SCIENCE, TECHNOLOGIE ET TIERS MONDE
(sous-titre: l'informatique avant l'électricité ?!)
Dans "Urga", le dernier film de N.Mikhalkov, un poste de télévision
flambant neuf crache les aventures du dernier "Rambo"; le détail
est que cela se passe au fin fond du désert de Mongolie... Absurde?
pourtant cela résume beaucoup d'échanges entre le Nord et
le Sud; échanges qui par définition devraient être
réciproques mais qui perpétuent en fait la domination des
pays industrialisés: le mot magique "transfert" (généralement
de technologie) a encore une fois frappé; ce mot me fait penser
que nous avons une mémoire bien courte de l'histoire des techniques:
oublierait-on l'apport des civilisations chinoise et arabe vers l'Europe?
Pour mieux appréhender le problème il est intéressant
de citer quelques chiffres: - 90% des scientifiques travaillent au Nord
- 5% des rapports viennent du Sud (chiffre... officiel qui ne tient compte
que de ceux écrits en anglais! car beaucoup publient localement,
surtout en Amérique latine et dans les pays appelés "nouveaux
industrialisés") mais le nombre de chercheurs y a doublé
depuis les années 70 - les domaines prioritaires du Sud sont les
sciences agricoles et biologiques (santé et élevage) - 80%
ont été formés au Nord, ce qui, au lieu de "nous"
rendre fiers témoigne plutôt d'une manière moins
onéreuse d'augmenter la taille de nos équipes de recherche...
Mais nombreux sont ceux qui sont confrontés aux problèmes
structurels de retour "au pays" et même à l'incompréhension
des proches et malheureusement aussi des institutions (dans une moindre
mesure au Mexique et en Inde). Autre élément d'information,
la solution qui consistait, au début des années 60, à
implanter des filiales de multinationales (surtout pour profiter d'une
main d'oeuvre "à bon marché", pour ne pas dire exploitée...)
s'est heureusement diversifiée, mais le coût des technologies
reste le problème majeur des pays qui sont amenés à
les importer, car au risque de déstructuration de l'économie
locale, s'ajoute l'éternel (?) problème de la dette; sans
compter que ces transferts ont aggravé les différences aussi
entre pays en développement: 90% de la production est concentrée
dans une vingtaine de pays, la presque totalité des autres faisant
partie de l'Afrique sub-saharienne... Question subsidiaire: comment utiliser
les "banques de données" informatiques quand on est tributaire de
pannes d'électricité fréquentes ?! Il est peut-être
intéressant de rappeler que ce sont les complexes militaro-industriels
qui constituent les lieux principaux de recherche, recherche qui leur donne
d'ailleurs une légitimité (Sachez qu'environ la moitié
des budgets de la recherche est plus ou moins directement financée
par le militaire!). C'est d'ailleurs au nom de cette légitimité
qu'un certain nombre de pays du Tiers Monde peuvent affirmer que cela constitue
leur seul moyen d'accéder aux technologies jusque là "réservées",
le nucléaire par exemple; mais jusqu'à quel point les technologies
peuvent-elles leur (et nous...) être utiles si leur principale production
est militaire ?! Allons-nous enfin cesser de nous limiter à la simple
recherche de solutions techniques à des défis technologiques
que nous nous sommes créés, en grande partie parce que nous
croyons toujours fermement que le développement est directement
lié à notre croissance énergétique? Il
est temps de questionner l'essence même des technologies et d'ouvrir
un débat moins académique; il y a des décisions à
prendre toutes affaires cessantes sur les stratégies à
adopter pour se protéger des nouvelles menaces pesant sur la "santé"
du monde: outre l'alimentation pour la moitié d'entre nous, LA VERITABLE
PENURIE DONT NOUS SOUFFRONS D'ORES ET DEJA EST BIEN PLUTOT CELLE DU TEMPS
(et Lamartine n'est plus là pour nous dire: "ô temps suspend
ton vol..."!). Y.Renaud