(Déclaration de Côme, septembre 1987) La Commission Internationale de Protection
Radiologique (CIPR) a examiné en septembre 1987 le rapport récent
de la Radiation Effets Research Foundation (RERF), la Fondation américano-nippone
qui effectue le suivi des survivants japonais des bombardements atomiques
de Hiroshima et Nagasaki de 1945 (pour les problèmes que la dosimétrie
a posés, voir la Gazette Nucléaire
N° 56/57, déc. 1983. Pour la déclaration de Côme,
voir la N°84/85, janv. 1988).
Ce rapport RERF TR9-87 publié en 1987 de D.L. Preston et D.A. Pierce
s'intitule: «The effects of changes in dosimetry on cancer mortality
risk estimates in the atomic bomb survivors» (Effets du changement
de la dosimétrie sur les estimations du risque de mortalité
par cancer chez les survivants des bombes atomiques). Selon la CIPR «...
cette
étude indiquerait avec la nouvelle dosimétrie (dite OS
86: Dosimetry System 1986) une augmentation du risque de mortalité
par cancer d'un facteur 1,4 par rapport aux risques estimés à
partir de la dosimétrie précédente [dite T65D:
Tentative 1965 Dosimetry]». D'autre part, «la prise en compte
d'un suivi plus long (jusqu'en 1985)... ainsi que d'autres facteurs cités
dans le rapport relève l'estimation du risque pour la population
exposée d'un facteur total de l'ordre de 2».
(suite)
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suite:
Le rapport détaillé et complexe de Preston et Pierce RERF TR 9-87 analyse l'ancienne et la nouvelle dosimétrie en réévaluant les doses dans l'air, les facteurs de transmission des bâtiments et du terrain, l'absorption par les organes, l'effet de la prise en compte ou non des survivants ayant reçu des doses supérieures à 4 Gray (400 rads), le rôle de l'efficacité biologique relative des neutrons et bien d'autres facteurs. Les évaluations du risque qui découlent du suivi d'octobre 1950 au 31 décembre 1985 dans les 2 dosimétries T65D et DS 86 conduisent à des facteurs de risque beaucoup plus élevés que ceux de la CIPR 26 de 1977. Nous analyserons ici brièvement quelques aspects de ce rapport concernant le risque cancérigène du rayonnement. Il nous est impossible d'entrer dans les détails et nous n'indiquerons que quelques éléments simples: 1. Le problème des neutrons: avec la nouvelle dosimétrie, il y a beaucoup moins de neutrons. Il devient impossible d'établir l'efficacité biologique relative des neutrons en différenciant comme auparavant Hiroshima et Nagasaki. Différentes hypothèses sont faites quant à cette efficacité mais il semble qu'une efficacité EBR = 10 telle qu'elle avait été établie à partir de la dosimétrie erronée T65D puisse être conservée. Une variation importante de l'EBR des neutrons a peu d'importance sur le facteur de risque cancérigène déterminé à partir de l'étude du suivi des survivants japonais des bombes A. 2. La dosimétrie: les calculs relatifs à la nouvelle dosimétrie OS 86 sont beaucoup plus précis et exigent des renseignements qui n'ont pas toujours été recueillis lors du recensement de 1950. Ainsi il n'est possible d'établir directement la dosimétrie que pour environ 20.000 personnes, soit 20% de la cohorte initiale. Des calculs indirects ont pu être effectués pour 63% de la cohorte et la dosimétrie a été étendue aux 17% restants. (Les résultats les plus fiables concernent la sous-cohorte de 83% des survivants) L'établissement de la dosimétrie dans les conditions des explosions est particulièrement difficile. En particulier la protection apportée par les bâtiments situés entre le centre de l'explosion et les personnes n'est pas simple à évaluer. Autre exemple: la position des individus (debout, accroupi, penché en avant, etc ... ) réagit d'une façon directe sur la dose totale reçue et sur la dose aux divers organes. 3. Les facteurs de risque · La leucémie: le suivi de mortalité n'a commencé qu'en 1950, 5 ans après l'irradiation. Une partie non négligeable des excès de leucémie a dû apparaître avant 1950, le temps de latence pour ce type de cancer étant relativement court. Une correction est effectuée pour tenir compte des morts par leucémie avant 1950. Une correction est aussi effectuée pour tenir compte des erreurs dans les certi ficats de décès. Ceci conduit les auteurs (p. 36) à un risque absolu de 1,2.10-2 par Sievert (1,2.10-4 par rem) pour l'ensemble des survivants ayant reçu moins de 4 Gray (400 rads), soit 6 fois plus élevé que l'estimation de 1977 de la CIPR 26. p.20
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· Les cancers autres
que la leucémie: les auteurs ont supposé (comme le comité
BEIR de l'Académie des sciences des USA spécialisé
dans les effets biologiques des rayonnements ionisants) que les certificats
de décès conduisent à des erreurs par défaut
de 23%. Pour les personnes ayant reçu moins de 4 Gray (400 rads),
l'excès de risque relatif est de 0,66 par Sievert (Table 13, p.
