Ce nom compliqué nécessite une courte explication: Pierre Rhabi, marocain mais cévenol d'adoption, est engagé depuis des années dans un combat humanitaire hors du commun. Un combat contre la désertification du Sahel et de toutes les zones que menace la sécheresse et tentant d'implanter des programmes "d'auto-alimentation" en particulier pour le Burkina Faso, un combat presque désespéré, sur 40ha de garrigues mises à sa disposition par le Département de l'Hérault; et le CIEPAD en a entrepris la mise en valeur fondée sur les concepts de l'agro-écologie (travaux agro-sylvo-pastoraux).
Un soir où Pierre Rhabi était encore au Sahel, le désespoir l'avait étreint: "je connaissais de grosses difficultés et puis j'ai entendu un air de musique; c'était comme une voix qui me parlait, quelque chose d'irrationnel, un réconfort profond et cela m'a beaucoup aidé". Il a ensuite écrit à Y.Menuhin, lui a envoyé ses livres, ses expériences dans le Tiers Monde et ce fut le début d'une amitié dont une des concrétisations fut ce concert.
Voici d'abord les quelques phrases prononcées par Y.Menuhin lors de ce concert:
"Jamais notre terre n'a été aussi menacée par les déséquilibres climatiques. C'est très grave car à long terme, la sécheresse constitue un danger pour tous et pas seulement pour les pays du Tiers Monde. Face à cette menace, le travail que mène Pierre Rabhi depuis de nombreuses années me paraît exemplaire et symbolique de ce que le monde pourrait devenir à condition que chacun y mette du sien. Car tout seul on ne peut pas faire reculer le désert. Je viens donc apporter ma modeste contribution".
Ensuite fut lu le texte écrit à cette occasion par E.Pisani, malheureusement retenu dans les turbulences du monde, ce soir de mai 1992:
"La nature est une musique immense faite de silences, de murmures, de chants, de cris, de fracas, de plaintes et de rires. Ecoutons-la dans son immensité et son intimité. Ecoutons-la longtemps avant de l'entendre car mille bruits couvrent sa voix et l'éloignent de nous. Ecoutons-la comme une musique intérieure. La nature se plaint plus qu'elle ne l'a jamais fait parce qu'on lui arrache plus qu'elle ne peut produire, parce qu'on gaspille ce dont elle voudrait que nous soyons économes, parce qu'on abat les arbres que des siècles seuls peuvent faire grandir et fructifier, parce qu'on souille les eaux, parce qu'on obscurcit le ciel, parce que l'homme est plus puissant que sage. Parce qu'il ne sait plus gérer son patrimoine en bon père de famille. Parce qu'il détruit ce qui ne lui appartient pas et dont il devrait seulement user. Ecoutons-la... Entendons-la, entrons en vibration avec elle. Comme elle désormais nous en avons besoin. Elle nous dit seulement que nul n'a le droit de détruire ou de consommer plus qu'il ne crée. N'entends-tu pas que le bruit de l'arbre qu'on abat sans avoir replanté dix jeunes plants est comme le battement triste de notre glas. Ne sais-tu pas que la nature aime à être généreuse. Elle l'est pour qui la restecte. Tu le sais, n'est-ce pas? Alors pourquoi agir-tu comme si tu étais ignorant? Et si tu ne sais pas, apprends vite. Il est encore temps. La nature ne promet de nourrir et d'héberger que ceux qui la révèrent."
Il a été émouvant d'assister à la répétition puis bien sûr, le grand soir venu, de se sentir tout à coup partie intégrante de la grande musique universelle, approchant ainsi de très près le profond désir de ceux qui l'apprivoisent pour tenter de la faire vivre en nous. A la fin du concert (Bach, Locatelli, Mendelssohn, Shule), Yehudi et les siens, associés bien sûr à Pierre Rabhi, ont reçu du public une ovation sincère et chaleureuse.
Un petit pan de désert venait de reculer...
PS: le titre de cette chronique reprend le titre du concert. Je tiens une documentation à disposition de quiconque est intéressé par le CIEPAD.