Une expérience teste le couplage
d'un réacteur nucléaire avec un accélérateur
à protons. Ce qui ouvrirait la voie de la transmutation des déchets.
A la différence des solutions de stockage ou d'enfouissement, ce réacteur promet de réduire la nocivité et la durée de vie des actinides mineurs, déchets les plus problématiques des centrales. Les déchets nucléaires sont-ils condamnés à rester sous terre des centaines de milliers d'années? Certaines recherches sont entrées en dissidence contre cette thèse privilégiée par la loi Bataille-Birraux du printemps dernier. Depuis quelques mois, une expérimentation internationale menée en Suisse, Megapie, montre qu'une autre voie de gestion des déchets est envisageable. Au nord de Brugg, le centre Paul Scherrer Institute teste, pour la première fois au monde, l'une des briques technologiques fondamentales des incinérateurs à actinides, techniquement dénommés «réacteurs sous-critiques pilotés par accélérateur». A la différence des solutions de stockage ou d'enfouissement, cette voie promet de réduire la nocivité et la durée de vie des actinides mineurs, déchets les plus problématiques des centrales. Comme la technologie des réacteurs de quatrième génération, les réacteurs sous-critiques fonctionnent par transmutation. Dans cette réaction provoquée par un flux de neutrons, les noyaux lourds se désagrégent en noyaux moins actifs. Les physiciens ont même montré que le vilain technicium 99 de 210.000 ans d'activité peut être transformé en ruthénium inerte. Mais, contrairement aux réacteurs type génération 4, dans les systèmes combinés, les neutrons ne sont pas uniquement produits par les réactions de fission du combustible mais viennent aussi d'une source extérieure, un accélérateur de particules. Cette stratégie a deux avantages, explique Arnaud Guertin, chercheur au laboratoire Subatech de l'Ecole des mines de Nantes, partenaire du projet Megapie. L'apport extérieur de neutrons permet de transmuter les déchets dans un réacteur sous-critique, c'est-à-dire incapable d'entretenir tout seul des réactions de fission en chaîne, ce qui empêche les emballements comme à Tchernobyl. Les chercheurs assurent aussi que cette technologie fonctionne avec des cibles à haute teneur en actinides, jusqu'à 50%. Les réacteurs à neutrons rapides ne supportent pas, eux, des teneurs supérieures à 10%. Ceci, alors que les réacteurs à accélérateurs brûleraient 99% des masses d'actinides contre quelques pour- cent pour le second type. Du coup, les partisans de la filière assurent que seuls quelques accélérateurs en France suffiraient à brûler nos déchets, alors qu'un gros parc de réacteurs critiques n'y parviendrait pas. Néanmoins, les promesses de cette approche restent théoriques, ce qui a dissuadé les experts français de leur confier l'avenir du stock national de déchets. La loi Birraux-Bataille a préféré l'approche conservatrice et bien moins coûteuse du stockage souterrain. Depuis, l'Etat français, comme beaucoup d'autres pays, ne finance plus que des recherches de veille sur les systèmes hybrides. C'est pourquoi la communauté des chercheurs de cette filière mise désormais sur des études européennes et internationales pour faire avancer leurs travaux. |
Le programme Eurotrans de la Commission doit préparer
avant 2008 la conception d'un démonstrateur à grande échelle.
S'il est décidé, ce prototype serait ensuite développé
et construit pendant plusieurs années. L'objectif lointain des chercheurs
et des entreprises du secteur comme Areva serait de tester un système
industriel vers 2040.
Un défi scientifique
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