Il existe deux grandes catégories
de bombes atomiques: celles basées sur la fission de l'atome (bombes
à l'uranium 235 ou au plutonium) et celles basées sur la
fusion (bombes à hydrogène). Pour le moment, le seul problème
de prolifération qui se pose en termes concrets est celui des bombes
à fission. Il convient cependant de ne pas écarter l'éventualité
d'une prolifération de la bombe à hydrogène.
Le tableau suivant donne la masse critique de l'uranium en fonction de son enrichissement (conditions: sphère d'uranium métal entourée d'un réflecteur en uranium naturel de 15 cm d'épaisseur):
Ces valeurs sont celles indiquées par
le spécialiste américain T.B. Taylor (Annual Review of
Nuclear Science, 25, 1975). Elles sont un peu plus faibles que les
valeurs couramment admises.
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Ces valeurs, également indiquées par T.B. Taylor, sont plus faibles que les estimations habituelles. La présence de l'isotope 240 est gênante et nécessite des raffinements techniques supplémentaires pour faire une bombe. En septembre 1977, les États-Unis ont révélé qu'ils avaient fait exploser une bombe réalisée avec du plutonium obtenu par retraitement du combustible d'une centrale nucléaire commerciale. Cette révélation a mis fin au mythe du plutonium civil complaisamment entretenu par le CEA. Cependant, on admet qu'un pays en voie de développement doit utiliser un plutonium à 90% ou plus de plutonium 239 pour fabriquer une bombe efficace. C'est pourquoi on n'attribue la «qualité militaire» qu'à ce genre de plutonium. Il existe plusieurs façons d'obtenir du plutonium. La plus simple est de se faire livrer un combustible nucléaire contenant du plutonium. Si le combustible livré n'a pas été préalablement irradié, on peut le traiter chimiquement pour en extraire le plutonium sans être gêné par les problèmes de rayonnement gamma (le combustible peut être manipulé, moyennant des précautions telles que port d'un masque à gaz et de gants). Le combustible des surgénérateurs est de ce type. Une autre façon est de faire fonctionner un certain temps un réacteur nucléaire à combustible uranium (naturel ou légèrement enrichi) et d'en extraire le plutonium formé. Les réacteurs à uranium naturel sont les meilleurs à ce point de vue: teneur en isotope 239 plus élevée, et opération de retraitement moins dangereuse et moins difficile que pour un réacteur PWR par exemple. Enfin, on peut disposer, autour d'un coeur de réacteur contenant une très grande proportion de matière fissile, une couverture en uranium naturel (ou appauvri), puis extraire le plutonium d'excellente «qualité militaire» qui s'est formé dans cette couverture. C'était l'intention de la France avec les réacteurs surgénérateurs (voir les déclarations du général Thiry, rapportées par Le Monde du 19 janvier 1978). C'était également l'intention prêtée à l'Irak pour le puissant réacteur de recherche Osirak. QU'EST-CE QUE LA PROLIFÉRATION?
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On distingue en fait une prolifération
«horizontale» et une prolifération «verticale».
Le point de vue généralement adopté pour la prolifération
horizontale est qu'il existe cinq «grandes puissances nucléaires»,
désignées par l'histoire pour avoir droit à l'arme
atomique: États-Unis, URSS, Royaume-Uni, France et Chine. Ce point
de vue n'a guère de justification, mais c'est celui que nous prendrons
en considération. La prolifération commence dans ces conditions
lorsque des pays «qui n'y ont pas droit» se mettent en position
d'accéder à l'arme atomique.
Quant à la prolifération verticale, c'est l'accumulation par les cinq grandes puissances nucléaires des moyens de destruction atomique les plus sophistiqués et les plus effroyables. Ce sujet mérite une Gazette complète; nous le laisserons de côté ici. LES DÉBUTS DE LA «FRENCH CONNECTION»
L'INTERMÈDE CANADIEN
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Malheureusement, cette filière a des caractéristiques physiques qui la rendent très «proliférante»: le modérateur est de l'eau lourde, ce qui permet d'utiliser de l'uranium naturel comme combustible. La quantité de plutonium formée dans un réacteur à eau lourde de 1.000 MWe (3.000 MW thermiques) est d'environ 400 kg par an. En 1963, le Canada livrait à l'lnde un réacteur de recherche à eau lourde de 40 MW thermiques, capable donc de fournir 5 kg de plutonium par an. En 1964, démarrait l'unité de retraitement indienne de Trombay. Le 18 mai 74, I'lnde faisait exploser sa première bombe atomique. Bien entendu, le Canada, qui visiblement n'était absolument pas au courant, interrompit toute livraison nucléaire à l'Inde - mais trop tard. D'autres pays aux intentions peu (ou trop) claires ont acheté des réacteurs à eau lourde: l'Argentine (réacteur allemand) et le Pakistan (réacteur canadien). Nous y reviendrons plus loin. DE NOUVEAU LA FRANCE
LA FlLIÈRE ALLEMANDE
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En Amérique du Sud,
I'Allemagne a commencé par construire (de 1968 à 1974) un
réacteur à eau lourde de 360 MWe en Argentine, à Atucha.
Ce type de réacteur est très proliférant et on a appris,
en octobre 1978, que l'Argentine avait décidé de construire
une usine de retraitement (Le Monde, 18.10.78).
En juin 1975, l'Allemagne de l'Ouest concluait avec le Brésil un contrat colossal: livraison de huit réacteurs nucléaires, et, ce qui est plus grave, d'une usine d'enrichissement et d'une usine de retraitement. Selon un rapport américain (rapport Linowitz), l'Allemagne de l'Ouest entendait se servir de l'accord germano-brésilien pour construire les armes atomiques qui lui sont interdites sur son propre territoire. Depuis, les réacteurs ont pris du retard, et, suite à des pressions américaines, la construction des usines d'enrichissement et de retraitement semble remise à une date indéterminée. La coopération de l'Allemagne de l'Ouest avec l'Afrique du Sud a été beaucoup plus discrète, voire secrète. On sait qu'avec l'aide allemande, I'Afrique du Sud a développé un procédé original d'enrichissement par tuyères. Depuis, il semble bien qu'elle ait accédé à l'arme atomique. Selon le Washington Post, Moscou et Washington auraient coopéré en août 1977 pour empêcher l'Afrique du Sud de procéder à un essai nucléaire dans le désert du Kalahari. Mais le 22 septembre 1979, le satellite de surveillance américain Vela détectait un «double flash» typique d'une explosion nucléaire dans l'océan Indien, au voisinage de l'Afrique du Sud. La puissance de l'explosion était évaluée de 2 à 4 kilotonnes de TNT (15 kilotonnes à Hiroshima). Mais aucune retombée radioactive n'était détectée ensuite. On a essayé d'expliquer ce qui avait été détecté par des phénomènes ionosphériques ou des météorites, mais pas de façon convaincante. En fait, le doute subsiste, et la tendance est de dire qu'il y a une chance sur deux pour qu'il se soit agi d'un essai nucléaire. |
LES PETITS REVENDEURS
Comme les puissances nucléaires éprouvées semblent avoir compris depuis peu les dangers de la prolifération, elles font des difficultés pour vendre des équipements nucléaires. On voit donc apparaître sur le marché des petites puissances nucléaires, qui tentent de vendre leurs réacteurs ou leur technologie. On peut citer l'Inde, sans doute le plus compétent de ces «revendeurs». On peut citer également l'Argentine, qui a vendu un réacteur de recherche au Pérou, et cherche à en vendre un au Chili. LES SUPERPUISSANCES ET LA PROLIFÉRATION VERTICALE
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