25) (Il varie peu avec des valeurs différentes d'efficacité
biologique relative des neutrons). Les auteurs prennent un taux de mortalité
naturel (sans irradiation) de 20% pour ces cancers, ce qui conduit à
un risque absolu égal à: 0,66 x 0,2 x 1,23 = 16,2.10-2
par Sievert, soit 16,2.10-4 par rem (16 fois plus que la CIPR
26). Pour l'ensemble des cancers et la leucémie, Preston et Pierce
aboutissent ainsi à un risque absolu de 17,4.10-2 par
Sievert (17,4.10-4 par rem) au lieu de 1,25.10-2
par Sievert pour la CIPR 26 de 1977, soit un facteur de mortalité
14 fois plus élevé et non 2 fois plus élevé
comme l'indique la Déclaration de Côme de septembre 1987.
Remarque: en projetant le même risque relatif à l'ensemble de la population française, on obtiendrait un risque absolu pour les hommes de 25.10-2 par Sievert (25.10-4 par rem) et de 17,2.10-2 par Sievert (17,2.10-4 par rem) pour les femmes. Pour les deux sexes pris dans leur ensemble, le risque absolu serait de 20,6.10-2 par Sievert (20,6.10-4 par rem) (voir l'encadré Données sur la mortalité en France). 4. Facteur de réduction: Les facteurs précédents sont obtenus avec un modèle linéaire entre l'excès de risque et la dose reçue. Les auteurs suggèrent que le risque aux faibles doses pourrait ainsi être surestimé et proposent un facteur de réduction compris entre 1,5 et 3 en se fondant sur un rapport de l'UNSCEAR (United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation, Rapport de 1986 à l'Assemblée Générale) intitulé «Effets génétiques et somatiques des rayonnements ionisants» (Annexe 8, paragraphe 153, page 191). L'UNSCEAR se fonde sur un modèle linéaire-quadratique (la courbe du risque en fonction de la dose n'est pas linéaire mais présente une concavité vers le haut) établi à partir d'expériences sur les chromosomes et les mutations (non spécifiées dans le texte) pour proposer un facteur de réduction compris entre 1,5 et 3 quand on veut extrapoler les résultats obtenus pour des doses de 1 à 2 Grays (100 à 200 rads) délivrées en une seule fois à des doses voisines de 10 milligrays (1 rad). Il y a là un problème dont la solution n'est pas évidente pour deux raisons: 1. Avec la nouvelle dosimétrie, pour les cancers autres que la leucémie et qui représentent 93% du risque cancérigène total, le modèle qui représente le mieux le suivi des survivants japonais est un modèle linéaire-quadratique à concavité tournée vers le bas. Extrapoler vers les faibles doses les résultats observés aux fortes doses conduit à sous-estimer le risque. Le suivi des survivants japonais a été analysé d'une façon claire dans le texte d'Edward Radford (voir la Gazette Nucléaire N° 84/85 de janvier 1988) qui a travaillé à la fondation RE RF de Hiroshima. D'après ses valeurs, on peut déduire le facteur de sous-estimation du risque en fonction de la dose quand on extrapole à partir d'une valeur moyenne de 94 rem. Il est donné dans le tableau suivant: (suite)
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suite:
On voit donc que les conclusions de Radford
sur les mêmes données que Preston et Pierce sont totalement
opposées: il faudrait multiplier le facteur de risque par 3 et non
le diviser par un nombre compris entre 1,5 et 3 comme le recommande l'UNSCEAR.
Le risque cancérigène du rayonnement
est généralement décrit par deux modèles linéaires.
Ils supposent tous deux que l'effet est proportionnel à la somme
des doses individuelles (dose collective) reçues par les individus
de la population considérée.
Le risque relatif pour la dose d est f/fo = 1 + d/D. Le risque absolu correspondant est f = fo d/D. p.21
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Exemple: soit une dose
de doublement D = 100 rem et une population où la fréquence
naturelle des cancers est fo = 0,20, le risque absolu sera égal
à 0,2/100 = 2.10-3 par rem.
· Courbes représentatives: la courbe qui représente le risque absolu en fonction de la dose reçue démarre à 0: pour une dose nulle, le risque absolu est égal à 0. La courbe qui représente le risque relatif en fonction de la dose démarre à 1: pour une dose nulle le risque relati f est égal à 1: · Hypothèses dans les deux
modèles
En résumé:
les résultats bruts du suivi des survivants japonais d'après
le rapport officiel de la RE RF (TR 9-87) sont les suivants:
(suite)
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suite:
Pour les hommes, le risque de mortalité par tumeurs diverses est de 303,1/1053,9 = 0,29, pour les femmes il est de 191,8/973,9 = 0,20. Pour les deux sexes confondus, il est d'environ 24%. COMPARAISON DES FACTEURS DE RISQUE CANCÉRIGÈNE DU RAYONNEMENT PUBLIÉS PAR DIVERS AUTEURS La situation concernant l'évaluation
du risque cancérigène du rayonnement s'est considérablement
améliorée depuis le début des années 1970.
