QUESTION M. Michel Rocard expose à M. le Ministre
des Affaires étrangères ce qui suit: une enquête,
récemment publiée et étayée de documents précis
et convaincants, porte de graves accusations sur le rôle que jouerait
la France dans le transport et la commercialisation d'uranium en provenance
de Namibie, au mépris de la résolution du 24 septembre 1974
de l'assemblée générale de l'ONU qui stipule que «nulle
personne ou entité, constituée ou non en société,
ne peut rechercher, prospecter, explorer, prendre, extraire, exploiter,
traiter, raffiner, utiliser, vendre, exporter ou distribuer une ressource
naturelle quelconque, qu'elle soit d'origine animale ou minérale,
située à l'intérieur des limites territoriales de
la Namibie, sans l'assentiment et l'autorisation du conseil des Nations
Unies pour la Namibie.» Dès lors, plusieurs questions
se trouvent posées:
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4. Dans l'affirmative, les positions exprimées dans cette lettre à l'égard des délibérations de l'assemblée générale de l'ONU correspondent-elles à la position officielle de la France? 5. Au cas où de nouveaux incidents de transport aérien se produiraient, susceptibles d'avoir des conséquences plus tragiques que celui évoqué ci-dessus, quelle serait la position de la France? 6. Est-il exact que la CFP a acquis des intérêts dans la mine de Rössing en Namibie et, dans l'affirmative, quelle a été l'attitude des représentants de l'Etat au conseil d'administration lorsque cette décision a été arrêtée? 7. Est-il exact que le représentant du Commissariat à l'énergie atomique auprès d'Euratom assume des responsabilités au sein d'un cartel regroupant la France, l'Afrique du Sud, le Canada, l'Australie et la compagnie multinationale Rio Tinto Zinc? Dans l'affirmative, cette mission est-elle exercée avec l'approbation, directe ou tacite, du gouvernement français? 8. Au cas où l'ensemble des informations mises à jour par cette enquête seraient exactes, quelle cohérence y a-t-il entre cette politique qui s'apparente à la contrebande et les déclarations officielles du gouvernement français sur le droit à l'autodétermination de la Namibie et l'illégalité de la présence sud-africaine dans ce territoire? 9. Le Premier Ministre est-il disposé à nommer ou à favoriser la création d'une commission d'enquête dont les conclusions seraient communiquées au Parlement? p.11
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RÉPONSE 1. Pour des raisons qui tiennent à
son attachement à la charte des Nations Unies, et notamment au respect
de la répartition des pouvoirs que celle-ci établit entre
l'assemblée générale et le conseil de sécurité,
le gouvernement français, comme de nombreux autres pays, ne reconnaît
aucune valeur juridique au décret sur les ressources naturelles
de la Namibie qui a été promulgué par le conseil des
Nations Unies pour la Namibie, le 27 septembre 1974, et dont l'application
a été recommandée par l'assemblée générale
dans sa résolution 3295 (XXXIX) du 13 septembre 1974. Le gouvernement
n'estime pas, en effet, qu'il soit de l'intérêt des États
membres de l'ONU, et tout d'abord de la France, membre permanent du conseil
de sécurté, de consentir à ce que l'assemblée
générale des Nations Unies ignore les limites que la charte
met à son action.
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2. Le vol UTA 260 qui a atterri à Marignane, le 16 novembre 1979, transportait environ 25 tonnes d'uranium contenu dans des concentrés provenant de la mine de Rössing. Ces concentrés appartenaient à une société étrangère ayant passé un contrat avec une société française spécialisée dans la transformation de ce minerai. Il n'est pas d'usage que ces sociétés imposent à leurs clients des conditions sur la provenance de l'uranium. Les documents douaniers réglementaires d'importation temporaire ont été adressés, après le transport sous douane, aux services compétents. Il faut noter d'ailleurs, à ce sujet, que la compagnie UTA a fait savoir que le contrat qu'elle avait conclu avec la société exploitante de la mine de Rössing a pris fin au mois de décembre dernier et qu'elle n'assurerait donc plus le transport du minerai provenant de celle-ci. 3. Il est exact que la CFP a acquis, en 1973, des intérêts dans la mine de Rössing en Namibie. L'affaire a été examinée par le conseil d'administration de la société, le 6 juin 1973, soit avant le vote de la résolution de l'assemblée générale des Nations Unies du 24 septembre 1974 qui ne crée d'ailleurs, elle-même, comme il a été dit plus haut, aucune obligation juridique à une société privée. Les représentants du gouvernement n'avaient pas, en conséquence, à élever d'objection à une telle opération. 4. La représentation de la France auprès d'Euratom est assurée par un ambassadeur représentant permanent de la France auprès des communautés et non par un représentant du CEA. Les experts du CEA, qui sont amenés à se rendre dans les groupes d'experts d'Euratom, n'assument pas de responsabilité au sein d'un quelconque cartel. Dans le genre cynique, et avec le «style» diplomatique, on doit avoir du mal à faire mieux. p.12
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