La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°45, juillet-août 1981
LES MINES D'URANIUM
Editorial / Sommaire
numérisation assurée par A.Léger/GSIEN
 

     Janus à deux visages, telle devrait être la représentation du nucléaire, avec sa force éclairée: I'industrie électronucléaire, et sa force obscure: l'armement. Et chacun sait qu'il n'est pas possible de dissocier les deux côtés de Janus. Bien sûr, il a fallu essayer de masquer la partie sombre en attirant l'attention sur l'aspect de l'atome au service des hommes: I'opération «Atom for Peace», lancée aux États-Unis dans les années 50, n'avait pas d'autre but. Le seul pays qui a tenté un développement purement civil du nucléaire, le Canada, a été réveillé avec fracas par l'explosion de la bombe indienne. Quant à l'exemple français, il est, lui, particulièrement significatif de la dualité civil-militaire. Que l'on en juge: développement de la filière gaz-graphite pour la fabrication du plutonium, usine de retraitement de La Hague pour son isolement et, parallèlement, usine d'enrichissement de Pierrelatte pour disposer d'uranium 235 très enrichi; et tout ceci, sans ratification du traité de non-prolifération des armements nucléaires! 
     Bien sûr, au bout de quelques années, I'inquiétude s'est emparée de certains pays vendeurs devant la difficulté qu'il y avait à maîtriser le développement des armements nucléaires dont ils voulaient se réserver le seul usage. Nous avons déjà abordé ce sujet dans la Gazetten° 7. Mais la récente affaire du bombardement du réacteur irakien de Tamuz nous incite à y revenir; d'autant que la France est partie prenante dans l'affaire. Le dossier, que nous présentons ici en deuxième partie, a été réalisé par trois physiciens et envoyé au Président de la République. Peut-être est-il à la base des bruits qui circulent sur une réflexion gouvernementale qui serait en cours sur ce problème... 
     Après avoir tenté d'accréditer l'idée que nucléaire civil et nucléaire militaire étaient deux choses séparées, on assiste maintenant à une nouvelle attitude consistant à déclarer que, d'une part, les gens qui se préoccupent des problèmes posés par la production d'électricité d'origine nucléaire feraient mieux de s'intéresser aux milliers de kilotonnes qui circulent dans l'hémisphère nord, et que, d'autre part, le refus du nucléaire civil résulte d'un état affectif créé par la bombe d'Hiroshima. Nous n'insisterons pas sur le paradoxe que cela représente, d'autant plus que, bien souvent, ce sont les mêmes qui se sont occupés de modeler les deux faces du Janus dont nous parlions au début.
Ce type de discours a été assez largement tenu lors du colloque organisé à I'Unesco, sur le thème «Énergie et Société» par bon nombre de nucléocrates présents. M. Boiteux, actuel président d'EDF, a lui-même reconnu, à diverses reprises, que la prolifération nucléaire lui posait des problèmes ... qui, bien sûr, échappaient par ailleurs à sa compétence!
     Comme on le voit, la question est difficile et complexe: ce qui est certain, c'est que les pays exportateurs de technologie nucléaire, et la France est de ceux-là, portent une lourde responsabilité et qu'il n'est pas possible de dire «faites ce que nous voulons, mais ne faites en aucun cas comme nous!» On ne peut non plus tenter de faire croire à une dichotomie vraie entre les deux faces de Janus. Dans ce domaine, ni les bonnes intentions, ni les pseudo-mesures techniques ne sont opérantes; la responsabilité des exportateurs est entière. La vraie morale consiste à balayer d'abord devant sa porte; toute autre approche n'est qu'hypocrisie. 
     La plus grande partie de cette Gazette est consacrée à la publication d'un mémoire relatif au rôle du projet Osirak dans la prolifération de l'arme nucléaire. Ce mémoire, rédigé en mai dernier par trois experts indépendants, membres du GSIEN, a été remis au Président de la République et au Premier ministre, juste après le raid israélien sur le réacteur de Tamuz. Il ne constitue en aucune façon une justification de ce raid, et cherche simplement à évaluer les possibilités techniques de l'Irak d'accéder à I'arme nucléaire, grâce en particulier au réacteur fourni par la France. 
     Mais il est évident que l'affaire Osirak n'est qu'un aspect du problème énorme et crucial de la prolifération. Le début de cette Gazette est donc consacré à une présentation générale du problème, avec un accent particulier et peut-être original mis sur la recherche des responsabilités en matière de prolifération. Il nous semble, en effet, qu'imputer toute la responsabilité aux ambitions d'États plus ou moins militaristes, comme le font bien des scientifiques, n'est qu'un argument commode destiné à se forger une bonne conscience à peu de frais. 
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ENCART
Pour une autre politique de l'énergie
Pour un débat démocratique sur l'énergie
(pétition signée par près d'un million de citoyens, dont le citoyen François Mitterrand...)

· Je m'oppose au choix du «tout nucléaire» fait par le gouvernement.
· J'exige la levée du secret qui entoure toutes les décisions concernant l'énergie, la mise en place de moyens d'information décentralisés et indépendants et le renforcement des mesures de sécurité pour les travailleurs et la population.
· J'affirme que pour faire face à la crise il faut un nouveau type de développement fondé sur les besoins des travailleurs et des populations et sur des réalités régionales. Il s'agit d'imposer une politique qui économise les ressources non  renouvelables, utilise toutes les ressources non exploitées en France et s'appuie sur un vaste plan de développement des énergies nouvelles. Cette politique alternative est susceptible de créer, à terme, des centaines de milliers d'emplois nouveaux.
· Je demande l'organisation d'un large débat public et contradictoire sur la politique énergétique de notre pays, ce qui implique:
     - des consultations et des décisions démocratiques sur les grands choix énergétiques aux niveaux régional et national
     - la suspension du programme électro-nucléaire actuel tant que le débat démocratique n'aura pas été conduit à son terme.

SOMMAIRE
- EDITO
- RAPPELS (Rappels techniques, qu'est-ce que la prolifération? les débuts de la "french-connection", l'intermède canadien, la filière allemande, les petits revendeurs, les super-puissances et la prolifération verticale)
- Dossier OSIRAK

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