L’idée de capturer, puis de stocker
le carbone, complémentaire des politiques de réduction des
émissions nourrit des débats passionnés. Les études
prospectives présentées par le Club d’ingénierie prospective
énergie-environnement (CLIP) dans Les Cahiers du CLIP démontrent
que la capture du carbone n’apporte qu’une solution
partielle, différée et mal répartie sur l’ensemble
de la planète. Les réductions d'émissions
qu'elles permettent ne sont significatives qu'au-delà de 2030 ou
2050. Séquestrer le carbone n’est donc pas une alternative mais
une action complémentaire. Par ailleurs, la quantification des
puits de carbone biologiques pose des problèmes méthodologiques
qui interdisent une comptabilité homogène avec celle des
émissions énergétiques et industrielles. Les plantations
forestières évaluées dans Les Cahiers du CLIP
échappent à cette difficulté, leur impact étant
à la fois prévisible et vérifiable.
Le CLIP a choisi d’évaluer deux modes de séquéstration qui ne sont pas controversées sur le plan méthodologique. Une prémière étude se penchent sur la séquestration géologique qui consiste à prélever le carbone à la source pour le réintroduire dans des gisements pétroliers souterrains, seule technologie aujourd’hui maîtrisée. Pour la séquestration géologique, le potentiel de stockage apparaît fortement limité en raison d’une inadéquation entre sources de CO2 et lieux de stockage possible. Ainsi, les dix-huit pays principaux émetteurs de CO2 dans le monde ne pourraient stocker que 126 Gt de CO2, évitant seulement 16% de leurs émissions d’origine électrique cumulées entre 2000 et 2050. Parmi ces pays, la Chine, l’Inde et les États-Unis, couvrant 53% du potentiel mondial de capture de CO2 issu des centrales électriques, pourraient stocker 72 Gt de CO2, n’évitant que 14% de leurs émissions d’origine électrique cumulées pendant la même période. |
La seconde étude a pour but d’évaluer
en ordre de grandeur les réductions d’émissions de CO2
qu’il serait possible d’obtenir d’ici 2050 en boisant les espaces agricoles
susceptibles de devenir vacants dans le monde jusqu’à cette date.
Les réductions d’émissions ont été calculées
en tenant compte des augmentations de stocks de carbone dans ces boisements
(biomasses et sols) et des possibilités d’utilisation du bois récolté
pour remplacer des combustibles fossiles ou des matériaux comme
l’acier, l’aluminium ou le béton. L’augmentation des stocks de carbone
dans les matériaux bois dans la construction et leur valorisation
énergétique en fin de vie en substitution à des énergies
fossiles ont également été comptabilisées.
Quatre types de plantations sont étudiés alternativement qui inclut la valorisation de la biomasse en substitution aux énergies fossiles, son impact dépend dans une large mesure des perspectives agricoles. À l’échelle mondiale, les gains potentiels de CO2 cumulés entre 2000 et 2050 varient de 2 Gt à 28 Gt selon les disponibilités en terre et les scénarios d’exploitation (soit entre 0,5 et 5% des émissions anthropiques attendues sur la période). Les scénarios qui envisagent une rotation des plantations et une valorisation des produits en matériaux et en énergie sont au moins aussi efficaces du point de vue du changement climatique que les scénarios de stockage sur pied (sans exploitation). De plus, les gains en fin de période sont définitivement acquis, alors que dans le stockage sur pied, ils sont réversibles et constituent un passif pour les générations futures. Ici encore, la seule contrainte provient de l’inadéquation, à l’échelle régionale, des potentiels de plantation et des débouchés des marchés (matériaux, énergie). Pour permettre des échanges entre grandes régions du monde et valoriser pleinement les capacités de production, il sera nécessaire de passer par une transformation poussée des produits comme les biocombustibles liquides. |