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N°38
BONNE FEUILLE



QUESTION

     M. Michel Rocard expose à M. le Ministre des Affaires étrangères ce qui suit:  une enquête, récemment publiée et étayée de documents précis et convaincants, porte de graves accusations sur le rôle que jouerait la France dans le transport et la commercialisation d'uranium en provenance de Namibie, au mépris de la résolution du 24 septembre 1974 de l'assemblée générale de l'ONU qui stipule que «nulle personne ou entité, constituée ou non en société, ne peut rechercher, prospecter, explorer, prendre, extraire, exploiter, traiter, raffiner, utiliser, vendre, exporter ou distribuer une ressource naturelle quelconque, qu'elle soit d'origine animale ou minérale, située à l'intérieur des limites territoriales de la Namibie, sans l'assentiment et l'autorisation du conseil des Nations Unies pour la Namibie.» Dès lors, plusieurs questions se trouvent posées:
     1. Que transportait le vol UTA 280 qui a atterri à 4 h 20 du matin le 16 novembre 1979 à l'aéroport de Marseille-Marignane? Existe-t-il des documents de douane correspondant à ce vol?
     2. Dans l'affirmative, quelle origine indiquaient-ils pour les matières transportées? Quelle était la nature de ce fret, et si les documents portent la mention «autres minerais non ferreux et concentrés», comme il arrive parfois, peut-on connaître de manière plus précise son contenu?
     3. Est-il exact que le 13 janvier 1979, un MIG 21, immatriculé 44, de l'aviation angolaise, a intercepté le vol UTA 274-280? Est-il exact que le directeur des affaires africaines et malgaches a, par lettre du 2 avril 1979, fait état des «problèmes délicats que soulève périodiquement le transport de minerai d'uranium namibien par la compagnie UTA»


     4. Dans l'affirmative, les positions exprimées dans cette lettre à l'égard des délibérations de l'assemblée générale de l'ONU correspondent-elles à la position officielle de la France?
     5. Au cas où de nouveaux incidents de transport aérien se produiraient, susceptibles d'avoir des conséquences plus tragiques que celui évoqué ci-dessus, quelle serait la position de la France?
     6. Est-il exact que la CFP a acquis des intérêts dans la mine de Rössing en Namibie et, dans l'affirmative, quelle a été l'attitude des représentants de l'Etat au conseil d'administration lorsque cette décision a été arrêtée?
     7. Est-il exact que le représentant du Commissariat à l'énergie atomique auprès d'Euratom assume des responsabilités au sein d'un cartel regroupant la France, l'Afrique du Sud, le Canada, l'Australie et la compagnie multinationale Rio Tinto Zinc? Dans l'affirmative, cette mission est-elle exercée avec l'approbation, directe ou tacite, du gouvernement français?
     8. Au cas où l'ensemble des informations mises à jour par cette enquête seraient exactes, quelle cohérence y a-t-il entre cette politique qui s'apparente à la contrebande et les déclarations officielles du gouvernement français sur le droit à l'autodétermination de la Namibie et l'illégalité de la présence sud-africaine dans ce territoire?
     9. Le Premier Ministre est-il disposé à nommer ou à favoriser la création d'une commission d'enquête dont les conclusions seraient communiquées au Parlement?
p.11


RÉPONSE

     1. Pour des raisons qui tiennent à son attachement à la charte des Nations Unies, et notamment au respect de la répartition des pouvoirs que celle-ci établit entre l'assemblée générale et le conseil de sécurité, le gouvernement français, comme de nombreux autres pays, ne reconnaît aucune valeur juridique au décret sur les ressources naturelles de la Namibie qui a été promulgué par le conseil des Nations Unies pour la Namibie, le 27 septembre 1974, et dont l'application a été recommandée par l'assemblée générale dans sa résolution 3295 (XXXIX) du 13 septembre 1974. Le gouvernement n'estime pas, en effet, qu'il soit de l'intérêt des États membres de l'ONU, et tout d'abord de la France, membre permanent du conseil de sécurté, de consentir à ce que l'assemblée générale des Nations Unies ignore les limites que la charte met à son action.
     La reconnaissance de la légitimité de ce « décret » conduirait à attribuer à l'assemblée générale et à ses organes subsidiaires une compétence en matière de sanctions qui n'appartient qu'au conseil de sécurité. En l'absence de toute décision du conseil de sécurité en la matière, les activités des sociétés françaises en Namibie ne sauraient être considérées comme contrevenant au droit international. Néanmoins, chaque fois qu'il a été interrogé par des entreprises au sujet de leurs activités dans le territoire namibien, le gouvernement n'a pas manqué de leur rappeler la situation particulière dans laquelle se trouve celui-ci aux veux de la Communauté internationale.
     C'est d'ailleurs an raison de cette situation et afin de ne pas paraître cautionner la présence sud-africaine an Namibie que la Coface et le comité des investissements n'accordent aucune garantie pour des opérations commerciales intéressant ce territoire. Cette ligne de conduite sera maintenue tant que la Namibie n'aura pas accédé à une indépendance internationalement reconnue, conformément au plan de règlement élaboré par cinq pays occidentaux, dont la France, et approuvé par le conseil de sécurité l'an dernier.


     2. Le vol UTA 260 qui a atterri à Marignane, le 16 novembre 1979, transportait environ 25 tonnes d'uranium contenu dans des concentrés provenant de la mine de Rössing. Ces concentrés appartenaient à une société étrangère ayant passé un contrat avec une société française spécialisée dans la transformation de ce minerai. Il n'est pas d'usage que ces sociétés imposent à leurs clients des conditions sur la provenance de l'uranium. Les documents douaniers réglementaires d'importation temporaire ont été adressés, après le transport sous douane, aux services compétents. Il faut noter d'ailleurs, à ce sujet, que la compagnie UTA a fait savoir que le contrat qu'elle avait conclu avec la société exploitante de la mine de Rössing a pris fin au mois de décembre dernier et qu'elle n'assurerait donc plus le transport du minerai provenant de celle-ci.
     3. Il est exact que la CFP a acquis, en 1973, des intérêts dans la mine de Rössing en Namibie. L'affaire a été examinée par le conseil d'administration de la société, le 6 juin 1973, soit avant le vote de la résolution de l'assemblée générale des Nations Unies du 24 septembre 1974 qui ne crée d'ailleurs, elle-même, comme il a été dit plus haut, aucune obligation juridique à une société privée. Les représentants du gouvernement n'avaient pas, en conséquence, à élever d'objection à une telle opération.
     4. La représentation de la France auprès d'Euratom est assurée par un ambassadeur représentant permanent de la France auprès des communautés et non par un représentant du CEA. Les experts du CEA, qui sont amenés à se rendre dans les groupes d'experts d'Euratom, n'assument pas de responsabilité au sein d'un quelconque cartel.

     Dans le genre cynique, et avec le «style» diplomatique, on doit avoir du mal à faire mieux.

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