La séquestration géologique
du CO2, après capture auprès des des principales
sources d’émissions industrielles est une solution de plus en plus
prisée par les industriels et les gouvernements pour faire face
au réchauffement climatique. En Europe, aux Etats-Unis, les projets
de recherche et les expérimentations se multiplient.
Fin septembre, le Groupe international d’experts sur le climat rendra public un rapport recensant les connaissances sur la capture et la séquestration de CO2, solution envisagée par les Etats et les industriels pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, au moins dans un premier temps. Les experts les plus optimistes pensent que le stockage, à grande échelle, pourra commencer avant la fin de la première phase d’application du protocole de Kyoto, en 2012. Ils comptent sur une baisse du coût de la capture, aujourd’hui très élevé - entre 40 et 100 € la tonne selon la dilution du gaz-, grâce à la multiplication des expérimentations et à la standardisation des procédés. Trois types de formations géologiques sont étudiés afin de stocker les émissions pour une durée qui pourrait aller jusqu’à plusieurs milliers d’années: les gisements de pétrole et de gaz éteints, les veines de charbon dont l’exploitation est terminée et les aquifères profonds (formation géologiques où se logent les nappes d'eau). Les compagnies pétrolières sont parmi les acteurs les plus actifs dans le développement des techniques de séquestration. Ayant recours depuis longtemps à l’injection de CO2 pour diluer une partie des huiles restées prisonnières de la roche, elles possèdent une partie du savoir faire nécessaire. «Il s’agit maintenant de valider des procédures visant à qualifier un réservoir et les matériaux permettant de le boucher», explique Claude Mabile, directeur expert au Centre de résultats exploration-production de l’Institut français du pétrole, un organisme qui participe à plusieurs projets de recherche européens sur la capture et la séquestration. Au niveau mondial, des projets pilotes sont déjà en place. Depuis septembre 2000, 5.000 tonnes de CO2 sont injectées chaque jour dans le réservoir pétrolier de Weyburn au Canada. C’est la première opération industrielle couplant stockage du CO2 et récupération assistée de pétrole. Le gaz est acheminé par pipeline des Etats-Unis. Dans le cadre du projet européen Castor qui regroupe 11 pays et plusieurs groupes exploitant des hydrocarbures comme le norvégien Statoil, l’espagnol Repsol ou Gaz de France, d’autres expérimentations sont en passe d’être lancées. «Je pense qu’il y en aura un site pilote en France d’ici 2010, ajoute Claude Mabile. Les anciens gisements d’hydrocarbures sont certainement l’environnement de stockage qu’on connaît le mieux, sûrement un des plus simples à utiliser dans un premier temps. Le seul problème, c’est que les capacités sont insuffisantes par rapport aux quantités de CO2 émises». D’autant plus insuffisantes que les sites susceptibles d’accueillir les émissions ne sont pas réparties équitablement sur la planète. Des milliards de tonnes de capacité
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Les premières estimations avancent des capacités de stockage
comprises entre 2000 et 10.000 milliards de tonnes. Pour les gisements
de pétrole et de gaz, les prévisions les plus optimistes
misent sur une capacité de 1700 milliards de tonnes. En France,
le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) qui
participe à plusieurs programmes de recherche internationaux sur
la séquestration de CO2, estime que les formations géologiques
souterraines du bassin parisien pourraient accueillir plusieurs centaines
d’années d’émissions françaises. «On sait
que les aquifères peuvent emprisonner des fluides. On connaît
même des gisements naturels de CO2 souterrains qui ont
des millions d’années», explique Isabelle Czernichowski-Lauriol,
chef de projet au BRGM. Il s’agit de reproduire industriellement ces conditions
de capture. Plusieurs sites pilotes sont déjà en place.
Depuis 1996, Statoil récupère un million de tonnes de CO2 par an à partir de gaz naturel extrait en mer du Nord sur le site de Sleipner, qu’elle réinjecte dans un aquifère salin à 1000 mètres de profondeur, sous le plancher océanique. «En Algérie, BP injecte du CO2 dans un aquifère voisin d’un champ de gaz depuis l’été 2004, ajoute la représentante du BRGM. Des techniques de monitoring basées sur la géophysique et la géochimie permettent de surveiller le gaz stocké et ces éventuels déplacements». Les expérimentations en cours n’empêchent pas certains d’être perplexes. «Les capacités de stockage des aquifères sont importantes, certes, mais c’est l’environnement qui est le moins bien connu, objecte Gabriela Goerne, géologue qui suit la question pour le compte de Greenpeace. "De nombreux points restent incertains. Quel chemin pourrait prendre les gaz dans ces immenses formations souterraines? Comment se comportent-ils sur une longue période? Nous avons peu de recul. Quand aux gisements naturels, nous ne connaissons qu’une petite partie de l’histoire. Certains sont restés prisonniers mais d’autres ont pu migrer et se retrouver dans l’atmosphère». Principe de précaution contre modélisation: le débat n’est pas nouveau. Des ONG plutôt hostiles
Nicolas Reynaud
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