
de la Méditerranée que M. Sarkozy appelle de ses voeux. Au
même titre que les interconnections électriques ou gazières.
Avant l'Algérie, un "échange préliminaire"
sur la construction de centrales nucléaires a été
amorcé entre le Maroc et la compagnie française Areva, en
marge du voyage du président français dans le royaume, fin
octobre.
L'OFFRE FAITE À TRIPOLI "Si on ose dire que le nucléaire civil est réservé à la rive nord de la Méditerranée et que le monde arabe n'est pas assez responsable pour (cette technologie), on l'humilie et on se prépare à la guerre des civilisations", avait expliqué M. Sarkozy, lors de sa visite en Libye, en juillet. Au lendemain de la libération des infirmières bulgares emprisonnées en Libye, Paris et Tripoli avaient alors signé un mémorandum d'accord prévoyant l'accès de la Libye à la technologie nucléaire française. L'offre faite à Tripoli a suscité une certaine émotion au sein de la Commission européenne, ou en Allemagne, où l'on s'est étonné de la "précipitation" de M. Sarkozy. "On ne peut éviter une coopération avec les partenaires les plus fiables, comme l'Egypte, le Maroc et la Tunisie, mais tous les interlocuteurs ne se valent pas", confie un haut responsable bruxellois. L'exécutif européen entend, lui aussi, insister sur les questions de sécurité. "C'est un domaine où nous avons les outils nécessaires, avec le traité Euratom, les moyens financiers d'agir, et une certaine expérience depuis les programmes lancés pour sécuriser des sites dangereux à Tchernobyl et dans les pays candidats", dit cet expert, en jugeant qu'une telle coopération serait "indispensable" avec les pays de la Méditerranée attirés par la technologie européenne. Philippe Ricard
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