Cependant, la situation demeure curieuse et malsaine. Divers auteurs publient
des résultats sans critiquer ceux qui ne sont pas en accord avec
les leurs. Ces résultats sont en général publiés
sous une forme où la comparaison est loin d'être immédiate.
Il en résulte d'une façon paradoxale une grande confusion
alors que les conclusions ont une très forte tendance à se
rapprocher.
1. G.W. Kneale, A.M. Stewart, T.F. Mancuso, «Reanalysis of data relating to the Hanford Study of the cancer risks of radiation workers". in Late Effets of lonizing radiation. vol. l, IAEA, Vienna, pp. 387-412. 2. E.P. Radford, «Recent evidence of radiation-induced cancer in the Japanese atomic bomb survivors», Conférence de nov 1986, Londres, Radiation and Health. The Biological Effects of Low Level Exposure to lonizing Radiation. Edité par John Wiley, 1987, pp. 87-97. Traduction dans la Gazette Nucléaire N°84/85, janvier 1988 et dans «Santé et Rayonnement» co-édité par le GSIEN et la CRII-RAD. 3. D.L. Preston, D.A. Pierce, RERF 9-87 (1987, «The effects of changes in dosimetry on cancer mortality risk estimates in the atomic bomb survivors». p.22
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Certains auteurs donnent le facteur
de risque par la dose de doublement (modèle du risque relatif),
d'autres donnent directement le facteur de risque absolu (sans spécifier
les caractéristiques des populations envisagées).
Les données brutes explicitées dans les rapports sont les suivantes:
** Le facteur de risque absolu pour la leucémie est 1,2.10-4 par rem et 16,2.10-4 par rem pour les cancers autres que la leucémie. Il représente donc 7% du risque total. Pour passer du risque relatif défini par la dose de doublement (voir le § «Risque absolu - risque relatif»), nous utiliserons la fréquence des cancers mortels en France en 1984, soit 24% (voir encadré). A partir du tableau précédent, on peut ainsi établir une comparaison plus claire des différentes analyses:
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Les valeurs données par Radford correspondent
bien à celles publiées par Preston et Pierce avant l'utilisation
des facteurs de réduction de l 'UNSCEAR. Ceci est normal car les
deux estimations sont faites à partir des mêmes données
RERF. Par contre, l'extrapolation vers les faibles doses à partir
des données de Radford contredit radicalement celle effectuée
par Preston et Pierce. En effet, pour les décès par cancers
(leucémie exclue) du groupe ayant reçu une dose faible aux
tissus (dose moyenne 3 rem), Radford indique une dose de doublement
de 92 rem, ce qui conduit à un facteur de risque absolu de 26,1.10-4
par rem.
En remarquant que la prise en compte des leucémies dans le risque cancérigène total n'apporte qu'une modification faible de l'ordre de 7 %, on peut comparer ce facteur de risque de 26,1.10-4 par rem aux doses faibles à celui obtenu à partir de l'étude des travailleurs de Hanford : on voit que le désaccord n'est plus que d'un facteur 57/26,1, soit 2,7. Cet écart, finalement assez faible, pourrait s'expliquer par diverses raisons: - les erreurs de dosimétrie - le suivi encore incomplet des survivants, en particulier pour les enfants qui avaient moins de 10 ans au moment des bombardements - l'anormalité de la population des survivants. Le facteur 2,7 serait alors la mesure du biais correspondant à ce phénomène. Conclusion: Toutes ces
valeurs (sauf celle de la CIPR) sont finalement assez cohérentes
compte tenu des difficultés inhérentes aux études.
Cependant, il faut remarquer que les différents auteurs n'ont pas
osé formuler d'une façon explicite leurs conclusions ainsi
que les implications qui en résultent pour les normes de radioprotection.
p.23
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En collaboration avec RADIO ZONES, une radio
locale française, nous avons pu nous procurer une copie vidéo
d'un documentaire russe sur Tchernobyl d'une force assez exceptionnelle:
Le
Tocsin de Tchernobyl. Pour l'instant il n'a été projeté
qu'aux festivals de cinéma de Berlin et de Nyon (où il a
été primé). Il semblerait que les chaînes TV
françaises n'ont pas voulu de ce fruit un peu gênant de la
Glasnost... Nous avons réalisé cette version française
dans le cadre de la campagne menée dans notre région contre
la réouverture du surgénérateur de Malville. En effet,
nous avons trouvé que l'évocation très concrète
de la réalité de cette vaste zone désormais interdite
et le déracinement de la population paysanne touchent les personnes
qui resteraient peut-être insensibles à des raisonnements
et des chiffres scientifiques.
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