Il devient donc indispensable de s'interroger sur le travail: travailler pour quoi, à quoi? Une réduction progressive de la durée du travail semble de plus en plus souhaitable, ce qui confèrera au temps disponible des dimensions entièrement nouvelles: ce temps de non-travail ne sera plus nécessairement un temps pour les seuls repos, divertissement et consommation, un temps dont il faut toujours hâter de "profiter".
Ceci me fait penser à l'actuelle discussion sur le travail le dimanche... Oui, on ne sait pas toujours quoi en faire, on met parfois la musique trop fort, on attend "l'heure du film",etc... mais cela peut être aussi le jour où l'on "refait le monde", celui où l'on peut enfin arrêter l'engrenage. Oui, on se demande aussi parfois au moment du coucher comment il nous a échappé, mais cela peut être aussi l'occasion, avec ce cycle hebdomadaire, de rester relié aux cycles de la vie. La fête que nous pouvons y trouver, le partage que nous devrions y mettre, devraient-ils se transformer - pour ceux qui en ont les moyens! - en possibilités supplémentaires de consommation? Serait-ce pour éviter l'angoisse d'être seul au milieu de celle des autres ou même au milieu de soi qu'on préfèrerait travailler ou dépenser sans arrêt? Allons, ""le dimanche est le jour où les dieux et les ouvriers se sont reposés, que les marchandises en fassent autant!"" (D L Pélegrin) alors sachons nous arrêter et apprenons à partager.
Revenons donc au "partage du travail"; les uns adhèrent à l'idée mais rechignent à la réduction de salaire qui s'ensuivrait, les autres s'y opposent en affirmant que seule une relance de la croissance permettra de combattre le chômage. Or, la croissance économique n'est pas synonyme de développement, car elle sous-tend généralement des phénomènes de "mal-développement" (c'est à dire aussi bien au "Nord" qu'au "Sud") et toute société comptant jusqu'à 20% d'exclus doit s'attendre à voir monter toutes les expressions de la violence, voire même à dégénérer. Ces chiffres sont ceux du Nord mais notre regard ne peut plus quitter le Sud, car si nous n'acceptons pas le partage de nos richesses, partage qui pourra engendrer une croissance économique fondée sur des productions socialement utiles, alors les suppliques d'aujourd'hui pourraient se transformer demain en exigeances et en menaces autrement plus inquiétantes pour nos styles de vie: en acceptant de remettre en question notre hyperconsommation, tâchons donc de faire mentir que notre "bonheur" fait le malheur des autres.